La Presse Bisontine 75 - Mars 2007

Mensuel d'informations de Besançon et du Grand Besdançon

N° 75

Mars 2007

1,90 € Le troisième mercredi du mois Mensuel d’information de Besançon et des cantons d’Audeux, Boussières, Marchaux, Quingey et Roulans.

DANS L’INTIMITÉ DU MAIRE DE BESANÇON Jean-Louis Fousseret à cœur ouvert

Réserves parlementaires : l’opacité de la République Le système des réserves parle- mentaires est aussi discret que méconnu du public. Comment les députées de Besançon uti- lisent cet argent mis à leur dis- position ? p. 18 L’agriculture est-elle menacée à Besançon ?

- Sa vie - Ses projets - Ce qui le motive - Ses doutes… i j i l i

Lire le dossier p. 11 à 15

Électricité, isolation, eau… Habitat : comment économiser de l’argent ? 6 pages spéciales Le cahier habitat p. 24 à 29

Le Plan Local d’Urbanisme est sur le point d’être adopté à Besan- çon. Un des enjeux de ce docu- ment est la préservation d’une activité agricole sur Besançon. Les exploitants sont inquiets. L’événement p. 6 et 7

Rédaction : “Les Éditions de la Presse Bisontine” - B.P. 83 143 - 5 bis, Grande rue - 25503 MORTEAU CEDEX - Tél. 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81

L’INTERVIEW DU MOIS

Presse Bisontine n°75 - Mars 2007

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Éditorial

SCIENCE

Expédition dans l’océan Arctique

Jean-Louis Étienne : “L’humanité entre dans un virage qu’elle ne doit pas rater”

Statut “Tous pourris !” L’anathème jeté en ces périodes d’élection au visage du mon- de politique fait évidemment le lit douillet des extrémismes. Le maire de Besan- çon gagne plus de 6 600 euros par mois. Et alors. Indécent aux yeux de certains qui rament à coups d’allocations mai- grelettes ou de pensions dérisoires. Tout à fait justifié voire insuffisant au regard des heures passées à la fonction qui occupent les semaines de Jean-Louis Fousseret. Le dossier que nous avons choisi de traiter ce mois-ci est là pour montrer une réalité de terrain que beau- coup ont tôt fait de grimer en la noyant dans de fumeux amalgames populistes dès lors qu’il s’agit de décrire la vie d’un élu. Gagner plus de 6 000 euros par mois pour exercer pleinement un man- dat électif n’a rien de scandaleux. En revanche, toucher une indemnité plei- ne d’ancien député - soit près de 7 000 euros - pendant les six mois qui suivent un échec aux législatives relè- ve d’une dérive aberrante d’un systè- me. Toute comme l’était jusqu’ici le sta- tut d’un sénateur, détenteur presque plénipotentiaire de son siège (heureu- sement, le mandat vient d’être ramené à six ans au lieu de neuf). Ces quelques exemples pour illustrer la nécessaire part des choses à observer lorsque l’on aborde ce sujet démagogique. Toutes les règles en matière d’indemnités publiques ne sont pas à clouer au pilo- ri. Une chose paraît néanmoins évidente bien que rarement abordée : c’est l’in- égalité des élus devant l’exercice d’un mandat électif. Il suffit de décortiquer la composition des conseils municipaux des principales villes - Besançon en est un bon exemple - au regard de la pro- fession exercée par les élus, à côté de leur mandat. On constatera bien vite que les hommes et les femmes issus du privé, du monde de l’entreprise, se comptent sur les doigts d’une main. Il en est de même sur la primauté de la fonction publique dans les exécutifs départementaux, régionaux ainsi que dans les deux Hémicycles. La leçon à tirer de ce constat n’est pas d’en dédui- re un jugement à l’emporte-pièce sur le temps de travail de telle ou telle caté- gorie de travailleurs mais bien plutôt d’aboutir à l’impérieuse nécessité d’éta- blir en France un véritable statut de l’élu, local notamment. Cette innovation évi- terait ainsi bien des préjugés erronés à l’endroit des élus.

Bientôt le départ pour Jean-Louis Étienne, médecin et explorateur. Après de multiples expéditions aux deux pôles, il prépare une nouvelle aventure, en dirigeable,

L.P.B. : En quoi consiste précisément votre prochaine expédition ? J.-L.É. : Nous allons partir mesurer l’épaisseur de la banquise, sur une grande surface. Ces chiffres servi- ront de valeurs de référence. Car si tout le monde sait que la banquise fond, nous manquons toutefois de mesures exactes. Celles-ci permet- tront également d’alimenter les centres de modélisation du climat. Le second travail consistera ensui- te à localiser, avec précision, le pôle

sur la banquise de l’océan Arctique. Rencontre avec l’un des porte-drapeaux de l’avenir de la planète.

Nord magnétique. Mais au-delà, il s’agit aussi d’un projet pédagogique sur les thèmes des changements climatiques et des énergies futures. L’engagement de l’expédition se fera alors à travers la communi- cation auprès des scolaires et du grand public. L.P.B. : Et pour les modalités pratiques ? Où en êtes-vous ? J.-L.É. : Cette opération va s’étaler sur deux mois. La grande traversée partira de France le 15 mars 2008, et arrivera enAlaska à la mi-mai 2008. Pour

Jean-Louis Étienne, prêt à affronter les froids de l’océan Arctique pour mesurer l’épaisseur de la banquise.

L.P.B. : Pourquoi un dirigeable ? J.-L.É. : Cet aéronef possède une vites- se de déplacement et une autono- mie parfaitement adaptées à l’im- mensité de l’océan Arctique. Cette grande vessie d’hélium consomme très peu et ne dépense pas d’éner- gie pour rester en l’air, comme le ferait un avion ou un hélicoptère. C’est donc unmoyen très écologique. L.P.B. : À ce propos, entre le Pacte écolo- gique de Nicolas Hulot et les documen- taires d’Al Gore ou de Yann Arthus-Ber- trand, les préoccupations sur l’avenir de la planète grandissent. Qu’en pensez-vous ? J.-L.É. : Cela fait 20 ans que l’on par- le des changements climatiques. Il est toujours long de porter une infor- mation à caractère scientifique auprès du grand public et qu’il se l’appro- prie ensuite. Il faut une certaine maturation des choses. Aujourd’hui, effectivement, nous sommes dans

L a Presse Bisontine : D’où vous vient cette passion pour les banquises ? Jean-Louis Étienne : C’est très ancien. Déjà, à 14 ans, je faisais des listes de matériels pour aller camper dans les Pyrénées. J’ai toujours aimé cette confron- tation avec l’hiver. Et puis j’aime les déserts, les immensités de nature. Il y règne une beauté, le sen- timent d’être sur une autre planète. On y vit un peu en apesanteur des contraintes du monde. L.P.B. : À quoi pense-t-on lorsqu’on est seul au milieu de la banquise ? J.-L.É. : Il y a une alternance : parfois on a une immensité de réflexions, d’autres fois, la pensée devient encombrante. Par contre, le fait d’avoir du temps est un luxe formidable, cela permet une matu- ration personnelle. Ce sont de vraies retraites : on passe du temps avec soi, sans l’alimentation de l’ex- térieur, comme la télévision, la radio. On doit se recréer un monde.

l’instant, nous allons partir, avec le dirigeable, dès le mois d’avril, pour effectuer le calibrage des appa- reils de mesures. Cela fait déjà trois ans que je travaille sur cet- te expédition. C’est très intense. En fait, il existe une multitude de choses que l’on sous-estime, com- me la logistique, le financement, la gestion d’une équipe, la relation avec les scientifiques…Mais pour l’instant, tout se passe bien.

