La Presse Bisontine 274 - Mars 2025
10 L’événement
Mars 2025
l Hébergement L’exemple de l’Agora Travailler le parcours dès l’arrivée
L’accès à un logement autonome après le C.H.R.S., c’est compli qué.” L’État finance pendant deux ans l’accompagnement d’une per sonne dans un C.H.R.S., le béné ficiaire donne 30 % de ses res sources, quelles qu’elles soient. Ceux qui sont logés dans une résidence sociale participent aussi financièrement. “Cela per met à la personne de se refaire une santé au niveau du parcours locatif, de payer ses dettes, etc.” , reprend Matthias Grison. D’au tres préfèrent être en maison relais. “Certains ne peuvent pas vivre seuls, ils ont besoin d’un accompagnement, ils intègrent un collectif pour les stimuler et les sortir de chez eux. Certains restent jusqu’à leur mort. C’est anciennement les pensions de famille. Les personnes paient une redevance.” Julien Mahieu prévient : “Ce n’est pas “un toit = tout va bien. Ce n’est pas magique, certains
administratif, quand la prise en charge classique n’est pas possible.” Dès leur arrivée à l’Agora, ces personnes dites sans domicile stable sont accompagnées pour trouver un logement le plus adapté à sa situation. “On bosse un parcours dès l’entrée, observe Julien Mahieu, chef d’établis sement de l’Agora. La porte d’en trée est la domiciliation au S.A.A.S. Certains viennent juste pour souffler et repartir rapide ment en logement accompagné. D’autres ont des situations plus complexes, des ruptures de soins, des problèmes d’addictions, de perte d’autonomie aussi.” Si les hébergements d’urgence restent insuffisants au niveau dépar temental (au nombre de 213), la problématique du manque de petits logements locatifs sur Besançon est aussi saillante. “Notamment chez les bailleurs sociaux, ce qui freine la fluidité du parcours, note Julien Mahieu.
À Besançon, l’Agora gérée par le C.C.A.S., dispose de 160 hébergements, tout dispositif confondu. Dont 31 hébergements d’urgence.
I l s’agit souvent de l’étape suivant l’abri de nuit. Des personnes sans domicile sta ble sont accueillies dans des C.H.R.S., centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Besan çon peut compter sur l’Agora, gérée par le C.C.A.S., le C.H.R.S. Julienne-Javel soutenu par l’as sociation du même nom, et le Roseau de l’A.D.D.S.E.A. qui accueille notamment les femmes et les enfants. Ouverte 365 jours par an, 24 heures sur 24, l’Agora, rue Pierre-Mesnage, a fêté ses dix ans récemment. Outre les hébergements d’ur gence parmi lesquels comptent des lits halte soins santé, la structure dispose aussi de loge ments accompagnés : une rési dence sociale de 40 places et deux maisons-relais de 25 places
chacune (l’une est délocalisée ailleurs dans la ville). “Les lits halte soins santé (11 places pour hommes et femmes) traitent les problématiques aiguës dites bénignes, souligne Matthias Gri son, responsable éducatif et adjoint au chef d’établissement. Par exemple, un sans-abri se casse la jambe, il ne peut pas
monter jusqu’à l’abri de nuit des Glacis. Les soins sont dispensés par un médecin, une infirmière et il y a aussi un accompagnement éducatif et social. C’est le seul dis positif qui permet d’accueillir des gens en inconfort
Un manque de petits logements locatifs.
Julien Mahieu et Matthias Grison gèrent les 160 places d’hébergement de l’Agora, tout dispositif confondu.
reproduisent des schémas de la rue dans leur logement. On entame un travail sur plusieurs années, sur la manière d’habiter. Faire un projet en sortant de la rue, ce n’est pas magique. D’où l’intérêt d’avoir plus de moyens pour l’accompagnement.” Celui
qui travaille avec les sans-abri depuis 20 ans voit bien des par cours de vie fracassés, de plus en plus de souffrance psychique. Et une statistique glaçante : presque un tiers des sans-abri sont d’anciens enfants placés. n
l Pontarlier Inventaire des besoins en cours Travail et Vie partie prenante du Groupement Social de Coopération du Doubs L’accueil de jour à Pontarlier reçoit de plus en plus
Les chiffres 2024
7 tonnes DE NOURRITURE CUISINÉE SUR PLACE 25 000 TASSES DE CAFÉ 1 523 PETITS DÉJEUNERS 3 847 REPAS 4 300 kg DE LINGE LAVÉ 335 LESSIVES 8 429 PASSAGES 2 240h D’OUVERTURE 42 % DES USAGERS ONT CONSULTÉ LE MÉDECIN ET/OU L’INFIRMIÈRE 400 DOUCHES
de passagers en essayant de répondre au mieux à l’évolution de la situation. La gestion des publics les plus démunis passe aussi par un renforcement des coopérations entre les acteurs de la précarité.
