La Presse Bisontine 75 - Mars 2007

L’ÉVÉNEMENT

Presse Bisontine n°75 - Mars 2007

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D’un côté, la ville, en pleine expansion : ses voitures, ses places de parking, ses constructions… De l’autre, les éleveurs, maraîchers et autres agriculteurs et leurs compagnons à pattes ou à racines. Et au milieu des deux, le nouveau projet de Plan Local d’Urbanisme (P.L.U.). Dans quelques semaines, les conclusions de l’enquête publique seront connues. Et avec elles, la mairie entérinera le nouveau P.L.U. Or, le pro- jet de P.L.U. semble, pour l’instant, ne satisfaire vraiment personne. Parce qu’il y a des choix à faire, ceux du service urbanisme de la ville. Parce qu’il y a des nécessités, qu’il s’agisse de parkings ou de zones de logements. Parce qu’il y a des exploitations désirant survivre dans le calme verdoyant, malgré tout. Un problème apparaissant sans réelle solution, dans l’état actuel des choses, mais avec de multiples posi- tions. Revue de ces points de vue. AGRICULTEURS ET CITADINS : une querelle de colocataires

AGRICULTURE 550 hectares exploités Urbanisation et agriculture, l’équilibre est-il encore possible ?

Des agriculteurs redoutent l’application du futur plan local d’urbanisme qui les priverait parfois d’une partie de leurs terres. Pourtant, dans sa démarche, la ville prétend au contraire tenir compte de l’évolution des exploitations agricoles en place. Qu’en est-il ?

agriculteurs se sentent agressés au quotidien. Pour éviter le scénario catastrophe et conserver de véritables entités agricoles, il ne faudrait pas que les grignotages se poursuivent. Et il faudrait surtout conserver des îlots d’exploitation, d’un minimum d’hectares” C’est en ce sens que prétend agir la ville. Le service urbanisme de la mai- rie de Besançon affirme qu’il y a “un souhait de préservation et de ren- forcement de l’agriculture. Nous avons recensé l’ensemble des exploitations sur la commune, susceptibles d’être pérennes ou de se restructurer.” Par exemple sur le secteur de Chapelle- des-Buis, les terrains sont classés en zone naturelle, mais l’agricultu- re a gardé sa place. “Sur le secteur

nord de Besançon, nous avons mis en place des zones agri- coles qui le resteront en tout cas pendant la durée du pro- chain P.L.U. Du côté des Tilleroyes, un petit espace qui était classé en zone urba- nisable est passé en terre agricole. Sur les Vallières enfin,

nitivement arrêtée. “Il est d’ailleurs question de restituer de la surface au maraîchage s’il y a lieu de le faire.” Les choix qui sont faits par la muni- cipalité dans le cadre du P.L.U. condi- tionnent dans tous les cas l’avenir de l’agriculture. Besançon semble vouloir donner un certain nombre de garanties aux exploitants. Jean- Noël Vivot remarque : “La cohabi- tation reste malgré tout possible. Il ne faut pas oublier que l’agricultu- re périurbaine reste un plus pour la ville. Car chaque citadin aspire à aller respirer sur des espaces plus ouverts. Plus on a de terrains agri- coles, plus la vie en ville devient faci- le. Il n’y a pas que la fonction pro- duction de l’agriculture, mais aussi la fonction sociale.”

“L’agriculture périurbaine est un plus pour la ville.”