Le dirigeable, un “moyen très écologique”.

l’éclosion, assez spectaculaire, de cette situation. C’est plutôt joli car l’humanité entre dans un vira- ge qu’elle ne doit pas rater. L.P.B. : Quelles sont, selon vous, les solutions concrètes à mettre en œuvre pour protéger notre planète ? J.-L.É. : Notre société s’est assise confortablement, depuis presque un siècle, sur la sensation, fausse, d’inépuisabilité des ressources fossiles : pétrole, gaz et charbon. Or la majorité de la production élec- trique mondiale se fait avec des centrales ther- miques utilisant ces énergies. Il faut donc d’abord commencer par les économiser. Ensuite, pour l’uti- lisation directe, comme les moyens de transport, on connaît les solutions : transports en commun, petites voitures à faible consommation… Le der- nier point important concerne les logements. L’ha- bitat est une vraie passoire, surtout en hiver. Un tiers des dépenses énergétiques des citoyens pour- rait être économisé si on isolait l’habitat. Rien que ce chiffre est énorme. Propos recueillis par J.C.

Bio express 1946 : Naissance de Jean- Louis Étienne, à Vielmur dans le Tarn. 1975 : Obtient sa thèse en médecine. 1977-1978 : Tour du monde, avecdenombreuxfutursgrands marins,commeÉricTabarly,Jean- François Coste ou Olivier Petit. 1979 : Découverte du Groen- land à bord du bateau “Japy- Hermes”. 1983 : Ascension du versant nord de l’Everest, dans l’Hi- malaya. 1986 : Expédition au Pôle Nord, à pied et en solitaire : 63 jours de marche.

1989-1990 : Co-leader de l’Ex- pédition “Transantarctica” : 7 mois pour traverser le Pôle Sud et promouvoir l’endroit com- me “terre de science et de paix”. 1991-1996 : Organisateur de l’expédition “Antarctica”, par mer,pour des missions à voca- tion scientifiques et pédago- giques. 2002 : “Mission Banquise” : dérive de 3 mois au Pôle Nord pour un programme de recherche. 2004-2005 : Inventaire de la biodiversité sur l’atoll de Clip- perton, dans le Pacifique.

Jean-François Hauser

est éditée par “Les Éditions de la Presse Bisontine”- 5 bis, Grande Rue B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : publipresse@wanadoo.fr Directeur de la publication : Éric TOURNOUX Directeur de la rédaction :

Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction :

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Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Mars 2007 Commission paritaire : 1102I80130

(Voir aussi : ww.jeanlouisetienne.com)

Crédits photos : La Presse Bisontine,A.D.E.P.I.C., Joël Baud, Bernard Bouffier, Burdin Bossert, Chantoillote, Lionel Estavoyer, Jean-Louis Étienne, Ville de Besançon.

RETOUR SUR INFO

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L’actualité bouge, les dossiers évoluent.

Les administrations n’iront pas à la caserne Vauban

La Presse Bisontine revient sur les sujets abordés dans ses précédents numéros, ceux qui ont fait la une de l’actualité de Besançon. Tous les mois, retrouvez la rubrique “Retour sur info”. La zone Témis poursuit son remplissage

L es services de l’État ne seraient plus candidats au rachat d’une partie du site de la caserne Vauban que l’Ar- mée a délaissée. Le projet, mené en par- tenariat avec la ville de Besançon qui doit racheter une grande partie de ces 7 hec- tares de terrain, consistait à installer dans le périmètre de la caserne, plusieurs admi- nistrations. Ce retrait de l’État - certaine- ment pour des raisons financières - ne remet cependant pas en cause le princi- pe de l’acquisition de l’ensemble du fon- cier par la ville qui souhaite y aménager des logements, des services et des com- merces. Actuellement, le site de la caserne Vau- ban est presque entièrement libéré par l’Armée, à l’exception de l’infirmerie. “ Une grande partie du site sera disponible dès l’année prochaine. La zone qui avait été “réservée” par l’État n’aurait été libérée qu’en 2011, cela ne nous empêche donc pas de poursuivre notre réflexion sur le

foncier libéré en 2008, commente Michel Loyat, adjoint à l’urbanisme. Le retrait de l’État nous oblige bien sûr à revoir notre copie globale mais le projet de réaména- gement du site de la caserne Vauban n’est pas remis en cause” affirme l’élu bison- tin. L’ancien site militaire aura une dominan- te habitat. “Nous disposerons d’un espa- ce de plus de 7 hectares dans cette par- tie du centre-ville élargi. L’idée est d’y aménager de grands espaces publics, avec une grande place et éventuellement un arboretum , puis de l’habitat collectif avec des commerces ou des services en rez-de-chaussée” confie M. Loyat. Une douce transition doit s’opérer ensuite à partir de ces logements collectifs pour rejoindre le reste du quartier avec la construction de petites maisons de ville. La réflexion autour de l’aménagement de l’ancienne caserne Vauban sera condui- te et menée à bien en 2008.

V oilà tout juste un an que Témis Innovation - la mai- son des microtechniques qui regroupe incubateur, pépi- nière et hôtel d’entreprise - a été porté sur les fonts baptismaux. Dans l’intervalle, 23 projets d’en- treprises ont été concrétisés. Ils étaient 6 au démarrage de Témis Innovation. “Nous commençons à avoir des listes d’attente. Il y a une vraie dynamique ici, les entre- preneurs en sont désormais conscients” se réjouit lemaire de Besançon. “Un mouvement est en train de se confirmer, ajoute le président de la Région Raymond Forni : les jeunes ne quittent plus forcément la région avant ou après leurs études. Ils y restent et y tra- vaillent. Les dernières statistiques démographiques en attestent.” À lamaison desmicrotechniques, plusieurs structures accueillent les entreprises selon leur degré de développement : l’incubateur pour celles qui viennent d’éclo- re, la pépinière dans lesquelles elles peuvent se développer pen- dant près de quatre ans et l’hô- tel dans lequel elles sont héber- gées avant de s’installer définitivement ailleurs dans de plus vastes locaux. Un des points

positifs relevés par André Auriè- re, le directeur de la pépinière d’entreprises, c’est que “91 % des entreprises qui ont démarré en pépinière à Besançon se sont ensuite installées dans l’agglo- mération.” Toutes les entreprises innovantes installées dans la maison des microtechniques font appel à des technologies de pointe. Actuel- lement, sept sociétés nouvelles sont en incubateur : Covalia-Ubi- frame (applications en neurolo- gie), Émasys (plate-forme de e- maintenance), Erdil (vente de logiciels de “text mining”), Héri- tage Virtuel (reconstitution et ani- mation de sites archéologiques en 3D), Mahytec (stockage d’hy- drogène sous haute pression), Microtep (appareils à haute per- formance), USM (usinage par ultrasons). D’autres ont démar- ré dans les mêmes conditions et ont confirmé leur grand poten- tiel de développement, à l’ima- ge de la société Leirios Techno- logies (éditeur de logiciels de génération automatique de tests) qui, partie de la seule initiative de son fondateur Laurent Py, emploie désormais une trentai- ne de personnes.

