La Presse Bisontine 274 - Mars 2025
Mensuel d'informations de Besançon et du Grand Besançon
3
€
MARS2025
Mensuel d’information de Besançon et du Grand Besançon
www.presse-bisontine.fr
N° 274
Enquête sur le narcotrafic dans le Doubs Le circuit du producteur au consommateur
Consommation record, et saisies records à Besançon.
Le dossier en p. 24 à 35
P. 23
L’éVénement P. 8 À 10 Comment Besançon traite la question Entre 100 et 150 S.D.F. à Besançon
Chemaudin-et-Vaux
Gens du voyage Avis défavorable pour la création d’une aire de grand passage
3 782888 303004
ESSAYEZ-LE
À partir de 3 U NOUVEA
29€/mois* U TOYOTA C-HR
| to 03 81 50 95 99 t John 4 Bd. Présiden Toyota B T
on.fr oyota-besanc n Fitzgerald Kennedy on esanç
/km 2 17 gCO /
onditio *voir c
oncession. ons en c
Pensez à covoiturer. #Se
olluer erMoinsP eDéplac
2 Retour sur info
La Presse Bisontine - Mars 2025
Les élus bisontins veulent
Le Q.G. reste sous étroite surveillance
encourager la marche
G rand Besançon Métropole souhaite se doter d’un Plan piéton visant à développer la pratique de la marche sur son territoire. Pour cela, la collectivité vient de lancer une consultation citoyenne en ligne par laquelle les habitants de G.B.M. sont invités à répondre à une enquête en ligne et à contribuer à une cartographie participative, accessibles sur https://ate lierscitoyens.besancon.fr/project/plan-pie ton/presentation/presentation “Cette consultation est ouverte jusqu’au 30 mars. “L’enquête permet de partager ses habitudes quotidiennes de déplacement et sa perception des lieux publics fréquen tés” résument les services de G.B.M. Une carte interactive permet aux participants de donner leur avis sur les conditions de pratique de la marche : “pour chaque lieu concerné (domicile, travail, loisirs…), il est possible de choisir une ou plusieurs thé matiques et d’attribuer une note de 1 à 5” poursuit G.B.M. qui précise que l’ensemble
L a boîte de nuit située chemin de Mazagran, cible des autorités administratives depuis quelques mois suite aux débordements (parfois mortels) survenus dans ses abords, est toujours sous le coup d’une res triction de ses horaires d’ouverture décidée par le tribunal administratif de Besançon. Les recours posés par les co-gérants de la discothèque n’y ont rien fait, la fermeture à 4 heures du matin au lieu de 6 heures court jusqu’au mois de juin. Dans un long communiqué envoyé aux rédactions, le Q.G. veut défendre son honneur, et sa survie. Ses co-gérants se disent toujours victimes d’une injustice et d’un acharnement. “Nous sommes sous surveillance tous les week-ends, relate Jérôme Casas, co-gérant. Il y a quelques semaines encore, une patrouille de police était détachée toutes les heures pendant 10 minutes devant le Q.G. La préfecture est tou jours sur notre dos.” Interrogée, cette
dernière n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations. Dans leur long plaidoyer envoyé à la presse, les patrons du Q.G. estiment que les événements tragiques sur venus ces derniers mois et qui ont valu à la boîte une fermeture admi nistrative d’un mois en fin d’année dernière, ont injustement terni son image et “qu’en sanctionnant injus tement le Q.G., on sanctionne indi rectement la population consomma trice de l’établissement en plus de la priver d’une partie de l’offre globale sur le territoire bisontin.” Si l’établis sement dit s’engage à “faire régner l’ordre en son sein avec des mesures préventives et des dispositifs de sécu rité renforcés, il n’est nullement res ponsable de ce qui se déroule sur la voie publique” ajoutent les patrons qui disent rencontrer des difficultés à maintenir une trésorerie et à orga niser les plannings de travail du per sonnel. ■
Un sondage permet aux habitants de donner leur avis sur les conditions de pratique de la marche à Besançon.
concerne les performances énergétiques et notamment face aux températures éle vées. La consommation énergétique a été réduite de 60 % grâce à une isolation par l’extérieur, la pose de 110 m 2 de panneaux photovoltaïques en autoconsommation. Un désamiantage a aussi été opéré sans oublier un renouvellement de l’air intérieur amélioré. La réhabilitation intérieure a permis de repenser l’aménagement. Les bureaux d’entretien ont ainsi été insonorisés avec une autre sortie pour le travailleur social dans le cas où l’entretien ne se passe pas bien. Une tisanerie, un tiers lieu ou des lieux de convivialité complètent l’en semble. Le montant des travaux s’élève à 4,170 mil lions d’euros. La Région a notamment sub ventionné à hauteur de 400000 euros. ■ aux besoins exprimés, pour un espace public de qualité, toujours plus apaisé et sécurisé” précise G.B.M. La marche représente aujourd’hui 32 % des déplacements dans le Grand Besan çon et 41 % à Besançon. ■
des contributions sont confidentielles et anonymes. Alors pourquoi ce nouvel ate lier participatif ? “Les résultats de cette consultation permettront de dresser un état des lieux des pratiques et de proposer les aménagements répondant au mieux
Le nouvel écrin du C.C.A.S. de Besançon
L e siège social du C.C.A.S. rue Picasso à Planoise a fait peau neuve. Le bâti ment a fait l’objet de 18 mois de tra vaux pour améliorer le confort et la qualité de vie des employés et du public. “Des
agents sont parfois malmenés, on essaie de faire en sorte que les tensions soient le plus amorties possible” , relève la maire Anne Vignot lors de l’inauguration le 5 février dernier. Le défi majeur de ces travaux
Le siège du C.C.A.S. à Planoise a été rénové pour 4,1 millions d’euros.
Jérôme Casas et Matthieu Garny, les co-gérants du Q.G. (photo archive L.P.B.).