B esançon abrite encore sur son territoire une trentaine d’ex- ploitations agricoles en tout genre, du maraîcher à l’éleveur de bovins. La surface foncière utilisée par l’ensemble de ces entreprises est de 550 hectares. Dans le cadre de l’élaboration du plan local d’urba- nisme qui doit être prochainement soumis au vote du Conseil munici- pal, la municipalité précise que “cet- te surface reste stable.” La ville ne grignoterait donc pas sur la cam- pagne. L’équilibre entre constructions et espace agricole serait donc respec- té. D’ailleurs, dans le cadre de la réflexion sur le P.L.U., Michel Dela- croix, président de la Chambre d’Agri- culture du Doubs a indiqué que ce projet “assure globalement une bon- ne prise en compte de l’agriculture et des espaces qui y sont associés. Les principaux îlots agricoles existants ne sont pas déstructurés et on peut émettre l’hypothèse qu’il y a là, poten- tiellement, un facteur contributif au maintien des activités.” Sur le terrain, la perception du plan est parfois plus nuancée. Des agri- culteurs redoutent d’être amputés de leurs terres ou alors qu’elles soient échangées contre d’autres plus éloi- gnées qui compliqueraient leur orga- nisation. Faut-il rappeler la vague de contestation qu’a provoquée l’ex- position du P.L.U. dans le quartier des Vaîtes où se trouvent encore les maraîchers et horticulteurs ? Michel Delacroix a émis également une réserve concernant les territoires qui se situent à proximité du lycée technique Pierre-Adrien Pâris où

une exploitation ovine pourrait être déstabilisée par une urbanisation galopante (voir le témoignage page suivante). Alors, quels recours pour les exploitants concernés ? Ils sont maigres selon Jean-Noël Vivot char- gé de mission en urbanisme à la Chambre d’Agriculture du Doubs. “Les conséquences pour eux sont très insidieuses et les conditions d’ex- ploitations deviennent difficiles. Les

entre la Malcombe et Planoise, la col- lectivité préserve également une zone agricole.” Le seul endroit finalement où l’es- pace agricole est réduit c’est aux Vaîtes, un quartier sur lequel la posi- tion de la ville n’est pas encore défi-

LES TILLEROYES 3,80 euros le mètre carré Plus de place pour les vaches

Face au futur P.L.U., Jean-Claude Courtois, éleveur de bovins, n’a pas d’autre choix que de réduire son troupeau. Une décision qui pèse sur l’avenir de son exploitation, de plus en plus incertain.

location que je vais perdre. Les propriétaires de ces ter- rains vont vendre à des pro- moteurs privés, pour envi- ron 18 euros.”

Parmi ces terres, les trois- quarts étaient destinés aux pâturages des bêtes. Et c’est là que le bât blesse. “Il n’y a quasiment rien à faire regret- te Francine Courtois. À nous d’adapter le nombre de bêtes à la surface disponible.” Son mari renchérit : “Si le P.L.U. se concrétise de cette maniè- re, nous allons devoir rédui- re le nombre de bêtes de 30 ou 40 têtes, au moins. On ne demande pour- tant qu’à vivre de notre métier.” Une épée de Damoclès qui pèse lourd sur l’avenir de la ferme familiale. “Moi, j’ai 53 ans. Dans 7 ans, c’est la retraite. Mais mon “Nous allons devoir réduire le nombre de bêtes de 30 ou 40 têtes.”

L e cadre est surprenant. Autour de la petite ferme classique, avec hangar, tracteur et vaches, le visiteur aper- çoit tous les immeubles de la ville. Jean- Claude Courtois et sa femme Francine tien- nent l’une des dernières fermes périurbaines de l’agglomération. “Mon grand-père est arrivé en 1920 aux Tille- royes explique l’agriculteur. La ferme a été transmise à mon père. Et je me suis installé en 1978.” Au total, la propriété recouvre plus d’une centaine d’hectares. Jean-Claude Courtois précise : “Nous avons des terrains sur les Tilleroyes, Serre-les-Sapins, Pirey et École- Valentin.” L’agriculteur y élève une qua-

rantaine de charolaises, nos futurs steaks, ainsi qu’une centaine de montbéliardes, émi- nentes productrices de lait. Locataire et propriétaire de terrains, Jean- Claude Courtois et sa femme restent toute- fois tributaires des desiderata urbanistes de la mairie. La ville s’étale, le P.L.U. grignote petit à petit des terrains, pratiquant parfois l’expropriation. Déjà en 2001, les parents de Jean-Claude Courtois ont subi une première perte. “Nous avons été expropriés d’environ 16 hectares, vers Châteaufarine, au prix de 3,80 euros le mètre carré” regrette l’agriculteur. Et aujour- d’hui, l’histoire se répète. “Avec le nouveau P.L.U., c’est 20 hectares en

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