84 entreprises engagées pour la diversité

R établir la noblesse d’un des principes fondateurs de notre pacte républicain : l’égalité des chances. Tel est l’ob- jectif final de la charte de la diver- sité et de l’égalité des chances que plus de 80 entreprises du bassin bisontin ont signée le 19 janvier dernier en mairie de Besançon. Égalité homme-fem- me, mais aussi lutte contre les discriminations raciales ou à l’em- bauche et efforts sur la diversi- té culturelle ou ethnique des per- sonnes embauchées, toutes les plus grandes entreprises bison- tines s’engagent : Carrefour, Maty, Parkéon, Bourgeois, Lu, etc. Les moins connues aus- si. Besançon est la troisième vil- le en France à signer cette char- te. Lyon et Annecy l’ont fait avant la capitale franc-comtoise mais avec beaucoup moins d’entre- prises. Dixi Microtechniques fait par- tie des signataires. Cette socié-

té bisontine de 40 salariés l’a fait “natu- rellement” selon son directeur général Jean-Pierre Darnis : “D’un point de vue éthique, je pense que la plupart des chefs d’entreprises ont franchi un cap par rap- port à il y a quelques années, juge le diri- geant. Mais c’est vrai que jusqu’ici, les tâches d’assemblage étaient plus confiées à des femmes, du fait de leur minutie, et les postes de conception aux hommes. Tout cela est en train de changer.” Dixi Microtechniques a déjà embauché une première femme ingénieur, la société s’apprête à en engager une deuxième. “Nous n’en sommes pas encore à la pari- té mais c’est déjà beaucoup mieux qu’avant” résume M. Darnis. Dixi Micro- techniques est encore confrontée à des questions de discrimination - involon- taire - liée à la nationalité de ses sala- riés. Travaillant en partie dans le secteur de la défense, la société est encore contrainte de recruter des salariés de nationalité française pour ce genre de tâches stratégiques. Pour le reste, elle a adopté sans état d’âme cette attitude citoyenne résumée dans la charte.

BESANÇON

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Humour L’humoriste franc- comtois Thierry Mouette jouera son One-man-show “Que du bonheur” le 6 avril prochain à 21 heures, salle Battant à Besan- çon. Peinture La peintre Colette Sala expose ses œuvres du 16 mars au 7 avril à la gale- rie Cimaise du 10, rue de la Préfecture à Besançon. Essence Depuis le 2 janvier, un site internet permet de compa- rer, depuis chez soi, les tarifs du carbu- rant dans les sta- tions services, avant de se rendre à la pompe. Pour Besançon, ça marche bien sûr, à condition de taper le nom de notre vil- le sans sa cédille. Résultat, les prix s’affichent pour 10 stations. À décou- vrir sur www.prix- carburants.gouv.fr EN BREF

PATRIMOINE Presque toutes les portes détruites Au temps où on démolissait pour faire passer le progrès La préservation du patrimoine, mise en avant actuellement par la candidaturee du réseau Vauban à l’Unesco, n’a pas toujours été la priorité des élus bisontins. Petite revue d’effectif de ces joyaux architecturaux victimes de la modernité.

La spectaculaire destruction de la porte Battant en 1956 décidée par le jeune maire Jean Minjoz, a suscité un vif mouvement de protestation.

du patrimoine prend forme. Les remparts de Besançon ont eux aus- si étémenacés dans l’entre-deux-guerres. “Quand on a créé l’avenue Siffert, on pensait carrément détruire tous les rem- parts des glacis. C’est l’action d’une jour- naliste pionnière, Suzanne Peuteuil, qui a sauvé les remparts grâce à une mobi- lisation d’envergure nationale. Les rem- parts devaient être détruits, il fallait “nettoyer” la ville.” Mais c’est à la fin du XIX ème siècle que la ville, comme d’autres, veut s’ouvrir “au nom de l’hygiène.” Les demeures les plus anciennes de Besançon feront alors les frais de ce mouvement : les maisons à colombages qui bordent l’ac- tuel quai de Strasbourg, ancien quar- tier des tanneurs, seront rasées sous Napoléon III. Plus tard encore, d’autres symboles n’échapperont pas au mouvement. Par- mi eux, la caserne Saint-Pierre qui fai- sait face à l’actuelle médiathèque Pier- re Bayle. Dans les années soixante-dix, le maire Jean Minjoz avait émis le sou- hait de construire un centre commer- cial ultramoderne. Sans état d’âme, les beaux bâtiments de la caserne sont mis à terre pour édifier le centre Saint-Pier- re dont la modernité aura fait long feu. Un peu plus tôt, en 1969, le même Jean Minjoz avait ordonné la démolition des

thermes de Besançon, remplacé par la tour “moderne” de l’actuel hôtel Mer- cure. Enfin, “il y a eu aussi de grandes sai- gnées dans les années cinquante et soixan- te” note Lionel Estavoyer. Symbole ulti- me de ce manque de clairvoyance : la démolition spectaculaire de la porte Battant qui avait été construite sous Napoléon III sur les hauteurs du quar- tier. On se disait alors que les princi- paux flux de la circulation automobile allaient passer par là. Il n’en a jamais rien été. Et c’est encore Jean Minjoz, qui au milieu des années cinquante, a ordonné le travail des bulldozers. Les anciens Bisontins s’en souviennent enco- re. Une anecdote raconte que, prévenu par quelques Bisontins, le ministère des Beaux-arts avait voulu empêcher la destruction de la porte Battant. Mais le télégramme de Paris est arrivé trop tard. Les pelleteuses avaient déjà enta- mé leur travail. Malgré toutes ces pertes, Besançon res- te aujourd’hui une des villes les plus préservées de France. Plus de 200 édi- fices sont classés ou inscrits à l’inven- taire des monuments historiques. C’est une des densités les plus fortes des villes françaises. J.-F.H.

L a Porte Noire, témoin majeur de l’Antiquité bisontine, a été sau- vée de justesse de la destruction ! Sous l’Empire, il y a près de deux cents ans, on parlait très sérieusement de la démolir. Tout comme la partie his- torique de l’hôtel de ville de Besançon édifiée au début du XVI ème siècle a failli ne jamais résister aux assauts des par- tisans du progrès. “Pour la Porte Noi- re, ce sont quelques amateurs bisontins d’archéologie et de folklore qui, au début du XIX ème siècle, se sont directement adressés au préfet du Doubs. C’est grâ- ce à leur intervention pressante que le préfet a fini par interdire de toucher à

tiques a été le sort réservé aux portes qui marquaient les entrées de la ville. “La tentation des édiles successifs, notam- ment au XX ème siècle, aura été de faire tomber ces portes car il fallait ouvrir la ville au progrès. Surtout de la fin du XIX ème siècle à l’entre-deux-guerres. C’était l’époque de Besançon-les-Bains, la vil- le était un but d’excursion avec les lignes de chemin de fer P.L.M. Il fallait qu’el- le soit accessible. Entre 1880 et 1930, on fait tout tomber” constate l’historien. Sur la route de Lyon, ce sont les jolies portes de Malpas et Notre-Dame - la première est médiévale, l’autre l’œuvre de Vauban - qui sont démolies. Dans le secteur de l’avenue Siffert, la porte d’Arènes et la porte de Charmont subis- sent le même sort. “La seule entrée de ville préservée est la route de Pontarlier avec la conservation de la porte taillé” ajoute le spécialiste. La porte Rivotte, une des plus emblé- matiques de la ville construite sous Charles-Quint dans la première moitié du XVI ème siècle, a été sauvée in extre- mis grâce à une vaste campagne de mobilisation d’associations bisontines à la fin du XIX ème siècle. La conscience

la Porte Noire” raconte Lionel Esta- voyer, chargé de mission auprès du maire de Besançon pour le patrimoine. Plus près de nous, le palais Granvel- le, autre joyau actuel du patri- moine bisontin, a échappé de peu à la démolition dans les années 1900. C’est pourtant un grand architecte local, Maurice Boutte- rin, qui avait plan- ché sur un projet d’installation des musées de Besan- çon dans l’encein- te du palais. “Dans son projet, il ne voulait garder du palais que la faça- de et la cour.” Hélas, d’autres joyaux n’ont pas échappé au rou- leau compresseur. Un des exemples les plus embléma-

La porte Rivotte a été sauvée in extremis .

