La Presse Bisontine 274 - Mars 2025

L’événement 9

Mars 2025

l Besançon Veille mobile Un maillon essentiel pour garder le lien Cinq jours par semaine, un binôme de travailleurs sociaux du S.A.A.S. ou avec une infirmière, effectue des veilles mobiles en journée et la nuit en hiver. Il part à la rencontre des sans-abri pour que le lien ne se brise pas.

profite-t-elle. Parfois, la veille mobile se heurte à des refus nets. “Il y a cette per sonne qui ne demande rien, pas d’abri, pas à manger, raconte Jonas. Les infirmières qui nous ont accompagnés ont vu qu’il n’était pas en perte de ses capa cités. Dans ces cas-là, on ne peut rien faire. On sait où il dort, on passe le voir de temps en temps. Mais on ne peut pas le forcer.” La veille mobile patrouille dans le centre-ville, Planoise, dans les zones comme Chalezeule ou Châ teaufarine et un peu sur le Grand Besançon. À Planoise, la plupart dorment dans des squats. La veille mobile voit aussi beaucoup de personnes sous l’emprise de grandes addictions, qui refusent l’abri de nuit et l’aide du S.A.A.S. En moins d’une heure, le télé phone de la veille mobile n’a pas arrêté de sonner. Qui pour un renseignement sur les méandres administratifs, qui pour un suivi de dossier d’une personne… Rouage essentiel, les travailleurs

vous partez, on peut préparer votre arrivée, clarifier les choses” , tente t-il quand même. À la veille mobile, les travailleurs sociaux et soignants répondent présents, sans jugement. Sans s’imposer non plus. “Générale ment, les gens nous disent non, on ne s’impose pas”, souligne Adé laïde. Il faut jauger, certains aiment bien discuter. Je n’ai pas de souvenirs de contacts difficiles.” L’infirmière du S.A.A.S., qui inter vient également à l’Agora, une structure d’hébergement du C.C.A.S., accompagne ceux qui le souhaitent chez des professionnels de santé, distribue du matériel de réduction des risques, les oriente vers d’autres structures, et soigne quelques bobos. Marcel aimerait se faire dépister. Sans médecin traitant, ni téléphone, il se tourne vers l’infirmière. Celle ci le rassure et lui propose de lui rapporter une ordonnance la pro chaine fois. “Je vous emmène au laboratoire ensuite, et on peut faire aussi un check-up complet” ,

I ls sont le maillon qui permet aux sans-abri de maintenir le lien avec la société. Ils leur offrent une couverture, de la nourriture, des informations, un rendez-vous avec un médecin, avec un travailleur social du S.A.A.S. Parfois, il s’agit simple ment de discuter quelques minutes. Les travailleurs sociaux et l’infirmière de la veille mobile connaissent la plupart des sans abri et suivent pour certains leur dossier. C’est le cas de Rémi* qui vit dans un camping-car. Il avait un rendez-vous au S.A.A.S. en vue d’un hébergement, qu’il n’a pas honoré. Inquiet de le perdre, la veille mobile composée de Jonas, un assistant de service social, Adélaïde, infirmière et de

Gaël, stagiaire infirmier, passe lui rendre visite. D’abord méfiant - “il n’aime pas trop les visites quand ce n’est pas prévu”, remarque Jonas - Rémi* mar monne des explications, un peu perdu. Il ne sait finalement pas s’il veut rester dans le coin, remet en cause le projet d’hébergement. Il veut partir mais son camping car n’a pas le contrôle technique. Il n’a plus le droit de rester là où il est. Il évoque aussi des soucis de santé. Adélaïde empoigne le téléphone et trouve immédiate ment un rendez-vous avec un médecin. Quant à Jonas, il laisse pour l’instant couler l’idée d’un rendez-vous avec un travailleur social pour faire avancer son par cours vers un hébergement. “Si

Adélaïde, infirmière au S.A.A.S., fait des veilles mobiles deux fois par semaine en compagnie d’un travailleur social.

aussi aux appels du 115. Deux places dans l’abri de nuit homme et une dans l’abri de nuit femme sont réservées pour les urgences. Cette année, elles sont constam ment prises. n L.P.

sociaux du S.A.A.S. sont au contact direct des sans-abri sur le terrain. Il faut beaucoup d’al lers-retours vers la personne, de recommencement pour la construction d’un lien de confiance. La veille mobile répond

l Besançon Abris de nuit Le nombre de nuitées continue d’augmenter À Besançon, l’abri de nuit des Glacis, désormais appelé Marguerite

l C.C.A.S. Service d’accueil et d’accompagnement social “Entre 100 et 150 personnes sont à la rue à Besançon” Odile Galli gère le S.A.A.S., le service d’accueil et d’accompagnement social, qui dépend du C.C.A.S. Cette première porte d’entrée pour les sans-abri conduit plusieurs missions.