Éditorial Cancer
tante de ces trafics est évidemment en cor rélation directe avec celle de la consom mation de stupéfiants, notamment de cocaïne, une drogue qui s’est dangereuse ment banalisée ces dernières années dans notre région. À tel point qu’elle est devenue, dans certains milieux, une “drogue de tra vail” du quotidien. Pour qu’elle soit dura blement efficace, la lutte contre les nar cotrafics devra dans les prochaines années se traduire par des efforts considérables en termes de moyens humains pour déjouer les coups d’avance des trafiquants qui, avec les progrès du numérique, trouvent toujours les bonnes parades pour alimenter leur business . Il faudra aussi, corollaire indispensable, se pencher sérieusement sur les consommateurs, toujours plus nom breux. Le reflet d’une société malade. La répression seule ne suffira jamais à vaincre ce cancer. La drogue n’est pas qu’une ques tion sécuritaire, ni qu’un fléau sanitaire, il est un enjeu plus largement sociétal. ■ Par le directeur de la rédaction Jean-François Hauser
liards d’euros par an -, que cette économie souterraine s’instille lentement, mais pro fondément et tel un poison lent dans toutes les strates de la société. Dans le Doubs, le préfet vient de réaffirmer la position cen trale de la lutte contre les narcotrafics à la tête des priorités de l’État. La police, la gendarmerie du Doubs et plus largement toutes les autorités chargées de lutter contre l’économie illégale déploient des trésors d’énergie et de moyens pour contraindre ces trafics. La place de Besan çon sur la troisième marche du podium des villes de plus de 100 000 habitants qui connaissent le plus gros volume d’affaires liées aux stupéfiants n’est pas un hasard. Elle est d’abord le résultat de l’action conju guée des forces de l’ordre et des autorités judiciaires qui ne relâchent pas leur pres sion. Les résultats sont là. Mais suffiront ils à éradiquer le phénomène? Certaine ment pas, tant les enjeux financiers en cause sont gigantesques. La hausse inquié
Directeur de la publication : Éric TOURNOUX Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Rédaction : Frédéric Cartaud, Thomas Comte, Jean-François Hauser, Laurine Personeni. est éditée par la société “Publipresse Médias” S.I.R.E.N. : 424 896 645 Rédaction et publicité: 0381679080 E-mail: redaction@publipresse.fr
U n réseau démantelé, et c’est un autre qui réapparaît aussitôt. Tel l’Hydre de Lerne à qui on sectionne un tentacule et dans la minute qui suit un autre repousse, les réseaux de trafiquants de stupéfiants gangrènent notre région - Besançon est devenue ainsi une plaque interrégionale pour les trafics. Pour les autorités qui luttent contre ce fléau, c’est à une autre référence mytho logique que l’on pense : le personnage de Sisyphe, condamné à vie à remonter un rocher au-dessus d’une montagne qui arrivé au sommet, roule à nouveau en bas. Un éternel recommencement et une lutte sans cesse contre des réseaux qui gardent tou jours une longueur d’avance. Le trafic de drogues est devenu un tel business à travers le monde - rien qu’en France, avec un chiffre d’affaires national estimé entre 3,5 et 6 mil
Directeur artistique : Olivier Chevalier.
Conception pubs : Éloïse Perrot.
Crédits photos : La Presse Bisontine, D.I.P.N. 25, Timothé Dietlin, Gendarmerie du Doubs, Lili Reynaud-Dewar, Université Marie et Louis Pasteur. Équipe commerciale : Maëliss Aumaitre, Anne Familiari, Anthony Gloriod. Imprimé à Nancy Print - I.S.S.N.: 1623-7641 Dépôt légal : Mars 2025 Commission paritaire : 0225 D 80130
4 Besançon
La Presse Bisontine - Mars 2025
TOURISME Des prestations haut de gamme Et vogue le Maïténa ! Sandrine Walter et Maxime Mézergues ont réalisé leur rêve de créer un bateau-hôtel proposant des prestations haut de gamme. Amarré à Tarragnoz, il sillonnera les rivières et canaux de la région.
E lle n’a pas l’apparence de son âge. Et pour cause, cette véné rable péniche de 30 mètres de longueur qui date de 1912 a été entièrement refaite par ses précédents propriétaires, puis totalement réamé nagée par Sandrine Walter et Maxime Mézergues qui en font fait un aussi insolite que charmant hébergement flottant. La péniche Maïténa est actuellement amarrée au bord du Doubs dans le sec teur de Tarragnoz, en contrebas du rond-point de la Citadelle. Assoupie depuis le début de l’hiver, elle s’apprête à sortir de son sommeil pour entamer sa première vraie saison touristique. À l’origine de ce projet de péniche hôtel, un couple de passionnés qui a décidé de changer de vie. Sandrine Walter et Maxime Mézergues, deux anciens cadres - la première dans le service à domicile, le second dans les télécommunications - en ont eu assez de leur vie professionnelle trépidante et trop chronophage. Ils ont donc décidé de se déconnecter, au sens propre comme au figuré, en partant vivre sur les flots. “On menait une vie de dingue et on a eu tous les deux envie d’une autre fin de carrière” explique Sandrine. Ils ont alors décidé d’acheter un petit bateau de plaisance d’une douzaine de mètres sur lequel ils ont commencé à naviguer. Le coup de cœur. “Et comme on avait vraiment envie de trouver un projet qui nous permette de travailler ensemble et qui soit toujours en lien avec des clients, on s’est dit pourquoi ne pas allier notre nouvelle passion des bateaux avec une activité commer ciale ou de loisirs. C’est comme ça que tout a démarré” complète Maxime Mézergues, un Bisontin qui a passé toute son enfance à Velotte à deux pas du Doubs.
Alors le couple vend son premier bateau et se met en quête d’un plus grand sus ceptible de devenir l’écrin de leur projet. Ils se séparent également de leur mai son pour pouvoir réaliser leur projet d’acquisition du Maïténa, une péniche basée sur le canal de la Loire du côté de Sancerre que deux frères avaient mis dix ans à rénover. “Nous l’avons achetée en juillet 2023 et nous avons mis 15 jours pour la ramener ici avec l’aide des anciens propriétaires devenus des amis.” Puis le couple a encore passé plusieurs mois à repenser l’intérieur de la péniche pour la transformer en bateau-hôtel haut de gamme, avec toutes les normes de sécurité néces saires à l’accueil du public. “Nous avons apporté un grand soin à la décoration et à la literie, avec des produits de grande qualité” souligne Sandrine. Leur nouvelle aventure professionnelle pouvait alors commencer… Le couple propose depuis l’an dernier des croisières haut de gamme de 2 jours à une semaine sur les rivières et canaux de la région, à la découverte du patrimoine, de la culture et de la gastronomie locale (avec guide privé sur les visites, vélos mis à disposition
Sandrine Walter et Maxime Mézergues ont tout plaqué pour se lancer dans ce projet touristique. La péniche Maïténa est amarrée à Tarragnoz en contrebas du rond-point de la Citadelle.
tant de naviguer dans les environs plus proches de Besançon. “Nous met trons en place également dès cette année des formules sur la journée avec 3 h 30 de navigation pour des petits groupes jusqu’à 8 personnes” précise le couple. Et en basse saison, la péniche Maïténa se transforme en chambre d’hôtes. En ce début du printemps, Sandrine Walter et Maxime Mézergues s’apprê tent à entamer leur première saison pleine. Le Maïténa sillonnera les rivières et canaux de la région d’avril à octobre pour des moments hors du temps, au fil de l’eau… Une belle idée du luxe authentique en adéquation avec un tourisme fluvial en pleine expansion dans notre région. n J.-F.H.
avec des tarifs éga lement haut de gamme (jusqu’à 20 000 euros la semaine pour quatre personnes). Aux fourneaux, c’est Maxime et Sandrine qui concoctent les plats “avec des recettes basées à 100 % sur des pro duits régionaux rigoureusement sélectionnés, et avec des vins prestigieux.” Pour rendre le luxe du Maïténa acces sible à un plus grand nombre, les hôte liers ont également conçu des formules plus courtes sur un week-end permet Les Américains, le cœur de cible du Maïténa.