Après l’incendie

Intermarché Blum : réouverture à l’automne

L’ enquête menée par la police judiciaire suite à l’incendie du magasin Intermarché de l’avenue Blum le 10 décembre dernier, s’oriente vers la thèse acci- dentelle. Selon les pre- miers éléments, ce serait dû à “une micro-fuite sur une bouteille de gaz qui aurait pris feu avec une étincelle. Il n’y a pas eu d’effraction.” Ce n’est donc

pas un second incendie criminel, comme Inter- marché en avait connu un il y a deux ans. Malgré la fermeture provi- soire de la grande surface depuis deux mois, les 28 salariés de l’enseigne continuent à être rémuné- rés grâce à l’assurance perte d’exploitation. “L’as- surance couvre les salaires jusqu’au redémarrage de l’activité” affirme Jean-

François Robelot, adminis- trateur du site. “Nous avons déposé il y a un mois un permis de démo- lir. Dans la foulée, nous déposerons un nouveau permis de construire. Il faut compter encore six à sept mois avant de pouvoir rouvrir le magasin. De toute façon, ce ne sera pas avant le mois de sep- tembre” ajoute le respon- sable.

L’ÉVÉNEMENT

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D’un côté, la ville, en pleine expansion : ses voitures, ses places de parking, ses constructions… De l’autre, les éleveurs, maraîchers et autres agriculteurs et leurs compagnons à pattes ou à racines. Et au milieu des deux, le nouveau projet de Plan Local d’Urbanisme (P.L.U.). Dans quelques semaines, les conclusions de l’enquête publique seront connues. Et avec elles, la mairie entérinera le nouveau P.L.U. Or, le pro- jet de P.L.U. semble, pour l’instant, ne satisfaire vraiment personne. Parce qu’il y a des choix à faire, ceux du service urbanisme de la ville. Parce qu’il y a des nécessités, qu’il s’agisse de parkings ou de zones de logements. Parce qu’il y a des exploitations désirant survivre dans le calme verdoyant, malgré tout. Un problème apparaissant sans réelle solution, dans l’état actuel des choses, mais avec de multiples posi- tions. Revue de ces points de vue. AGRICULTEURS ET CITADINS : une querelle de colocataires

AGRICULTURE 550 hectares exploités Urbanisation et agriculture, l’équilibre est-il encore possible ?

Des agriculteurs redoutent l’application du futur plan local d’urbanisme qui les priverait parfois d’une partie de leurs terres. Pourtant, dans sa démarche, la ville prétend au contraire tenir compte de l’évolution des exploitations agricoles en place. Qu’en est-il ?

agriculteurs se sentent agressés au quotidien. Pour éviter le scénario catastrophe et conserver de véritables entités agricoles, il ne faudrait pas que les grignotages se poursuivent. Et il faudrait surtout conserver des îlots d’exploitation, d’un minimum d’hectares” C’est en ce sens que prétend agir la ville. Le service urbanisme de la mai- rie de Besançon affirme qu’il y a “un souhait de préservation et de ren- forcement de l’agriculture. Nous avons recensé l’ensemble des exploitations sur la commune, susceptibles d’être pérennes ou de se restructurer.” Par exemple sur le secteur de Chapelle- des-Buis, les terrains sont classés en zone naturelle, mais l’agricultu- re a gardé sa place. “Sur le secteur

nord de Besançon, nous avons mis en place des zones agri- coles qui le resteront en tout cas pendant la durée du pro- chain P.L.U. Du côté des Tilleroyes, un petit espace qui était classé en zone urba- nisable est passé en terre agricole. Sur les Vallières enfin,

nitivement arrêtée. “Il est d’ailleurs question de restituer de la surface au maraîchage s’il y a lieu de le faire.” Les choix qui sont faits par la muni- cipalité dans le cadre du P.L.U. condi- tionnent dans tous les cas l’avenir de l’agriculture. Besançon semble vouloir donner un certain nombre de garanties aux exploitants. Jean- Noël Vivot remarque : “La cohabi- tation reste malgré tout possible. Il ne faut pas oublier que l’agricultu- re périurbaine reste un plus pour la ville. Car chaque citadin aspire à aller respirer sur des espaces plus ouverts. Plus on a de terrains agri- coles, plus la vie en ville devient faci- le. Il n’y a pas que la fonction pro- duction de l’agriculture, mais aussi la fonction sociale.”

“L’agriculture périurbaine est un plus pour la ville.”

B esançon abrite encore sur son territoire une trentaine d’ex- ploitations agricoles en tout genre, du maraîcher à l’éleveur de bovins. La surface foncière utilisée par l’ensemble de ces entreprises est de 550 hectares. Dans le cadre de l’élaboration du plan local d’urba- nisme qui doit être prochainement soumis au vote du Conseil munici- pal, la municipalité précise que “cet- te surface reste stable.” La ville ne grignoterait donc pas sur la cam- pagne. L’équilibre entre constructions et espace agricole serait donc respec- té. D’ailleurs, dans le cadre de la réflexion sur le P.L.U., Michel Dela- croix, président de la Chambre d’Agri- culture du Doubs a indiqué que ce projet “assure globalement une bon- ne prise en compte de l’agriculture et des espaces qui y sont associés. Les principaux îlots agricoles existants ne sont pas déstructurés et on peut émettre l’hypothèse qu’il y a là, poten- tiellement, un facteur contributif au maintien des activités.” Sur le terrain, la perception du plan est parfois plus nuancée. Des agri- culteurs redoutent d’être amputés de leurs terres ou alors qu’elles soient échangées contre d’autres plus éloi- gnées qui compliqueraient leur orga- nisation. Faut-il rappeler la vague de contestation qu’a provoquée l’ex- position du P.L.U. dans le quartier des Vaîtes où se trouvent encore les maraîchers et horticulteurs ? Michel Delacroix a émis également une réserve concernant les territoires qui se situent à proximité du lycée technique Pierre-Adrien Pâris où

une exploitation ovine pourrait être déstabilisée par une urbanisation galopante (voir le témoignage page suivante). Alors, quels recours pour les exploitants concernés ? Ils sont maigres selon Jean-Noël Vivot char- gé de mission en urbanisme à la Chambre d’Agriculture du Doubs. “Les conséquences pour eux sont très insidieuses et les conditions d’ex- ploitations deviennent difficiles. Les

entre la Malcombe et Planoise, la col- lectivité préserve également une zone agricole.” Le seul endroit finalement où l’es- pace agricole est réduit c’est aux Vaîtes, un quartier sur lequel la posi- tion de la ville n’est pas encore défi-

LES TILLEROYES 3,80 euros le mètre carré Plus de place pour les vaches

Face au futur P.L.U., Jean-Claude Courtois, éleveur de bovins, n’a pas d’autre choix que de réduire son troupeau. Une décision qui pèse sur l’avenir de son exploitation, de plus en plus incertain.

location que je vais perdre. Les propriétaires de ces ter- rains vont vendre à des pro- moteurs privés, pour envi- ron 18 euros.”

Parmi ces terres, les trois- quarts étaient destinés aux pâturages des bêtes. Et c’est là que le bât blesse. “Il n’y a quasiment rien à faire regret- te Francine Courtois. À nous d’adapter le nombre de bêtes à la surface disponible.” Son mari renchérit : “Si le P.L.U. se concrétise de cette maniè- re, nous allons devoir rédui- re le nombre de bêtes de 30 ou 40 têtes, au moins. On ne demande pour- tant qu’à vivre de notre métier.” Une épée de Damoclès qui pèse lourd sur l’avenir de la ferme familiale. “Moi, j’ai 53 ans. Dans 7 ans, c’est la retraite. Mais mon “Nous allons devoir réduire le nombre de bêtes de 30 ou 40 têtes.”