est un peu plus difficile qu’il ne l’a été, on est obligés de refuser des gens certains soirs.” L’abri de nuit des Glacis compte 30 places. Un deuxième abri de nuit, géré par l’A.D.D.S.E.A., est réservé aux femmes. Il propose 11 places. Pour la travailleuse sociale, ce manque de place en hébergement d’urgence entraîne des délais longs pour ceux qui veulent entrer en hébergements ou loge ments. “Les gens restent plus à la rue, voire dans les abris de nuit. Quand on reste trop long temps à la rue ou dans un abri, on se dégrade. Et quand arrive le moment d’être hébergés, ils ne sont plus prêts. On les voit se dégrader de jour en jour devant notre porte avec peu de solutions à apporter.” Joël est veilleur de nuit depuis 40 ans à l’abri de nuit des Glacis. Sa principale mission consiste à accueillir les personnes. Et il voit arriver régulièrement un noyau d’habitués. “On doit faire coha biter le petit vieux avec le jeune toxico, et le gars qui vient de se faire jeter par sa femme, ce n’est pas toujours simple. Mais on ren contre des gens formidables, cer tains ont des histoires pas banales. Et il y a des habitués parce qu’ils ne peuvent pas tenir dans la société. Certains sont en attente d’un appartement.” S’il est un visage que les sans-abri reconnaissent facilement, Joël quittera l’abri de nuit à la fin de l’année pour prendre sa retraite. n L.P.

pour la politique sociale de Besan çon. Elle a notamment pensé et proposé l’abri de nuit qui a vu le jour en 1985. Mais depuis bientôt 40 ans, la façon dont est utilisé l’abri de nuit se modifie. En l’es pèce, le nombre de nuitées aug mente, quand le nombre de per sonnes accueillies diminue. En 2024, l’abri de nuit homme a compté 9 469 nuitées pour 314 sans domicile stable. À titre d’exemple, en 2021, le nombre de nuitées était de 7 825 pour 325 personnes. Que doit-on com prendre derrière ces chiffres ? Anne Vignot a apporté un élé ment de réponse lors de l’inau guration du nouveau nom début février : “Les gens reviennent régulièrement ici car l’héberge ment d’urgence ne suffit plus, ils sont tout le temps complets, c’est long.” Pour Odile Galli, cheffe de service du S.A.A.S., “le contexte

À l’abri de nuit des Glacis, il n’y a pas que le nom qui a changé. La struc ture gérée par le S.A.A.S. (service d’accueil et d’ac compagnement social) porte dés ormais le nom de Marguerite Vieille-Marchiset, une ancienne élue locale qui a beaucoup œuvré symbolisant un encombre ment dans le processus de retour au logement. Vieille-Marchiset offre 30 places pour les hommes. Si le nombre de personnes accueillies diminue, le nombre de nuitées augmente,

O dile Galli, vous gérez le S.A.A.S., le service d’ac cueil et d’accompagnement social. Quelles sont ses missions ? Odile Galli : Le S.A.A.S. est le premier accueil inconditionnel des personnes qui se retrouvent sans-abri sur le territoire bisontin. On va pouvoir ensuite réorienter si besoin. On est la porte d’entrée. La deuxième mission est la domici liation, on offre une adresse aux personnes sans-abri, indispensable pour l’ouverture des droits. En moyenne, nous avons 700 domicilia tions, ce qui est énorme. La grande majorité sont des personnes hébergées chez des tiers mais ça reste précaire. À noter qu’il y a de plus en plus de femmes. 74 % des domiciliations sont des hommes, 26 % des femmes. Il y a six ans, c’était de l’ordre de 20 %. La troisième mis sion est l’accompagnement social avec l’accès aux droits, aux ressources, à la santé et à l’hé bergement. On peut faire des demandes d’hé bergement d’urgence. Mais les places manquent. 230 personnes sont en attente d’un hébergement d’insertion dans le Doubs. Le S.A.A.S. a le dispositif Accompagnement vers et dans le logement, de la rue au logement. Ce sont pour des personnes qui ne veulent ou ne peuvent plus aller en centres d’hébergement. Une quarantaine est dans ce dispositif. Cela rentre dans le plan Logement d’abord. Et la santé est un gros morceau de l’accompagnement avec la veille mobile, l’équipe prévention pré carité du centre hospitalier de Novillars qui est dans les mêmes locaux que nous, un addic tologue, un médecin généraliste.

Odile Galli est cheffe de service du S.A.A.S.

Enfin, la quatrième mission est la mise à l’abri avec les abris de nuit. Et la cinquième est la veille mobile. À combien est estimé le nombre de personnes sans domicile stable sur Besançon ? O.G. : Il y a environ 120 personnes les plus pré caires sans solution. Entre 100 et 150 personnes sont à la rue, soit dans des voitures, des cara vanes, des abris de jardin, des tentes, etc. Le profil de ces personnes a-t-il évolué ? O.G. : On voit de plus en plus de femmes, de plus en plus de jeunes, ça continue d’augmenter. On voit plus de personnes avec des pathologies psychiques importantes, avec des formes d’ad dictions différentes, notamment chez les jeunes. L’alcool est bien sûr l’addiction la plus repré sentée. Chez les jeunes, on voit les produits de synthèses, le crack. Les veilleurs de nuit ont bien remarqué plus de toxicomanes hors alcool. n Propos recueillis par L.P.

Joël, veilleur de nuit, voit régulièrement un noyau d’habitués en attente d’un logement ou qui ne tiennent pas dans la société.

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