L es chiffres parlent d’eux-mêmes, de 2022 à 2024, la fréquentation de l’accueil de jour de Pontarlier a progressé de 23 %. “On a enre gistré 8 429 passages en 2024 contre 8 037 en 2023 et 6 880 en 2022. En nom bre de personnes accueillies sur une année, cela représente une file active de 200 personnes en 2024” , explique Méla nie Dulize, la directrice de Travail et Vie qui emploie 10 salariés à l’année avec le renfort d’un agent d’accueil sup plémentaire en période hivernale. Cette évolution se répercute au niveau des services de première nécessité pro posés dans la structure de la rue Mon trieux : + 35 % de repas, + 145 % de petits-déjeuners, + 64 % de douches… Plutôt que réduire le temps et la qualité de l’accompagnement, l’association a
fait le choix de renforcer son effectif de 0,8 équivalent temps plein en 2024 en prenant ainsi le risque de fragiliser sa trésorerie. “On ne peut pas se contenter “d’être avec”, on tient à aller plus loin. Dans Travail et Vie, il y a la notion du travail. Remettre nos passagers au tra vail semble peut-être utopique mais on peut au moins leur proposer des activités. Ils ne doivent pas être seulement des consommateurs” , souligne Philippe Truche, le président de Travail et Vie. L’offre d’activités proposées par l’équipe et les bénévoles est loin d’être anodine : après-midi récréatif, jardinage, coup de main chez Emmaüs, atelier couture, initiation à l’anglais, éveil aux sports… “Sur les trois mois d’été, on a ouvert 65 jours” , rappelle Mélanie Dulize. Travail et Vie fait aussi partie du Groupement
Les sans-abri à Pontarlier peuvent aussi participer à des ateliers couture.
dynamique notamment grâce à des changements opérés au sein de son conseil d'administration. “On sent clai rement une volonté de coopérer davan tage, de faire en sorte que chacun ne reste pas dans son couloir de nage. Avant d’aller plus loin, il fallait d’abord prendre le temps de définir les besoins. Ce travail a été réalisé en 2024 par tous les professionnels de chaque structure du G.C.S. 25. À partir de là, on formu lera des propositions. C’est prématuré d’en parler mais tout le monde sait que l’offre d’hébergement n’est pas suffisante. L’abri de nuit à Pontarlier comprend 14 places. Au début de l’hiver à Pon tarlier, on avait une quinzaine de per sonnes qui n’avait d’autre choix que de dormir dehors” , illustre Philippe Truche qui est aussi l’un des administrateurs du G.C.S. 25. n F.C.
de Coopération Social, appelé G.C.S. 25. Cette structure a été fondée en 2011 par les C.C.A.S. et les associations qui gravitent autour de la précarité avec l’objectif d’échanger et de formuler des propositions aux services de l’État et du Département sur les orientations en matière d’hébergement et de loge ment. Le G.C.S. 25 est porteur des acti vités du Service Intégré d’Accompa gnement et d’Orientation ou S.I.A.O. 115. “La gestion du S.I.A.O. 115 est confiée à l’A.D.D.S.E.A. qui va nous solliciter ou inversement pour trouver des solutions d’hébergement, des repas pour les personnes sans abri. Le G.S.C. 25 regroupe plus de 20 associations dans le Doubs. Il est présidé par Philippe Cholet qui est aussi à la tête de la Bou tique Jeanne-Antide à Besançon.” Après quelques années de flottement, le G.S.C. 25 a retrouvé une nouvelle
8 429 passages ont été dénombrés en 2024 au local de Travail et Vie dans la rue Montrieux à Pontarlier.
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