L e cadre est surprenant. Autour de la petite ferme classique, avec hangar, tracteur et vaches, le visiteur aper- çoit tous les immeubles de la ville. Jean- Claude Courtois et sa femme Francine tien- nent l’une des dernières fermes périurbaines de l’agglomération. “Mon grand-père est arrivé en 1920 aux Tille- royes explique l’agriculteur. La ferme a été transmise à mon père. Et je me suis installé en 1978.” Au total, la propriété recouvre plus d’une centaine d’hectares. Jean-Claude Courtois précise : “Nous avons des terrains sur les Tilleroyes, Serre-les-Sapins, Pirey et École- Valentin.” L’agriculteur y élève une qua-

rantaine de charolaises, nos futurs steaks, ainsi qu’une centaine de montbéliardes, émi- nentes productrices de lait. Locataire et propriétaire de terrains, Jean- Claude Courtois et sa femme restent toute- fois tributaires des desiderata urbanistes de la mairie. La ville s’étale, le P.L.U. grignote petit à petit des terrains, pratiquant parfois l’expropriation. Déjà en 2001, les parents de Jean-Claude Courtois ont subi une première perte. “Nous avons été expropriés d’environ 16 hectares, vers Châteaufarine, au prix de 3,80 euros le mètre carré” regrette l’agriculteur. Et aujour- d’hui, l’histoire se répète. “Avec le nouveau P.L.U., c’est 20 hectares en

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MONTBOUCONS Élevage de moutons Sous le parking, les champs Berceau d’ovins depuis trois générations, les 10 hectares de la ferme d’Emmanuel Chatelain font l’objet de bien des convoitises. Une situation plutôt préoccupante pour l’agri- culteur, qui continue tout de même à croire à la possibilité de cohabitation entre le monde agricole et citadin.

L es 400 brebis d’Emmanuel Chatelain ont bien travaillé. Aux alentours de la ferme des Mont- boucons, l’herbe des prés ressemble à du gazon anglais. Il est vrai que les animaux ont plutôt inté- rêt à brouter durement, car leurs 10 hectares de ter- rain de jeu semblent bien menacés par le nouveau P.L.U. En effet, les deux voisins de l’agriculteur, le lycée Pier- re-Adrien Pâris et le C.F.A. du B.T.P. deviennent gour- mands. “Il y a un projet d’extension d’un hectare, plus le futur parking, nécessitant également un hectare sou- ligne Emmanuel Chatelain. Un fait confirmé par Jean- Claude Petitjean, chef des travaux du lycée : “Nous avons besoin d’une nouvelle plateforme, pour faire tra- vailler les étudiants. Mais il ne s’agit pas d’un terrain de formation à la conduite, bruyante, d’engins.” Et pour Sébastien Perrin, secrétaire général de la Fédération des Travaux Publics de Franche-Comté et directeur du C.F.A. des travaux publics, “la deman- de pour l’aire d’évolution et le parking émane des deux établissements, lycée et C.F.A. Celle-ci a été portée à l’attention de la Région et de la ville, qui les a inclus dans le projet d’urbanisme.” Il précise : “Il existe une vraie nécessité derrière. D’une part, l’afflux et l’attrait des jeunes pour notre type de formation obligent à s’étendre. Autrement les formations sont condamnées. Quant au stationnement, il faut savoir qu’actuelle- ment, les élèves pratiquent le parking sauvage. Cela gêne la bonne circulation et c’est donc dangereux. Et puis il me semble que le vivre ensemble nécessite quelques aménagements.” Face à ces demandes, Emmanuel Chatelain s’inter- roge tout de même sur le bien-fondé du bétonnage de ses prés. “Je comprends tout à fait que les élèves ont besoin de place. Mais un parking d’1 hectare… Et il faut tout de même garder une distance minimale entre les activités agricoles et citadines. Ces terres proches des bâtiments sont utilisables en toutes saisons pour les pâturages. Elles constituent ce que j’appelle l’es- pace vital de l’exploitation.” Le comble, c’est qu’à côté du C.F.A., il existe un ter-

rain, d’un peu plus d’1 hectare, dont lamairie est propriétaire. Mais qu’el- le refuse d’utiliser pour les exten- sions. “Ils m’ont donné deux rai- sons : d’abord des problèmes de sécurité. Ensuite qu’ils réservent ce terrain pour le projet de Z.A.C., “Les portes de Vesoul”. Mais ce projet, on en parle, on en parle, mais ça ne vient pas vite.” Cette bataille pour garder sa terre, Emmanuel Chatelain la livre depuis 1999. “C’est la Société d’économie mixte d’Équipement du Départe-

Les petits agneaux d’Emmanuel Chatelain sont entre de bonnes mains, en attendant le vote définitif du P.L.U.

Le P.L.U. en dates Septembre 2001 : Engage- ment de la procédure de révi- sion De 2002 à 2004 : Concerta- tions et organisation des études préalables Janvier à juillet 2005 : Diffu- sion de projets auprès du grand public À partir de fin 2005 : Forma- lisation et rédaction du projet 6 juillet 2006 : Arrêt définitif du projet de P.L.U. 13 nov. au 23 décembre 2006 : Réalisation de l’enquête publique Courant mars 2007 : Com- munication du rapport et des conclusions de la commission d’enquête Mars à juin 2007 : Rédaction définitive du P.L.U. en fonction des conclusions de l’enquête publique Juin 2007 : Vote au conseil municipal du P.L.U. amendé

ment du Doubs (S.E.D.D.), négocia- trice pour la Région, qui me contac- tait. Au plus fort, en 2001, c’était presque toutes les semaines. Ils m’ont deman- dé de vendre, à l’amiable, pour envi- ron 3 euros le mètre carré souligne le propriétaire des lieux. Et ça a recom- mencé en 2006 avec le nouveau P.L.U. Je ne veux pas dire, mais cela ressemble quand même à une sorte de harcèle- ment.” Propriétaire des terrains autour de sa ferme depuis trois générations, l’agri- culteur loue également d’autres champs. “Ils sont vers Pirey, École-Valentin, Miserey…Et je loue aussi bien à d’autres propriétaires : la mairie, l’hôpital, à l’armée ou à des particuliers raconte Emmanuel Chatelain. Mais ils sont en location précaire, pour un ou deux ans

seulement.” Difficile donc de concevoir une exploita- tion rentable avec des terrains qui risquent de partir à n’importe quel moment. Pourtant, l’éleveur s’accommode très bien de sa proxi- mité avec la ville. “Les agriculteurs périurbains qui survivront sont ceux qui tourneront en avantage, ce qui est au départ un gros inconvénient explique-t-il, enthousiaste. Il faut profiter du bassin de consom- mateurs directs qui nous entoure.” Alors l’éleveur propose ses moutons pour les fêtes musulmanes de l’Aïd, organise des méchouis dans ses champs, fait visiter la ferme aux écoliers, utilise ses tondeuses sur patte pour entretenir les terrains de Témis 2… Et pour montrer sa bonne volonté, pour emmener le troupeau dans les champs un peu plus éloignés, “je vais à pied, par les routes, sur les che- mins goudronnés, avec le chien et le troupeau. Mais sur les zones de promenade, comme il est interdit d’y laisser tomber des crottes de moutons, je reviens ensui- te avec un balai.” J.C.

“Cela ressemble quand même à une sorte de harcèlement.”