EN BREF
des clients, etc.). Le genre de produits qu’af fectionnent tout parti culièrement les Amé ricains, le cœur de cible du Maïténa. “Nous sommes en effet réfé rencés par une agence spécialisée américaine. Notre bateau est classé 5 étoiles chez eux. Nous avons reçu récemment un couple de Mexi cains.” La formule est en pension complète en formule all inclusive,
Le bateau construit en 1912 a
Pompiers Le S.D.I.S. du Doubs a fait don d’un de ses véhicules de secours et d’assistance aux victimes à l’association Ukraide. Une cérémonie officielle de remise de clefs s’est déroulée à la Direction départementale des sapeurs rejoindra le Centre de Soins Médicaux d’Urgence et de Médecine de Catastrophe de Kharkiv. Il s’agit d’un véhicule réformé Fiat Ducato utilisé pendant 13 ans par les pompiers du Doubs. Il avait permis de secourir 3450 victimes en 13 ans. Il a été entretenu et révisé par le S.D.I.S., et il est donné avec tout le matériel que contient un V.S.A.V. afin d’être opérationnel dès son arrivée à Kharkiv pour venir en aide à la population. Couture L’association de Palente organise ses “Puces des Couturières” le samedi 29 mars, salle Jean-Zay, 95, rue des Cras à Besançon. Bulletin d'inscription pour les exposant(e)s à télécharger sur le site de l'Association : https://www.palente.fr/ pompiers du Doubs le 19 février. Ce véhicule
entièrement été rénové.
La péniche est classée 5 étoiles, les aménagements intérieurs ont été soignés.
Besançon 5
La Presse Bisontine - Mars 2025
POLITIQUE Municipales 2026 Le centre cherche son équilibre À un peu plus d’un an des élections municipales, les partis du centre à Besançon ont déjà lancé le jeu des unions. Si Agnès Martin de Renaissance, et Éric Delabrousse d’Horizons, ont entamé un travail en commun, Laurent Croizier reste pour l’instant prudent et réserve sa position.
D epuis quelques mois, les partis du centre bisontins ne connais sent pas un long fleuve tran quille mais bien quelques remous. D’abord, la scission en deux du groupe Ensemble Bisontins, qui reste composé de Laurent Croizier et de Nathalie Bouvet. Agnès Martin et Karima Rochdi ont souhaité prendre le large et créé leur propre groupe S’unir pour Besançon. Avec comme capitaine Karima Rochdi. Puis, il a fallu compter sur des bisbilles internes chez Renaissance au moment de l’élection du chef de file pour les municipales début février. Si Frank Monneur, candidat à cette élection interne au parti, s’est senti pousser des ailes quelques jours avant le vote des adhérents, clamant une alliance derrière Ludovic Fagaut (L.R.), le résul tat a sonné le glas de ses ambitions municipales. Avec 64 % des suffrages, Agnès Martin est devenue la cheffe de file Renaissance. Dès le lendemain de son élection, elle a souhaité clarifier immédiatement ses positions. “Je suis élue depuis 2020. Je confirme aujourd’hui mon engagement, d’autant plus qu’il y a eu cette tentative de soutien à une autre tête de liste de droite qui ne correspond pas à notre vision.” Celle qui s’est engagée pour la première fois en politique avec En Marche ! en 2016, séduite par le discours d’Emmanuel Macron sur l’ouverture à la société civile, en est convaincue : “Le centre a sa place à Besançon. Entre une gauche qui s’oriente vers une gauche extrême avec L.F.I., une droite, si elle veut s’af firmer, qui va s’orienter vers le Ras semblement national. Nous avons une place importante à prendre au centre avec les écologistes de terrain, les sociaux-démocrates, Horizons, notre
parti allié, et les gens du MoDem qui veulent travailler avec nous.” Quelques semaines plus tard, fin février, les partis Renaissance et Hori zons annoncent l’entame d’un projet commun “dans la perspective d’une alliance pour 2026.” “Dans la continuité des accords passés en vue des élections législatives et européennes, de la récente création du groupe municipal “S’Unir pour Besançon”, il s’agit d’initier le rapprochement de toutes les sensibilités qui partagent les mêmes valeurs répu blicaines et qui souhaitent porter une alternative cohérente à la politique menée actuellement à Besançon” , pré cise ainsi le communiqué. Éric Delabrousse, chef de file pour Horizons, réitère sa vision transpar tisane de la campagne et prône une union des valeurs. “Nous ne sommes pas centristes, mais des partis du centre. On a une jambe à gauche, une jambe
Agnès Martin, chef de file Renaissance pour les municipales, et Éric Delabrousse, chef de file Horizons, ici lors de sa dernièreConversation bisontine, ont annoncé fin février, entamer un travail en commun (photo 2 Timothé Dietlin).
médecin hospitalier, aura certainement un œil acéré sur la cruciale question de la santé. n L.P.
métier aux Salins de Bregille accorde aussi une attention bien particulière au handicap et à l’inclusion dans la société. Le chef de file d’Horizons,
rent bien rallier le plus large possible, en commençant par leur partenaire de longue date, le MoDem. Une réunion est prévue courant mars entre les trois partis. “On peut ajouter le parti radical comme partenaire également, il va pro bablement entrer dans la démarche” , avance Éric Delabrousse qui lorgne aussi du côté du P.-S. “Le centre gauche à Besançon a une frontière un peu poreuse. Je pense à Place publique, à une partie du P.-S.” Quid d’un futur programme? Éric Delabrousse compte bien le nourrir depuis le terrain avec notamment ses Conversations bisontines, des rendez vous ponctuels avec des adhérents ou sympathisants sur une thématique particulière. La dernière, qui a eu lieu le 27 février a traité de la vaste ques tion des mobilités. “On confrontera ensuite nos idées avec les propositions de Renaissance, mais je ne doute pas qu’un très grand nombre vont se recou per.” La sécurité, l’écologie, les mobilités, l’économie et le rayonnement de Besan çon sont déjà des thèmes énoncés par Éric Delabrousse et Agnès Martin. Cette dernière, psychomotricienne de
Zoom Laurent Croizier et son objectif d’alternance
à droite. Et selon l’op portunité de réalisation d’un projet, on se place où l’on pense que c’est le mieux. Je suis les conseils municipaux, on assène des oppositions systéma tiques. À titre personnel, je ne veux pas m’opposer pour m’opposer. J’ap plaudis certaines déci sions de Madame Vignot, d’autres non.” Vantant une alternative et non pas une alter nance - “ce serait préten dre que la ville a été un jour à droite, et sociéta lement, je ne pense pas qu’elle le deviendra un jour” , Éric Delabrousse et Agnès Martin espè
“Une alternative, pas une alternance.”
