La Presse Pontissalienne 274 - Novembre 2022
24 Le dossier
La Presse Pontissalienne n°274 - Novembre 2022
l Religion
Monseigneur Jean-Luc Bouilleret L’archevêque de Besançon hostile à l’évolution de la loi
Monseigneur Jean-Luc Bouilleret ne se dit pas favorable à l’autorisation du suicide assisté qu’il met au même rang que l’euthanasie. Il explique sa position.
C omme dans tout débat de société, l’Église catholique participera sans doute au grand débat autour de la fin de vie. À titre personnel, l’archevêque de Besançon Monseigneur Bouilleret, craint que l’éventuelle évolution de la loi et l’ouverture vers le suicide assisté, voire l’euthanasie, soient “une rupture des fondamentaux qui structurent la vie sociale, à savoir le refus du meurtre, le refus de l’inceste et le refus du men songe. Ouvrir la porte au faire mourir serait selon moi une rupture fonda mentale dans le contrat social” estime l’archevêque. L’homme d’Église avance des argu ments d’ordre philosophique en se demandant si “la société est là pour protéger la vie dans sa plus grande fragilité ou pour amener la décision de faire mourir ?” ,mêlant dans le même rejet le suicide assisté et l’euthanasie. Pour étayer sa position, Jean-Luc Bouil leret en appelle également à l’éthique médicale. “Le médecin est-il là pour aider àmourir ou pour préserver la vie ?” , faisant référence au contenu du serment d’Hippocrate qui appelle les soignants à rétablir, préserver ou promouvoir la santé. “J’entends parler de la possibilité qu’il y aurait pour un polyhandicapé de faire entendre sa
volonté de mourir par un clignement des yeux. Je crois qu’on marche sur la tête quand on en est à trouver des moyens techniques pour se dégager de la responsabilité de faire mourir quelqu’un” ajoute le prélat franc-com tois, réfutant au passage ce risque que se généralise pour les gens parfois dits “inutiles” (grabataires, polyhandica pés…) la possibilité d’avoir accès au suicide assisté. “Une société qui n’est plus capable de prendre en charge les plus fragiles est en danger” , opposant
Monseigneur Jean-Luc Bouilleret réfute la tendance à vouloir mettre la liberté de l’individu au centre de tout. “Et la fraternité ?” demande-t-il.
donc la fraternité à la liberté que prônent les pro-suicide assisté. Monseigneur Bouilleret estime qu’avant de faire évoluer la loi “pour quelques cas particu liers” , il serait d’abord nécessaire de généraliser l’existence d’unités de soins palliatifs sur tout le territoire. “26 dépar tements en sont encore dépourvus. Qui dit que ces soins palliatifs se développeraient une fois le suicide assisté auto risé ?” , estimant que dans la société actuelle, “le juridique prend le pas
D’abord nécessaire de énéraliser les soins palliatifs.
distingue pas d’un éventuel “Tu ne te tueras point.” “Le respect de la vie humaine est essentielle, de sa conception à sa fin naturelle” estime Jean-Luc Bouilleret. “Est-ce que c’est la respon sabilité de l’État de répondre systéma tiquement à tous les désirs de l’individu au motif que la technique le permet
trait ? Je ne le crois pas.” Rétrograde l’Église sur cette nouvelle question de société ? “N’est-on pas au contraire en avance en attirant l’atten tion sur les plus fragiles ? C’est plutôt cela qui fait le lien social, et pas l’in dividualisme” répond l’archevêque. n J.-F.H.
sur l’éthique. On s’est battu pendant deux ans pour les gens atteints du Covid n’en meurent pas et là on va ouvrir cette porte à ce que je pense être une rupture sociétale et anthropologique !” , revenant aux sources de la doctrine catholique qui prône le “Tu ne tueras point !” Que le religieux bisontin ne
l Spectacle
L’humour des personnes en fin de vie
“Le théâtre permet une distance nécessaire quand on emploie le mot mort” Marylin Pape de la Compagnie Les Trois sœurs a écrit, mis en scène et joué trois spectacles, dont deux théâtres forums qui traitent de la fin de vie sur le ton de l’humour. Une nouvelle façon d’aborder ce sujet qui reste tabou en libérant un formidable espace de parole.
L a Presse Pontissalienne : Comment avez-vous appré hendé l’écriture du spectacle Fin de vie, oser l’écrire et des deux théâtres forums, l’un sur les aidants, le second sur la dépression et le suicide chez les personnes âgées ? Marylin Pape : Le spectacle Fin de vie, oser l’écrire, traite des direc tives anticipées, il fait suite à une commande de l’association Jalmalv. La première était en 2015 et nous continuons à le jouer, car ce sujet est toujours remis sur le tapis. Le spectacle se compose de quatre saynètes ponctuées par des intermèdes musicaux joués par une chan teuse harpiste. Il y a une touche très humoristique. Le théâtre permet de mettre une distance nécessaire, surtout quand on emploie le mot “mort”. Pour
qui les confie-t-on ? Ce sont des questions qu’a posées le public pendant le débat à l’issue du spectacle. Le théâtre crée un espace de parole extraordinaire. Cela permet de sortir des canaux de communication traditionnels. Nous sommes de plus en plus sollicités, notamment pour les théâtres forums. L.P.P. : Le théâtre forumest uneméthode de théâtre interactive, où le public vient sur scène et trouve des solutions avec les comédiens. Quels ont été les retours des spectateurs lors de vos deux théâtres forums sur les aidants et la dépression et le suicide chez les personnes âgées ? M.P. : Les gens disent beaucoup de choses puisqu’ils trouvent des alternatives avec nous sur scène. Celui sur les aidants mon
écrire ce spectacle, j’ai été aidée par les bénévoles de Jalmalv, qui m’ont accompagnée vers des personnes en fin de vie. J’ai été complètement surprise par leur sens de l’humour, la bonhomie, elles dédramatisent le sujet beaucoup plus que nous.
Le théâtre forum sur les aidants montre l'impact sur la vie sociale et professionnelle des aidants qui s’impliquent souvent jusqu’à en être débordés.
“Un espace de parole extraordinaire.”
L.P.P. : Comment réagit le public ? M.P. : Nos der nières représen tations ont fait salle pleine, c’est un sujet qui intéresse. Ils ont ri du début à la fin, ça fait du bien. Qu’est-ce que les directives anticipées ? À
rir. C’est beaucoup d’émotions, c’est difficile de retenir ses larmes.Mais chacun de nos spec tacles garde le ton de l’humour. n Propos recueillis par L.P.
se suicider. Sa voisine ne sait pas comment l'aider. Une fois, un monsieur de 84 ans s'était mis à genoux sur scène pour empêcher le personnage de mou
tre les difficultés à garder une vie sociale, privée, tout en étant aidant. Les personnages se font bouffer par leur compassion et leur empathie car ils ne peuvent plus dire non. Le spectacle sur la dépression et le suicide chez les personnes âgées met en scène une vieille dame aidante qui perd pied quand son mari dis paraît. Elle dépérit et finit par
La Compagnie joue également la Nostalgie des Blattes, texte de Pierre Notte qui questionne sur la vieillesse. Prochaine représentation le 27 novembre - Rerme de Flagey
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