Génésis

103 340 € * 677 866 F

Près de 150 bêtes attendent,

Espace

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chaque jour, les soins de Francine et Jean-Claude Courtois.

Un nombre qui risque de diminuer très prochainement.

Fougère

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pective de laisser derrière soi son travail et une maison ayant vu défiler déjà trois géné- rations reste une éventualité douloureuse à leurs yeux. Et Jean-Claude Courtois d’ajou- ter : “Pourtant, l’agriculture est comme une bouffée d’environnement. Grâce à elle, il y a un peu de nature en ville.” J.C.

fils est à l’école d’agriculture. Il risque donc de vouloir reprendre l’exploitation. Il sera certainement obligé de partir” regrette l’ex- ploitant. Alors, bien sûr, les Courtois comprennent : la ville a besoin de place, c’est la crise du logement… Mais tout de même. La pers-

* Tarif du 01/03/07 au 31/03/07 - hors adaptation au sol,V.R.D., p.p. peintures, moquettes, aménagements extérieurs et zone sismique.

BESANÇON

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AFFAIRE

RÉACTION Responsabilité collective Jean-François Longeot : “Personne n’a eu le courage de lever ce lièvre” Le conseiller général du canton d’Ornans fait partie des rares élus à reconnaître que chacun savait ce qui se passait à l’A.D.E.D. Commentaire.

Suites judiciaires ? A.D.E.D. : le dossier qui dérange L’A.D.E.D. n’existe plus. Épinglée en juin par un rapport de la chambre régionale des comptes qui pointait du doigt “le standing” de cette asso- ciation attachée au Conseil général, sa seule évocation ennuie les élus.

Les élus du Conseil général du Doubs n’au- raient rien vu venir.

L a Presse Bisontine : Selon vous, les élus connaissaient-ils le fonctionnement de l’A.D.E.D. ? Jean-François Longeot : Je précise tout d’abord que je n’ai jamais été au conseil d’administration de l’A.D.E.D. À mon sens on n’a pas voulu voir ce qui se pas- sait dans cette association. Tout le mon- de cautionnait. C’était malheureuse- ment devenu “comme ça.” C’est évident que tout le monde savait, même le grand public s’en apercevait parfois. L.P.B. : Alors pourquoi n’avoir rien dit ? J.-F.L. : Je ne sais pas. Peut-être que per- sonne n’a eu le courage de lever ce lièvre. LP.B. : Quelles suites ont été données à ce dos- sier ? J.-F.L. : Aujourd’hui ce qui me gène, au- delà du fait d’avoir obtenu ce rapport et d’en avoir débattu, est qu’en tant que conseiller général, je ne sais même pas si Guy Millet, l’ancien directeur a été licencié ou s’il est parti de lui-même. Je trouve inquiétant que nous n’ayons pas été informés du départ du directeur. Il me semble important que le Président

I l dérange ce rapport de la chambre régionale des comptes sur la gestion de l’agence de dévelop- pement économique et touristique du Doubs (A.D.E.D.). Ce document de 53 pages publié en juin fait apparaître des conclusions contrastées. Certains points sont positifs, d’autres font l’objet de vives cri- tiques comme le paragraphe dans lequel est décor- tiqué le “standing de l’association.” Frais d’hôtel, de restaurant, de voyage, de réception, “le train de vie était parfois emprunt d’un laxisme regrettable” indique la chambre régionale des comptes. La carte bancaire de l’A.D.E.D. utilisée par sondirec- teur fonctionnait visiblement à l’excès. Le président disposait également d’un tel moyen de paiement. “Certaines dépenses peuvent paraître excessives s’agis- sant de deniers publics” précise le rapport qui porte sur la période 1997-2004.

des élus qui passent du temps à éplucher des comptes, ont pu passer à côté de cela” s’insurge une source proche de ce dossier. D’autant que “certains faits rele- vés présentent un certain caractère de gravité. Mais au-delà des frontières de la Franche-Comté, cette affaire ne paraît pas exceptionnelle” complète un spé- cialiste financier. Les élus auraient donc fermé les yeux. Et aujour- d’hui la page est tournée. Rares sont ceux à s’inter- roger sur les suites à donner à ce rapport. L’histoi- re est vite oubliée et la mémoire courte. Claude Jeannerot lui-même s’est peu soucié du sort dudirec- teur de l’A.D.E.D. dont il ne sait pas s’il a été licen- cié ou s’il a démissionné. “Je peux vous dire qu’il n’a pas perçu d’indemnités.” Gérard Galliot, président actuel de Développement 25, (l’association qui fait suite à l’A.D.E.D.). affirme que le directeur “a bien été licencié.” Finalement ce rapport qui a dit tout

Jeannerod informe les conseillers géné- raux sur cette question. L.P.B. : Guy Millet aurait été licencié sans indem- nités ? J.-F.L. : Alors j’aimerais que l’on m’écri- ve et que l’on me prouve qu’il est parti sans indemnités sachant qu’il avait un contrat et que cela faisait 20 ans qu’il était en poste. Recueilli par T.C. Jean-François Longeot : “Je trouve inquiétant que nous n’ayons pas été informés du départ du directeur.”

Ce sont ces dérives constatées sur une si longue durée qui dérangent les élus du Conseil général aujour- d’hui. Comment ont-ils pu ne pas voir les dérapages financiers de cet- te antenne du Département. Pour- quoi l’opposition n’a pas dénoncé ces abus ? “On s’est étonné à plu- sieurs reprises” remarque simple- ment Claude Jeannerot président duConseil général duDoubs qui en faisait partie à l’époque. “Comment

haut ce que tout le monde pen- sait tout bas est tombé à point nommé pour l’équipe Jeanne- rot qui a mis fin à l’A.D.E.D. Mais lapagede l’agencededéve- loppement économique et tou- ristiquen’est peut-êtrepas enco- re complètement tournée. Le Parquet de Besançon qui a connaissance des faits, pourrait engager des poursuites. T.C.

“On s’est étonné à plusieurs reprises.”

POSITION Suivre les recommandations Le Conseil général tourne la page Le conseiller général du canton d’Ornans fait partie des rares élus à reconnaître que chacun savait ce qui se passait à l’A.D.E.D. Commentaire. P our le Conseil général, l’Agence de Développement Économique du Doubs (A.D.E.D.) appartient désor-

vrant au monde économique. Le Départe- ment n’a plus la majorité (Christian Jac- quet, président de la Chambre de Métiers et Alain Boissière, président de la Fédé- ration du Bâtiment sont dans le bureau). Et nous avons remis de l’ordre dans l’or- ganisation comptable en supprimant notam- ment la carte bancaire. La seule chose qui compte désormais est que nous ayons mis en œuvre les mesures demandées par la Chambre. Mais je précise néanmoins que nous avions décidé de mettre en place un C.D.T. et Développement 25 avant que nous recevions ce rapport qui, finalement, nous a confortés dans nos choix. Nous avons anticipé les mesures.” Et Gérard Galliot, président de Développement 25 de préci- ser : “Nous sommes dans une phase de recrutement du futur directeur.” Bref, tout est reparti comme sur des rou- lettes, sur des bases saines. La page est tournée un peu trop vite selon certains observateurs proches de ce dossier qui esti- ment qu’en “dissolvant l’A.D.E.D., c’était le meilleur moyen, pour le Conseil géné- ral, de dissoudre d’un coup, tous les pro- blèmes.”

mais à de l’histoire ancienne. Le rapport de la Chambre régionale des Comptes qui épinglait l’association sur son train de vie pendant la période 1997-2004 a été débat- tu en assemblée départementale le 13 juin 2006. La collectivité a pris bonne note des observations faites par l’organisme de contrôle et en a tiré les conclusions qui s’imposaient. À partir de là, l’affaire est classée. Le président Claude Jeannerot et son équi- pe ont tourné la page en remaniant l’A.D.E.D. pour créer deux entités dis- tinctes afin d’éviter les confusions entre les genres comme ce fut le cas dans le pas- sé. L’A.D.E.D. a été scindée en deux pour créer d’un côté le comité départemental du tourisme (C.D.T.) et de l’autre Déve- loppement 25 qui accompagne les projets économiques. “Nous avons procédé à une remise en ordre de l’organisation en créant deux organismes” précise Claude Jean- nerot. Il ajoute : “Nous avons élargi les bases dirigeantes de l’association en l’ou-

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ÉCONOMIE

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EN BREF

VÉLO Une manifestation en mai 5 km de pistes cyclables nouvelles tous les ans C’est l’objectif annoncé par la ville de Besançon. Actuellement, la ville est irriguée par 60 km de voies réservées aux vélos. Mais les points noirs et les ruptures de trajet sont encore nombreux.

