La Presse Pontissalienne 274 - Novembre 2022

Le dossier 23

La Presse Pontissalienne n°274 - Novembre 2022

l Parlement

La députée du Haut-Doubs

Annie Genevard exprime “de grandes réserves”

La députée Annie Genevard n’est pas défavorable à un débat autour de la fin de vie. Sans pouvoir s’empêcher de penser qu’Emmanuel Macron fait diversion avec ce nouveau sujet de société pour masquer les vrais soucis du pays… Quel est son avis sur la question ?

A nnie Genevard a conscience que ce débat autour de la fin de vie et de l’éventuelle ouver ture à la possibilité de recourir au suicide assisté ne se règle pas à coups d’opinions tranchées. Le sujet est beau coup plus complexe et nuancé et mérite une analyse approfondie. “Relancer un tel débat, c’est aussi une façon de porter l’attention ailleurs que sur les grands sujets du quotidien qui préoccupent les Français. Ceci étant dit, c’est évidemment un sujet qui intéresse tous les Français” estime la députée L.R. Pour elle, avant de légiférer à nouveau, il serait opportun que “le plus grand nombre de personnes s’approprient les détails de la loi existante. Cette loi qui autorise la sédation profonde, renforce les directives anticipées et interdit l’acharnement thérapeutique, adoptée il y a quelques années seulement, n’est pas encore suffisamment connue” estime l’élue mortuacienne.Avant de faire éva luer la loi, Annie Genevard pense qu’il serait déjà nécessaire de “faire une éva luation précise de la loi actuelle. Elle après seulement envisager une éventuelle

correction.” Annie Genevardmet un deuxième corol laire à l’éventuelle évolution de la légis lation : avant de légiférer, “il faudrait aussi s’interroger sur l’absence de ser vices de soins palliatifs dans certains territoires.” Deux raisons pour lesquelles Annie Genevard estime “regrettable qu’on engage un nouveau processus législatif sur cette question tant que le système actuel n’a pas prouvé ses insuf fisances.” Sur le fond, Annie Genevard semble un peu gênée aux entournures quand on aborde la question du suicide assistée ou de l’euthanasie, “d’abord vis-à-vis du personnel médical” insiste-t-elle. Pour la députée, “ces actes posent une vraie question philosophique et éthique avec des soignants qui sont avant tout là pour soigner.” Elle ne met pas de côté non plus le poids des religions dont la plupart selon elle prônent l’idée “qu’on n’administre pas à la mort à autrui.” Réservée sur l’éventuelle évolution de la loi,Annie Genevard estime également qu’un être humain, dans quelque état

La députée du Haut-Doubs estime que l’actuelle loi Claeys Léonetti n’est pas encore suffisamment connue.

convention citoyenne qu’elle puisse “se déployer sur le territoire et alors cette convention peut être bénéfique.” Il reste à espérer qu’à l’issue de la convention citoyenne, si ce débat arrive ensuite devant le Parlement, les députés ne traitent pas le sujet à coups d’invectives et d’insultes camp contre camp… n J.-F.H.

qu’il soit, “ne perd jamais sa dignité.” Pour elle, “la grandeur d’une société se mesure aussi dans sa capacité à prendre en charge la vulnérabilité et la fragi lité.” Autant de raisons pour lesquellesAnnie Genevard dit exprimer “au regard de mes convictions et de mes valeurs, de grandes réserves et de profondes inter

rogations sur le plan éthique concernant l’éventualité du suicide assisté.” La députée du Haut-Doubs attend aussi du prochain débat qu’il éclaire tous les Français. Y compris elle-même car elle reconnaît bien volontiers qu’il y a “peut être des changements à opérer dans la loi actuelle.” Annie Genevard attend aussi de la

l Suisse voisine Le système en vigueur chez nos voisins Le nombre de suicides assistés est en augmentation constante

À l’échelle de la Suisse romande, l’association Exit-Romandie présidée par le Chaux-de-Fonnier Jean-Jacques Bise a accompagné l’an dernier 421 personnes dans une procédure de suicide assisté.