L aurent Croizier, chef de file du MoDem pour les municipales, ren verse quelque peu le paradigme. Si les deux autres partis du centre ont déjà pris le parti d’engager un travail en commun, le député et conseiller muni cipal préfère se concentrer sur un travail programmatique “engagé depuis plu sieurs mois. Le MoDem a son calendrier, nous travaillons sur le fond et les enjeux bisontins importants. L’objectif principal est l’alternance. Le MoDem est favorable à une union la plus large possible qui dépasse les partis politiques. L’entrée
par les partis ne nous semble pas per tinente. Nous démarrons d’abord avec les priorités que nous souhaitons afficher. Et ensuite, nous travaillerons avec ceux qui portent peu ou prou les mêmes pro jets. Les initiatives personnelles et indi viduelles profiteront à cette alliance de gauche bisontine qui a failli sur ce mandat et les années précédentes aussi.” Par ailleurs, Laurent Croizier serait pres senti pour être chargé d’organiser les élections municipales du MoDem sur les quatre départements de la Franche Comté. n
6 L’interview du mois
Mars 2025
ÉCONOMIE
Le directeur départemental de la Banque de France
“Recul de l’inflation, baisse des taux et ralentissement économique” C’est le cocktail de l’année 2025 pour l’économie française et les entrepreneurs de la région. D’ordinaire optimiste, le directeur départemental de la Banque de France ne cache pas ses craintes pour nos entreprises cette année. Analyse et commentaires.
Q u’annoncent les experts de la Banque de France pour cette année économique 2025 ? Laurent Quinet : Pour cette année, on annonce quelques bonnes nou velles comme un recul de l’infla tion, une baisse des taux d’intérêt bancaires, mais on craint un vrai ralentissement de l’économie. Tout cela dans un contexte géo politique international qui ajoute du brouillard à ce panorama. Les relations transatlantiques actuelles ont ajouté un rapport nouveau pour l’économie. Et côté français, le problème endémique des déficits publics ajoute encore de l’incertitude. J’ai vu le récent tweet d’un économiste américain, Nassim Taleb, qui pointait la France en disant qu’elle était pas sée “d’un État providence stan dard à un État muséal à forte
dette, avec une économie médié vale axée sur les sacs à main et le vin…” Ce genre de commen taires donne quand même à réflé chir. Sur le plan macroéconomique, quels ont été les faits marquants de l’économie en 2024 ? L.Q. : Dans le concert mondial, la place de la Chine est restée pré pondérante et un autre fait mar quant, c’est le retour des États Unis dans le commerce mondial avec un fort impact positif. En revanche, on déplore une contri bution négative de l’Europe sur ce commerce mondial. En glisse ment annuel, à l’échelle mondiale, le commerce a progressé de 2,5 % en 2024. Au niveau de la produc tion industrielle, on constate un vrai décrochage de la zone euro.
il n’y aura pas de retour de l’in flation.
C’est notamment lié à la situation de l’Allemagne qui est désormais en récession alors qu’en France on se maintient bon an mal avec une faible croissance.
Qu’en est-il des taux d’intérêt bancaires ? L.Q. : On est sorti de ce cycle haus sier, après avoir subi 10 hausses consécutives des taux directeurs. C’est un phénomène sans précé dent depuis la fin de la dernière guerre mondiale. En 2024, on a connu 5 baisses consécutives, la dernière en date le 30 janvier der nier. Entre novembre 2023 et novembre 2024, on a enregistré une baisse de 0,83 %. Et d’ici le 30 juin, je pense pouvoir l’annon cer, on devrait encore avoir trois baisses des taux directeurs. Au final, on reste en France avec une croissance positive. On ne peut pas parler non plus d’une crois sance dynamique, mais on est restés résilients dans un contexte complexe. On peut
L’inflation est-elle un mauvais souvenir ? L.Q. : La baisse de l’inflation se confirme et cette évolution va se poursuivre. Et mal gré les difficultés au Proche-Orient, on n’a pas de résur gence de l’inflation liée à l’énergie. L’in flation agro-ali mentaire est éga lement derrière nous. Aujourd’hui, on peut l’affirmer :
“Il n’y aura pas de retour de l’inflation” assure
Laurent Quinet.
baisse. Sur l’ensemble de l’année 2024, l’activité industrielle régio nale a baissé de 10 %. Contrai rement à l’industrie, les services marchands sont restés plutôt bien orientés, à part un signe d’inquié tude dans le secteur des trans ports. Pour le bâtiment, sans sur prise, depuis le second semestre 2024, on est dans la difficulté, même si le second œuvre se main tient mieux. De manière générale, concernant les carnets de com mandes du B.T.P., on est depuis plusieurs mois en territoire néga tif. Sans surprise, l’activité globale des entreprises a évolué à la baisse, un peu moins cependant en chiffre d’affaires qu’en volumes. Le fait que les trois gros secteurs industriels du Doubs, à savoir l’agro-alimentaire, l’automobile et l’horlogerie aient été en baisse ajoute des difficultés spécifiques à notre département. Les chiffres du chômage sont en hausse, y compris dans des secteurs jusque là préservés comme le Haut Doubs où le nombre de deman deurs d’emploi, même s’il reste bas, a bondi de 25 %. Qu’en est-il des créations, et des dis paritions d’entreprises dans notre dépar tement ? L.Q. : Les créations d’entreprises sont en progression continue. Dans le Doubs, on a enregistré l’an dernier 6 683 créations d’en treprises. Un chiffre très correct, avec une augmentation de 8,3 % par rapport à l’année précédente. Même si, sur le total, il y a une majorité de micro-entreprises, par définition plus volatiles.
se contenter de ce petit 1 % de crois sance si on se com pare avec l’Alle magne, mais on ne peut pas pour autant s’en réjouir. Et vos prévisions pour 2025 ? L.Q. : En 2024, ce qui a soutenu la croissance fran çaise, c’est le retour des exportations d’énergie grâce à la remise en ser vice de plusieurs de nos centrales nucléaires. Ajou
Zoom Le surendettement des ménages repart à la hausse
U ne des missions moins connues de la Banque de France est de traiter les dos siers de surendettement des ménages afin de tenter de trouver des solutions les plus efficaces possibles pour sortir ces derniers de l’ornière. Dans un cas sur cinq, l’effacement de la dette est proposé par la commission de surendettement du Doubs qui se réunit quatre fois dans l’année. “Une dette est faite pour être remboursée, mais dans les cas extrêmes, il n’y a pas d’autre choix que d’effacer cette dette” note Laurent Quinet. La commission a ainsi effacé 11 millions d’euros de dettes l’an dernier, ce qui correspond à 22,2 % du montant total des dettes des 1 307
année” synthétise le directeur de la Banque de France. Avec 247 dossiers de surendettement déposés pour 100 000 habitants, le Doubs se situe bon an mal an dans la moyenne nationale. Beaucoup moins bien classé que la Haute-Savoie avec seulement 150 dossiers pour 100 000 habitants, mais beaucoup mieux que le Pas-de-Calais et ses 400 dossiers pour 100 000 habitants. Le surendettement, c’est-à-dire l’incapacité d’honorer le remboursement de ses dettes, touche logiquement avant tout les personnes à faibles revenus, mais pas que. “Certaines personnes à revenus confortables peuvent se retrouver en situation de surendettement notam ment à cause d’un endettement immobilier important et souvent suite à un accident de la vie ou à des événements personnels.” La somme totale des 1 307 personnes concer nées par un dossier de surendettement en 2024 a atteint 42,3 millions d’euros dans le Doubs. Soit en moyenne une dette de 19 032 euros par ménage surendetté, “avec un poids de la dette immobilière qui pèse plus lourd ici qu’ailleurs en France à cause du prix de l’immobilier plus haut ici qu’en moyenne en France” note le préfet du Doubs. n Laurent Quinet participe aux côtés du préfet du Doubs et d’autres acteurs insti tutionnels aux commissions de surendet tement qui ont lieu tous les trois mois.