Chaprais L’association de

défense des habitants du quartier Chaprais- Rotonde vient de créer un site Internet afin de traiter des problèmes de cadre de vie du quartier. Son adresse : www.cha- praisrotonde.fr. Poste Le bureau de poste de Montferrand-le-Châ- teau a été entière- ment rénové. Les clients du bureau ont découvert le 5 février un espace d’accueil plus sécurisé. Le bureau est ouvert du Lundi au vendredi de 9 heures à 12 heures et de 14 h 30 à 17 h 30 et le samedi de 8 h 30 à 11 h 30. Franois Le théâtre de Franois (cercle Saint-Joseph) présente son 27ème festival du rire avec la pièce “Maudit hérita- ge”. Prochaines repré- sentations : samedis 24 février, 10 mars, 24 mars, 31 mars et 14 avril, dimanches 25 mars, 1er et 15 avril à la salle de théâtre de Franois

“L e vélon’est plus unmoyen de déplacement anecdo- tique réservé à deux ou trois écolosde service” lâcheCorin- neTissier, l’élubisontine en char- ge de ce qu’on nomme les “modes dedéplacementdoux”. Désormais, ce ne sont pas moins de 600 000 euros par an que la ville deBesançonveutconsacreràl’amé- liorationduréseaucyclable. “Dans toutes les voies nouvelles que nous réalisons en ville, nous prenons systématiquement en compte les vélos” ajoute Pascal Gudefin, le responsable du service voirie. Ce message fera certainement plaisir à Dany Laurent, à la tête de l’association des usagers de la bicyclette(A.U.B.)depuisunequin- zaine d’années, qui se bat pour que la voix des cyclistes émerge du bruit de la circulation. Selon lui, “au rythme oùonva, il faudra trente ans pour avoir un réseau complet” ,àl’imaged’unevillecom- meStrasbourg,pionnièreenmatiè- re de voies cyclable. Ou Mulhou- se qui en deux ans, a réalisé des dizaines de kilomètres de pistes. “Les aménagements faits sur le

Le réseau est bon mais insuffisant (photo G. Vieille, ville de Besan- çon).

réseau cyclable à Besançon sont satisfaisantsmais insuffisants. Si on veut que les gens se déplacent envélopour leur travail, il faut un réseaucontinu” résumeDanyLau- rent. Certains axes sont complets. Exemple : l’itinéraire centre-vil- le-Bouloie. D’autres, incomplets : le bas de la rue de Dole, l’avenue Léo-Lagrange à hauteur du pont de la Gibelotte qui présente un étranglement dangereux ouenco- re, dans le quartier de la Butte, l’axe qui relie la rue Xavier-Mar- mier et l’avenueClemenceau, bru- talementinterrompu. “Surcepoint, il est prévu de poursuivre l’itiné-

rairemais nous attendons de voir si un rond-point sera aménagé à l’angle des rues Marmier et du Roussillon” répondent les services techniques. Pour continuer à alerter les pou- voirs publics, l’A.U.B. envisage pour le mois de mai, “une grosse manifestation de cyclistes” , his- toire de rappeler aux élus qu’il y a “de plus enplus de cyclistes, sur- tout en ville.” Mais combien sont-ils à utiliser régulièrementlevéloàBesançon ? “Lors du dernier comptage qui avait été fait il yaquelquesannées, nous avions pointé un millier de

de la foire pour relier la rue de DoleàMicropolis, la rocadeàhau- teur de la clinique Saint-Vincent, l’axeAvanne-Velotteetl’axereliant le quartier des Vallons du Jour par la rue du Souvenir Français. Pour ceux qui hésitent encore à venir en ville à vélo pour des rai- sons de sécurité, les services tech- niquesrappellentque “500arceaux ont été installés en ville.” J.-F.H.

cyclistes en un jour, là où nous étions postés, sur le pont Battant. Et depuis, lemouvement s’est enco- re renforcé” assure Pascal Gude- fin. Pour eux, laville deBesançon annonce donc que chaque année, “5kmd’itinérairesnouveauxseront aménagés et 10pointsnoirs seront résolus tous les ans.” En 2007, plusieurs axes seront aménagés. Parmi eux, la bretelle

(27, Grande rue). Réservations au 06 77 49 68 40.

BESANÇON

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EN BREF

QUARTIER BATTANT Rencontres avec ceux qui le font vivre Battant, au cœur des habitants

Humour L’humoriste franc- comtois Thierry Mouette jouera son One-man-show “Que du bonheur” le 6 avril prochain à 21 heures, salle Bat- tant à Besançon. Peinture La peintre Colette Sala expose ses œuvres du 16 mars au 7 avril à la galerie Cimaise du 10, rue de la Préfecture à Besançon. Handball La Coupe de la Ligue Féminine de hand- ball aura lieu du 8 au 11 mars en Franche- Comté. La Coupe de la ligue féminine réunit sur quatre jours les huit meilleures équipes de D1 féminine à l’is- sue des matches allers du champion- nat 2006/2007. Cette année s’affronteront Dijon, Metz, Le Havre, Nîmes, Bègles, Mios Biga- nos, Besançon, Issy- les-Moulineaux. Le vainqueur se qualifie pour une place en Coupe d’Europe. Réservations au 03 81 47 35 85. Novillars L’association Les Ptits Zécoliers de Novillars organise son loto annuel le dimanche 25 mars à la salle polyvalente de Novillars (ouver- ture 13 h 30, début des jeux 14 heures). Le carton est à Depuis le 2 janvier, un site internet per- met de comparer, depuis chez soi, les tarifs du carburant dans les stations ser- vices, avant de se rendre à la pompe. Pour Besançon, ça marche bien sûr, à condition de taper le nom de notre ville sans sa cédille. Résultat, les prix s’affichent pour 10 stations. À découvrir sur www.prix-carbu- rants.gouv.fr Traumatisés L’association des familles de traumati- (A.F.T.C.) est désor- mais installée au 8, rue de la Liberté à Besançon. Céline Sauvard assure l’ac- cueil du lundi au jeu- di de 13 h 15 à 17 heures. Rensei- gnements au 03 81 88 98 60. 6 euros. Essence sés crâniens de Franche-Comté

D’abord quartier des vignerons, puis des horlogers, ou encore des prostituées, le quartier Battant porte en lui une partie de l’âme de Besançon. Animé, enjoué, changeant, il n’aspire qu’à être rencontré, au coin d’une de ses ruelles colorées Lui, ou l’une des personnalités qui y a fait sa vie. Christelle Tranel, coiffeuse : “Si tu n’avances pas, tu recules”