La tendance est toujours à la hausse cette année.Exit-Roman die devrait dépasser en 2022 le cap des 500 accompagnements. Les bénévoles de l’association Exit s’attendent à être entendus dans le cadre de la convention citoyenne que la France s’apprête à ouvrir sur le sujet du suicide assisté. “Nous avons déjà reçu récemment des parlementaires français. Je pense que chez vous en France, la législation pourrait évoluer” suppose, et espère Jean Jacques Bise. n J.-F.H. Ce que dit la loi suisse Depuis 1937, le Code pénal suisse dispose en son arti cle 1151 : “Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.” A contrario , il tolère donc l’aide au suicide si le mobile égoïste de l'assistant n’est pas établi. n

urgentes, émanant de personnes non-membres de l’association, sont également en hausse : elles représentaient un tiers des dos siers l’an dernier. “Le délai le plus court qu’on ait eu, c’est trois semaines. Il y a quelques cas extrêmes comme ceux-là” constate M. Bise. 95 % des accompagne ments effectués par Exit se pas sent au domicile du patient. La possibilité de recourir au sui cide assisté en Suisse découle d’une interprétation souple de l’article 115 duCode pénal suisse qui pénalise le recours à l’assis tance au suicidemais demanière assez floue (s’il est demandé pour un motif égoïste), laissant donc une large place à cette possibilité. Comme la loi sur le suicide assisté n’existe pas en tant que telle, ce sont les associations qui se sont emparées du sujet. Et

(hormis la cotisation annuelle). Une nuance : “Une personne qui fait appel à nomdans des délais plus urgents, et qui donc n’a pas encore cotisé, paie un forfait de 350 francs” note Jean-Jacques Bise. Les étrangers qui souhai tent recourir au suicide assisté ne peuvent pas faire appel à Exit et n’ont d’autre choix que de se tourner vers d’autres associations type Dignitas (basée à Zürich), Life Circle (à Bâle) ou Ex-Inter national (Berne),moyennant un coût compris entre 9 000 et 10 000 euros.Exit reçoit pourtant à son secrétariat deGenève, “tous les jours des appels venant de France. Absolument tous les jours…” constate Jean-Jacques Bise qui préside (en tant que bénévole) Exit-Romandie depuis 2018. Globalement, les demandes sont en constante hausse. En 2021, Exit-Romandie a accepté 641 dossiers qui ont donné lieu à 421 accompagnements. “Ce qui signi fie qu’un tiers des dossiers accep tés n’ont pas été menés au bout. Quand une personne va très mal et qu’elle sait que son dossier est accepté, il y a une forme de sou lagement car elle sait qu’elle peut demander, ou pas, notre aide” note le président. Le suicide assisté représentait en Suisse romande 1,8 % des décès en 2021. Et les demandes

P entobarbital de sodium. Ce nom barbare, c’est le produit que les can didats suisses au suicide assisté ingèrent pour en finir avec la vie, accompagnés dans ce geste ultime par un proche, et suivis au préalable par une des associations habilitées à la

franco-suisse Jean-Luc Godard récemment. Son homologue dans la partie alémanique, Exit Deut sche Schweiz compte, elle, 140 000 membres. Condition sine qua non pour faire appel aux services de l’association Exit : être résident en Suisse… L’avantage : la gratuité du service

faire. Exit-Romandie est l’une de celles-là.L’association présidée par Jean-Jacques Bise, un habi tant de La Chaux-de-Fonds, compte 33 000 membres qui paient une cotisation de 40 francs suisses par an. C’est cette asso ciation qui a notamment accom pagné vers lamort le réalisateur

chaque associa tion encadre la pratique selon ses propres règles : le discer nement, la fin de vie inéluctable et des souf frances extrêmes, l’ac compagnement obligatoire, le jugement de

On devrait dépasser en 2022 le cap des 500 accompagne ments.

Jean-Jacques Bise, installé à La Chaux-de Fonds, préside l’association Exit-Romandie depuis 2018.

médecins conseils…

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