personnes concernées par des dossiers de surendettement en 2024. “Le surendettement des ménages est un cycle infernal duquel il est souvent difficile de sortir. Près de 70 % des dos siers étudiés concernent des personnes seules. Cette commission est là pour trouver les meil leures solutions à chaque situation” note Rémi Bastille le préfet du Doubs. Avec 1 125 dossiers de surendettement déposés en 2024, leur nombre est en hausse de + 12,3 % par rapport à l’année précédente. Une tendance haussière après une dizaine d’années de baisse. “Cette tendance est corrélée à la situation éco nomique de notre pays. Et je ne serais pas surpris que cette tendance se confirme cette
“On devrait encore avoir trois baisses des taux directeurs.”
tons à cela, - mais doit-on s’en réjouir ? - la dépense publique en augmentation qui a gonflé le P.I.B. Pour cette année, on craint que ce qui va tirer la croissance, ce ne soit pas, hélas, les investisse ments des entreprises. L.Q. : On a remarqué depuis le milieu de l’année dernière un pic fort d’incertitudes à cause des élections législatives et de la dis solution. Au final, l’industrie régio nale a terminé l’année dans un très mauvais mois de décembre avec des fermetures de sites industriels pour les fêtes de fin d’année plus longues que d’habi tude. On a constaté un petit effet de reprise mécanique en début d’année 2025 mais globalement, la tendance est clairement à la Comment a résisté l’activité des entre prises de notre région ?
L’interview du mois 7
Mars 2025
l’Espagne et l’Italie peuvent désormais nous donner des leçons sur la maîtrise de leur dette publique. Le deuxième défi est celui du taux de chômage. Celui-ci devrait progresser en 2025 et en 2026 avant de redescendre en 2027. Le troi sième enfin, c’est le contexte interna tional qui jouera fortement sur nos per formances françaises. On est donc clairement dans une phase d’incertitudes fortes, avec des éléments de bascule d’un côté ou de l’autre, difficiles à iden tifier. Il faudrait aussi que d’un point de vue politique les bonnes décisions
Quant aux défaillances d’entreprises, elles ont retrouvé leur niveau d’avant Covid (65 000 en France). À l’échelle du Doubs, on a enregistré 4 417 défaillances (liquidations ou redressements judi ciaires), c’est 20 % de plus qu’en 2023. C’est tout sauf neutre… Quels enseignements tirez-vous pour 2025 de l’enquête que vous effectuez auprès des entre prises du Doubs à laquelle plus de 1 250 entre prises ont répondu ? L.Q. : Sur le plan national déjà, la crois sance devrait rester légèrement positive en 2025, mais faiblement (+ 0,9 %), avant de regagner en vigueur en 2026 et en 2027 (+ 1,3 %). Aux États-Unis, les pré visions sont de 2,7 % et en Chine de 4,6 % pour cette année. En France, le P.I.B. devrait être soutenu par la consom mation des ménages, même si le taux d’épargne, avec 16 % des revenus, reste un des plus élevés du monde et pose donc problème pour la relance par la consommation. Au niveau régional, les entrepreneurs escomptent une hausse de leur chiffre d’affaires de + 3 % cette année dans l’industrie et la construction pourrait se relancer, mais pas avant le second semestre. En résumé, on sera un peu dans le ventre mou cette année. Quels sont alors les défis à relever pour notre économie ? L.Q. : Il y en a trois. La dette publique d’abord, qui va atteindre en France 117 % du P.I.B. d’ici la fin de l’année ! On est ainsi devenu le mauvais élève de la zone euro, si bien que la Grèce,
soient prises sur l’assai nissement des finances publiques et qu’une vraie impulsion soit don née en matière d’inno vation dans les nouvelles technologies. Qu’en disent les dirigeants d’entreprises de ce tableau plutôt sombre ?… L.Q. : Ils sont nombreux à dire que depuis main tenant cinq ans, depuis la pandémie de Covid, la route va de cahot en cahot et que le pilotage d’une entreprise est devenu de plus en plus aléatoire. Il faut sans cesse s’adapter et la plu part s’y emploient cou rageusement. n Propos recueillis par J.-F.H.
“20 % de défaillances de plus dans le Doubs par rapport à 2023.”
Laurent Quinet est à la tête de la Banque de France du Doubs depuis l’an dernier.
8 L’ÉVÉNEMENT
Mars 2025
Sans-abri : le retour vers un logement reste précaire
En dix ans, le nombre de sans-abri a doublé au niveau national. Si des moyens financiers ont été mis, tout le parcours de la rue au logement reste compliqué. Et s’engorge en raison notamment de la crise du logement, et du manque d’hébergements d’urgence. Malgré tout, associations, travailleurs sociaux et C.C.A.S. restent plus que jamais mobilisés.
l Doubs
Logement Un manque criant d’hébergement d’urgence
sonnes dans les dispositifs d’in sertion arrivent difficilement à entrer dans un logement classique. Donc les dispositifs arrivent à saturation, les gens ne sortent plus des dispositifs d’insertion. C’est une situation nouvelle qui ne fait que s’approfondir.” À Besançon, 48 personnes sont en attente permanente d’un hébergement depuis plus de six mois. Les abris de nuit et héber gement d’urgence sont saturés à 86 % pour les hommes, 85 % pour les femmes. Dans le Haut-Doubs, les 10 places d’hébergement d’ur gence affichent une occupation constante de 100 %. “ Les gens ont tendance à ne plus appeler le 115, déplore Philippe Cholet. Le dépan nage immédiat sont les places hôtelières. Il y a un intérêt à court terme mais cela reste insuffisant avec un public fragile qui a besoin
Dans le Doubs, comme au niveau national, les demandes d’hébergement des sans-abri sont en constante augmentation. Face à cette situation, les places sont insuffisantes. Et c’est tout le système qui devrait permettre le retour à un logement digne qui s’engorge.