L e sourire aux lèvres, le maquillage impeccable, Christelle Tranel accueille les clients de son salon de coiffu- re avec un mélange de profes- sionnalisme et de simplicité. “J’ai jamais voulu faire autre chose explique la jeune femme. Depuis que j’ai 15 ans, j’ai tou- jours voulu mon propre salon. J’aime travailler avec mes mains, et surtout discuter.” Arrivée de Haute-Saône pour suivre son amoureux, Chris- telle commence sa vie active avec un C.A.P. et un Brevet

Christelle Tra- nel est deve- nue officielle- ment propriétaire de son commerce. “Maintenant, je vais refaire certaines

Professionnel de coiffeuse. Et lorsque le salon de sa tante est mis en vente, elle saute sur l’occasion : elle en devient gérante à tout juste 29 ans. “Dans ma tête, j’étais prête.” Et si l’on évoque les difficultés de l’installation, le poids des responsabilités, Christelle Tra- nel balaye tous les doutes d’un large sourire. “C’est facile. Pour les finances, j’ai un comptable. Et pour le reste… aucun pro- blème.” Tellement peu de soucis en fait que depuis le 1 er octobre 2006,

Des projets plein la tête pour Christelle Tranel

au salon Océane.

choses.” Elle s’explique : “J’y passe 9 heures par jour et je veux m’y sentir bien.” Car avec la demoiselle, il faut que la vie bouge. “Comme disait mon grand-père, si tu n’avances

monotonie.” Et d’ajouter “Quand je coiffe, je ne fais jamais deux fois la même cho- se. Le “On fait comme d’habi- tude”, je peux pas !”

pas, tu recules. L’important ce sont les projets, la passion. Quand je me lève le matin, je n’ai pas l’impression d’aller travailler. Je n’aime pas la

Mohammed Neghliz, pâtissier oriental : “Il faut avoir du courage et du respect”

mille saveurs,MohammedNegh- liz parle de sa fierté. Pour ses filles aux grandes études, pour son fils champion du monde de karaté, pour son métier qu’il adore, pour sa passion, le foot- ball et les arbitrages tous les week-ends. Et de conclure : “Le rêve, c’est la réussite sous toutes ses formes. Si on veut y arriver, il faut avoir du courage et du respect. Et ne pas avoir peur. Dans la vie, il y a des hauts et des bas. Le positif, on le laisse aller. Le négatif, il faut le tra- vailler pour enapprendre quelque chose.”

U ne histoire de famille. Elle commence sous le soleil d’Al- ger, dans une pâtisserie. C’est là que les grands-parents, puis les parents deMohammedNegh- liz ont ouvert leur établissement. Là que le tout jeune homme apprend l’amour des friandises pour papilles. Et en 1996, l’histoire se pour- suit. Dans une autre ville, un

autre pays. “Pour l’avenir demes enfants, leur scolarité, je suis venue en France.” Et Mohammed Neghliz arrive à Besançon. Il ne parle pas la langue, ne peut pas exercer. Peu importe. “Il fallait galérer un peu…” Il redresse la tête fière- ment. “Mais quand on veut y arriver…” Alors à 43 ans, il pas- se son C.A.P. de pâtissier. “Il y

avait une réglementation à res- pecter, des normes sanitaires.” Finalement, il ouvre son salon de thé. Et avec du temps et de la patience, il perfectionne ses douceurs de tous pays. “Allégées en sucre et en matière grasse” précise-t-il. “J’ai ma façon de faire, de me démarquer, de tra- vailler le produit en profondeur.” Et au milieu de ces délices aux

Une réussite basée, selon Mohammed Neghliz, sur un travail acharné.

L’ air embaume les parfums d’ailleurs. Et dans les yeux de Houssein Sbaity, restaura- teur, le Liban étincelle. Son pays d’origine, l’homme l’a quitté à 25 ans. “C’était à cause de la guerre. Je suis venu à Besan- çon rejoindre un ami, avec ma femme. C’était difficile de tout laisser, les parents, les amis” explique-t-il. Mais le jeune homme de l’époque ne s’est pas démonté. Parlant anglais presque couramment, la porte le fait revenir sur le sol français. “Ici, c’est mon deuxiè- me pays. J’ai été naturalisé, par- ce que la France, je m’y sens bien. C’est surtout le respect et la mentalité des gens que j’ai- me.” Houssein Sbaity marque une pause. “L’important, c’est le travail, la santé, les enfants. Vivre bien, sans problème. Ici, je suis bien.” Houssein Sbaity, restaurateur : “Ici, je suis bien” virer un indésirable. Le cas cependant est rare. Et com- me chaque jour, le bar du Tonton accueille plus souvent des amis. “Je connais tout lemonde ici. Je suis là depuis 40 ans. Et ça va bien. C’est bientôt la retraite, mais en atten- dant, je fais la journée…Demain…” Il est comme ça, “Monsieur Bari- ka”. Pour tous, il porte le nom de son bar, porte le nom de son villa- ge, porte à son cou un grand bol d’humanité. Hamadi Djemaï, patron de bar : “Je connais tout le monde ici” Chaque jour, pour Houssein Sbaity, c’est le Liban dans le cœur et la France dans les mains. Hamadi Djemaï, le cœur en bandoulière. il commence par travailler dans un restaurant de spécialités françaises. “C’est mon métier depuis le Liban. Là-bas je tra- vaillais dans l’établissement de mon oncle.” Il ajoute : “Je vou- lais faire quelque chose pour moi. Et comme j’avais de l’ex- périence, il n’y a eu aucun pro- blème.” Alors Houssein Sbaity rachète le restaurant, revend, devient chef de grillades, avant d’ou- vrir, il y a 5 mois, son établis- sement : spécialités libanaises. “J’aime ce métier. Je fais àman- ger aux gens, je discute avec eux.” Et parmi les clients du restaurant, Houssein Sbaity retrouve des Libanais d’origi- ne. Un petit plaisir de chaque jour. “Quand ils viennent, on parle de là-bas. Et c’est comme si j’étais au Liban. Malheureu- sement, la guerre recommence. Ça me fait mal.” L’esprit du restaurateur s’éloigne. Mais le tintement de T rois pommes de haut, plissées comme des patates, Hamadi Dje- maï, dit “Tonton” ou “MonsieurBari- ka” pour les intimes, cache sous ses yeux presque clos un cœur d’or. La petite histoire du vieux bon- homme commence en Algérie, à Barika. Elle se poursuit en France en 1966. Elle cache sûrement quelques blessures. Sa femme et ses enfants sont restés là-bas. “Elle n’a pas voulu venir” dit-il timide- ment. Les événements, comme on les nomme, sont passés dans la vie d’Hamadi Djemaï. Mais pour les détails, il faudra repasser. Car le maître du petit café ne s’oc- cupe pas énormément de lui. Son truc ce serait plutôt les autres et leur bien-être. Parfois, au cours de l’après-midi, on entend Tonton s’in- quiéter : “Il est froid ton café ! T’en veux un autre ? C’est pas bon froid.” Les aigris penseront à une manœuvre habile de commerçant. C’est mal connaître le patron. Car pour le plat de couscous à la fin d’un moisdifficile, les étudiantsnedébour- seront qu’un sourire. Tant pis pour la note, elle sera réglée plus tard. Un cœur en or, évidemment, mais aussi du caractère. Son bar, c’est son royaume. Et il n’est pas ques- tion de venir le troubler avec de mauvaises ondes. “On laisse pas les gens faire ce qu’ils veulent. S’ils ne sont pas corrects, on les sort dehors.” Et “on” vous l’assure : trois pommes de haut n’ont jamais empêché de

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