d’accueil et d’orientation) sont éloquents : en 2024, 13 186 appels ont été traités. 77 % de ces appels ont été suivis par une mise à l’abri, en abri de nuit, à l’hôtel ou vers un dispositif d’héberge ment d’urgence. 23 % n’ont pas abouti, pour la plupart (près de 600 sur 1128) par manque de places. Face aux demandes croissantes, le manque de places disponibles se fait de plus en plus criant. Avec 213 places d’hébergement d’ur gence (207 places ouvertes selon la préfecture), le Doubs figure en bas du tableau en comparaison avec les départements de même population. Conséquence : le sys tème s’engorge et arrive à satu ration. “Le phénomène est national mais il est nouveau dans le Doubs et notamment à Besançon. L’accès au logement est devenu compliqué avec un manque à Besançon et dans le Haut-Doubs, notamment de logements sociaux” , relève Phi lippe Cholet, administrateur du G.C.S., groupement de coopéra tion sociale. La structure rassem ble une vingtaine d’associations et de C.C.A.S. dans le départe ment et porte entre autres le S.I.A.O. “Or, notre objectif est de faire rentrer le public avec lequel nous travaillons dans les dispo sitifs de logements (hébergements d’urgence, C.H.R.S., logement adapté), reprend-il. Mais l’accès au logement étant bloqué, les per
Zoom La Boutique
Doubs, et 30 à Montbéliard. “La question est réelle, a réagi le Préfet Rémi Bastille. Le Doubs est assez peu doté en hébergement d’urgence avec un taux d’occupation très élevé. J’ai porté cette probléma tique au niveau du préfet de Région et le travail est engagé sous l’égide de la D.R.E.E.S.” Il l’assure: une réponse devrait arriver rapidement… n L.P. Jeanne-Antide très sollicitée Philippe Cholet, également pré sident de l’association Jeanne Antide qui gère des accueils de jour à Besançon est en première ligne pour constater les fortes sol licitations: en 2024, l’accueil de jour rue Champrond a vu passer 120 personnes quotidiennement et a comptabilisé 31043 repas servis, 1 100 consultations médi cales, 3300 passages par les douches. “C’est comme un baro mètre immédiat : quand la société s’enrhume, on reçoit dans nos dispositifs les malades” , souligne Philippe Cholet. n
E mmanuel Macron l’avait annoncé en 2017, année de son premier mandat en tant que président: “Plus personne dans la rue à la fin de l’année.” Près de 8 ans plus tard, force est de constater que la promesse n’a pas été tenue. Si des moyens ont effectivement été débloqués et deux plans quin quennaux “Le logement d’abord” mis en place, le nombre de sans domicile fixe a plus que doublé en France en dix ans. Selon la Fondation pour le logement des défavorisés (anciennement fon dation Abbé Pierre), 330 000 per sonnes sont considérées en 2024 comme sans domicile fixe, soit sans abri, en habitation de for tune, en hébergement collectif, à l’hôtel, dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile ou héber gés en logement associatif. Dans le Doubs, une file active de 200 sans-abri est estimée à Pon tarlier (c’est-à-dire 200 passages sur une année), et environ 150 personnes sont en très grande précarité simultanément à Besan çon (sur un file active de 700 dans l’année). Les chiffres du 115, géré par le S.I.A.O. 25 (service intégré
d’un accompa gnement. Et l’hôtel coûte très cher en plus.” Fort de ce constat, le G.C.S. a inter pellé le préfet demandant l’at tribution de 160 places supplé mentaires d’hé bergement d’ur gence: 100 à Besançon, 30 dans le Haut
160 places supplémentaires demandées.
Les dispositifs d’insertion comme ici comme ici à l’Agora, et les hébergements d’urgence arrivent à saturation.
L’événement 9
Mars 2025
l Besançon Veille mobile Un maillon essentiel pour garder le lien Cinq jours par semaine, un binôme de travailleurs sociaux du S.A.A.S. ou avec une infirmière, effectue des veilles mobiles en journée et la nuit en hiver. Il part à la rencontre des sans-abri pour que le lien ne se brise pas.
profite-t-elle. Parfois, la veille mobile se heurte à des refus nets. “Il y a cette per sonne qui ne demande rien, pas d’abri, pas à manger, raconte Jonas. Les infirmières qui nous ont accompagnés ont vu qu’il n’était pas en perte de ses capa cités. Dans ces cas-là, on ne peut rien faire. On sait où il dort, on passe le voir de temps en temps. Mais on ne peut pas le forcer.” La veille mobile patrouille dans le centre-ville, Planoise, dans les zones comme Chalezeule ou Châ teaufarine et un peu sur le Grand Besançon. À Planoise, la plupart dorment dans des squats. La veille mobile voit aussi beaucoup de personnes sous l’emprise de grandes addictions, qui refusent l’abri de nuit et l’aide du S.A.A.S. En moins d’une heure, le télé phone de la veille mobile n’a pas arrêté de sonner. Qui pour un renseignement sur les méandres administratifs, qui pour un suivi de dossier d’une personne… Rouage essentiel, les travailleurs
vous partez, on peut préparer votre arrivée, clarifier les choses” , tente t-il quand même. À la veille mobile, les travailleurs sociaux et soignants répondent présents, sans jugement. Sans s’imposer non plus. “Générale ment, les gens nous disent non, on ne s’impose pas”, souligne Adé laïde. Il faut jauger, certains aiment bien discuter. Je n’ai pas de souvenirs de contacts difficiles.” L’infirmière du S.A.A.S., qui inter vient également à l’Agora, une structure d’hébergement du C.C.A.S., accompagne ceux qui le souhaitent chez des professionnels de santé, distribue du matériel de réduction des risques, les oriente vers d’autres structures, et soigne quelques bobos. Marcel aimerait se faire dépister. Sans médecin traitant, ni téléphone, il se tourne vers l’infirmière. Celle ci le rassure et lui propose de lui rapporter une ordonnance la pro chaine fois. “Je vous emmène au laboratoire ensuite, et on peut faire aussi un check-up complet” ,
I ls sont le maillon qui permet aux sans-abri de maintenir le lien avec la société. Ils leur offrent une couverture, de la nourriture, des informations, un rendez-vous avec un médecin, avec un travailleur social du S.A.A.S. Parfois, il s’agit simple ment de discuter quelques minutes. Les travailleurs sociaux et l’infirmière de la veille mobile connaissent la plupart des sans abri et suivent pour certains leur dossier. C’est le cas de Rémi* qui vit dans un camping-car. Il avait un rendez-vous au S.A.A.S. en vue d’un hébergement, qu’il n’a pas honoré. Inquiet de le perdre, la veille mobile composée de Jonas, un assistant de service social, Adélaïde, infirmière et de
Gaël, stagiaire infirmier, passe lui rendre visite. D’abord méfiant - “il n’aime pas trop les visites quand ce n’est pas prévu”, remarque Jonas - Rémi* mar monne des explications, un peu perdu. Il ne sait finalement pas s’il veut rester dans le coin, remet en cause le projet d’hébergement. Il veut partir mais son camping car n’a pas le contrôle technique. Il n’a plus le droit de rester là où il est. Il évoque aussi des soucis de santé. Adélaïde empoigne le téléphone et trouve immédiate ment un rendez-vous avec un médecin. Quant à Jonas, il laisse pour l’instant couler l’idée d’un rendez-vous avec un travailleur social pour faire avancer son par cours vers un hébergement. “Si
Adélaïde, infirmière au S.A.A.S., fait des veilles mobiles deux fois par semaine en compagnie d’un travailleur social.
aussi aux appels du 115. Deux places dans l’abri de nuit homme et une dans l’abri de nuit femme sont réservées pour les urgences. Cette année, elles sont constam ment prises. n L.P.
sociaux du S.A.A.S. sont au contact direct des sans-abri sur le terrain. Il faut beaucoup d’al lers-retours vers la personne, de recommencement pour la construction d’un lien de confiance. La veille mobile répond
l Besançon Abris de nuit Le nombre de nuitées continue d’augmenter À Besançon, l’abri de nuit des Glacis, désormais appelé Marguerite
l C.C.A.S. Service d’accueil et d’accompagnement social “Entre 100 et 150 personnes sont à la rue à Besançon” Odile Galli gère le S.A.A.S., le service d’accueil et d’accompagnement social, qui dépend du C.C.A.S. Cette première porte d’entrée pour les sans-abri conduit plusieurs missions.
est un peu plus difficile qu’il ne l’a été, on est obligés de refuser des gens certains soirs.” L’abri de nuit des Glacis compte 30 places. Un deuxième abri de nuit, géré par l’A.D.D.S.E.A., est réservé aux femmes. Il propose 11 places. Pour la travailleuse sociale, ce manque de place en hébergement d’urgence entraîne des délais longs pour ceux qui veulent entrer en hébergements ou loge ments. “Les gens restent plus à la rue, voire dans les abris de nuit. Quand on reste trop long temps à la rue ou dans un abri, on se dégrade. Et quand arrive le moment d’être hébergés, ils ne sont plus prêts. On les voit se dégrader de jour en jour devant notre porte avec peu de solutions à apporter.” Joël est veilleur de nuit depuis 40 ans à l’abri de nuit des Glacis. Sa principale mission consiste à accueillir les personnes. Et il voit arriver régulièrement un noyau d’habitués. “On doit faire coha biter le petit vieux avec le jeune toxico, et le gars qui vient de se faire jeter par sa femme, ce n’est pas toujours simple. Mais on ren contre des gens formidables, cer tains ont des histoires pas banales. Et il y a des habitués parce qu’ils ne peuvent pas tenir dans la société. Certains sont en attente d’un appartement.” S’il est un visage que les sans-abri reconnaissent facilement, Joël quittera l’abri de nuit à la fin de l’année pour prendre sa retraite. n L.P.
pour la politique sociale de Besan çon. Elle a notamment pensé et proposé l’abri de nuit qui a vu le jour en 1985. Mais depuis bientôt 40 ans, la façon dont est utilisé l’abri de nuit se modifie. En l’es pèce, le nombre de nuitées aug mente, quand le nombre de per sonnes accueillies diminue. En 2024, l’abri de nuit homme a compté 9 469 nuitées pour 314 sans domicile stable. À titre d’exemple, en 2021, le nombre de nuitées était de 7 825 pour 325 personnes. Que doit-on com prendre derrière ces chiffres ? Anne Vignot a apporté un élé ment de réponse lors de l’inau guration du nouveau nom début février : “Les gens reviennent régulièrement ici car l’héberge ment d’urgence ne suffit plus, ils sont tout le temps complets, c’est long.” Pour Odile Galli, cheffe de service du S.A.A.S., “le contexte
À l’abri de nuit des Glacis, il n’y a pas que le nom qui a changé. La struc ture gérée par le S.A.A.S. (service d’accueil et d’ac compagnement social) porte dés ormais le nom de Marguerite Vieille-Marchiset, une ancienne élue locale qui a beaucoup œuvré symbolisant un encombre ment dans le processus de retour au logement. Vieille-Marchiset offre 30 places pour les hommes. Si le nombre de personnes accueillies diminue, le nombre de nuitées augmente,
O dile Galli, vous gérez le S.A.A.S., le service d’ac cueil et d’accompagnement social. Quelles sont ses missions ? Odile Galli : Le S.A.A.S. est le premier accueil inconditionnel des personnes qui se retrouvent sans-abri sur le territoire bisontin. On va pouvoir ensuite réorienter si besoin. On est la porte d’entrée. La deuxième mission est la domici liation, on offre une adresse aux personnes sans-abri, indispensable pour l’ouverture des droits. En moyenne, nous avons 700 domicilia tions, ce qui est énorme. La grande majorité sont des personnes hébergées chez des tiers mais ça reste précaire. À noter qu’il y a de plus en plus de femmes. 74 % des domiciliations sont des hommes, 26 % des femmes. Il y a six ans, c’était de l’ordre de 20 %. La troisième mis sion est l’accompagnement social avec l’accès aux droits, aux ressources, à la santé et à l’hé bergement. On peut faire des demandes d’hé bergement d’urgence. Mais les places manquent. 230 personnes sont en attente d’un hébergement d’insertion dans le Doubs. Le S.A.A.S. a le dispositif Accompagnement vers et dans le logement, de la rue au logement. Ce sont pour des personnes qui ne veulent ou ne peuvent plus aller en centres d’hébergement. Une quarantaine est dans ce dispositif. Cela rentre dans le plan Logement d’abord. Et la santé est un gros morceau de l’accompagnement avec la veille mobile, l’équipe prévention pré carité du centre hospitalier de Novillars qui est dans les mêmes locaux que nous, un addic tologue, un médecin généraliste.
Odile Galli est cheffe de service du S.A.A.S.
Enfin, la quatrième mission est la mise à l’abri avec les abris de nuit. Et la cinquième est la veille mobile. À combien est estimé le nombre de personnes sans domicile stable sur Besançon ? O.G. : Il y a environ 120 personnes les plus pré caires sans solution. Entre 100 et 150 personnes sont à la rue, soit dans des voitures, des cara vanes, des abris de jardin, des tentes, etc. Le profil de ces personnes a-t-il évolué ? O.G. : On voit de plus en plus de femmes, de plus en plus de jeunes, ça continue d’augmenter. On voit plus de personnes avec des pathologies psychiques importantes, avec des formes d’ad dictions différentes, notamment chez les jeunes. L’alcool est bien sûr l’addiction la plus repré sentée. Chez les jeunes, on voit les produits de synthèses, le crack. Les veilleurs de nuit ont bien remarqué plus de toxicomanes hors alcool. n Propos recueillis par L.P.
Joël, veilleur de nuit, voit régulièrement un noyau d’habitués en attente d’un logement ou qui ne tiennent pas dans la société.
10 L’événement
Mars 2025
l Hébergement L’exemple de l’Agora Travailler le parcours dès l’arrivée
L’accès à un logement autonome après le C.H.R.S., c’est compli qué.” L’État finance pendant deux ans l’accompagnement d’une per sonne dans un C.H.R.S., le béné ficiaire donne 30 % de ses res sources, quelles qu’elles soient. Ceux qui sont logés dans une résidence sociale participent aussi financièrement. “Cela per met à la personne de se refaire une santé au niveau du parcours locatif, de payer ses dettes, etc.” , reprend Matthias Grison. D’au tres préfèrent être en maison relais. “Certains ne peuvent pas vivre seuls, ils ont besoin d’un accompagnement, ils intègrent un collectif pour les stimuler et les sortir de chez eux. Certains restent jusqu’à leur mort. C’est anciennement les pensions de famille. Les personnes paient une redevance.” Julien Mahieu prévient : “Ce n’est pas “un toit = tout va bien. Ce n’est pas magique, certains
administratif, quand la prise en charge classique n’est pas possible.” Dès leur arrivée à l’Agora, ces personnes dites sans domicile stable sont accompagnées pour trouver un logement le plus adapté à sa situation. “On bosse un parcours dès l’entrée, observe Julien Mahieu, chef d’établis sement de l’Agora. La porte d’en trée est la domiciliation au S.A.A.S. Certains viennent juste pour souffler et repartir rapide ment en logement accompagné. D’autres ont des situations plus complexes, des ruptures de soins, des problèmes d’addictions, de perte d’autonomie aussi.” Si les hébergements d’urgence restent insuffisants au niveau dépar temental (au nombre de 213), la problématique du manque de petits logements locatifs sur Besançon est aussi saillante. “Notamment chez les bailleurs sociaux, ce qui freine la fluidité du parcours, note Julien Mahieu.
À Besançon, l’Agora gérée par le C.C.A.S., dispose de 160 hébergements, tout dispositif confondu. Dont 31 hébergements d’urgence.
I l s’agit souvent de l’étape suivant l’abri de nuit. Des personnes sans domicile sta ble sont accueillies dans des C.H.R.S., centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Besan çon peut compter sur l’Agora, gérée par le C.C.A.S., le C.H.R.S. Julienne-Javel soutenu par l’as sociation du même nom, et le Roseau de l’A.D.D.S.E.A. qui accueille notamment les femmes et les enfants. Ouverte 365 jours par an, 24 heures sur 24, l’Agora, rue Pierre-Mesnage, a fêté ses dix ans récemment. Outre les hébergements d’ur gence parmi lesquels comptent des lits halte soins santé, la structure dispose aussi de loge ments accompagnés : une rési dence sociale de 40 places et deux maisons-relais de 25 places
chacune (l’une est délocalisée ailleurs dans la ville). “Les lits halte soins santé (11 places pour hommes et femmes) traitent les problématiques aiguës dites bénignes, souligne Matthias Gri son, responsable éducatif et adjoint au chef d’établissement. Par exemple, un sans-abri se casse la jambe, il ne peut pas
monter jusqu’à l’abri de nuit des Glacis. Les soins sont dispensés par un médecin, une infirmière et il y a aussi un accompagnement éducatif et social. C’est le seul dis positif qui permet d’accueillir des gens en inconfort
Un manque de petits logements locatifs.
Julien Mahieu et Matthias Grison gèrent les 160 places d’hébergement de l’Agora, tout dispositif confondu.
reproduisent des schémas de la rue dans leur logement. On entame un travail sur plusieurs années, sur la manière d’habiter. Faire un projet en sortant de la rue, ce n’est pas magique. D’où l’intérêt d’avoir plus de moyens pour l’accompagnement.” Celui
qui travaille avec les sans-abri depuis 20 ans voit bien des par cours de vie fracassés, de plus en plus de souffrance psychique. Et une statistique glaçante : presque un tiers des sans-abri sont d’anciens enfants placés. n
l Pontarlier Inventaire des besoins en cours Travail et Vie partie prenante du Groupement Social de Coopération du Doubs L’accueil de jour à Pontarlier reçoit de plus en plus
Les chiffres 2024
7 tonnes DE NOURRITURE CUISINÉE SUR PLACE 25 000 TASSES DE CAFÉ 1 523 PETITS DÉJEUNERS 3 847 REPAS 4 300 kg DE LINGE LAVÉ 335 LESSIVES 8 429 PASSAGES 2 240h D’OUVERTURE 42 % DES USAGERS ONT CONSULTÉ LE MÉDECIN ET/OU L’INFIRMIÈRE 400 DOUCHES
de passagers en essayant de répondre au mieux à l’évolution de la situation. La gestion des publics les plus démunis passe aussi par un renforcement des coopérations entre les acteurs de la précarité.
L es chiffres parlent d’eux-mêmes, de 2022 à 2024, la fréquentation de l’accueil de jour de Pontarlier a progressé de 23 %. “On a enre gistré 8 429 passages en 2024 contre 8 037 en 2023 et 6 880 en 2022. En nom bre de personnes accueillies sur une année, cela représente une file active de 200 personnes en 2024” , explique Méla nie Dulize, la directrice de Travail et Vie qui emploie 10 salariés à l’année avec le renfort d’un agent d’accueil sup plémentaire en période hivernale. Cette évolution se répercute au niveau des services de première nécessité pro posés dans la structure de la rue Mon trieux : + 35 % de repas, + 145 % de petits-déjeuners, + 64 % de douches… Plutôt que réduire le temps et la qualité de l’accompagnement, l’association a
fait le choix de renforcer son effectif de 0,8 équivalent temps plein en 2024 en prenant ainsi le risque de fragiliser sa trésorerie. “On ne peut pas se contenter “d’être avec”, on tient à aller plus loin. Dans Travail et Vie, il y a la notion du travail. Remettre nos passagers au tra vail semble peut-être utopique mais on peut au moins leur proposer des activités. Ils ne doivent pas être seulement des consommateurs” , souligne Philippe Truche, le président de Travail et Vie. L’offre d’activités proposées par l’équipe et les bénévoles est loin d’être anodine : après-midi récréatif, jardinage, coup de main chez Emmaüs, atelier couture, initiation à l’anglais, éveil aux sports… “Sur les trois mois d’été, on a ouvert 65 jours” , rappelle Mélanie Dulize. Travail et Vie fait aussi partie du Groupement
Les sans-abri à Pontarlier peuvent aussi participer à des ateliers couture.
dynamique notamment grâce à des changements opérés au sein de son conseil d'administration. “On sent clai rement une volonté de coopérer davan tage, de faire en sorte que chacun ne reste pas dans son couloir de nage. Avant d’aller plus loin, il fallait d’abord prendre le temps de définir les besoins. Ce travail a été réalisé en 2024 par tous les professionnels de chaque structure du G.C.S. 25. À partir de là, on formu lera des propositions. C’est prématuré d’en parler mais tout le monde sait que l’offre d’hébergement n’est pas suffisante. L’abri de nuit à Pontarlier comprend 14 places. Au début de l’hiver à Pon tarlier, on avait une quinzaine de per sonnes qui n’avait d’autre choix que de dormir dehors” , illustre Philippe Truche qui est aussi l’un des administrateurs du G.C.S. 25. n F.C.
de Coopération Social, appelé G.C.S. 25. Cette structure a été fondée en 2011 par les C.C.A.S. et les associations qui gravitent autour de la précarité avec l’objectif d’échanger et de formuler des propositions aux services de l’État et du Département sur les orientations en matière d’hébergement et de loge ment. Le G.C.S. 25 est porteur des acti vités du Service Intégré d’Accompa gnement et d’Orientation ou S.I.A.O. 115. “La gestion du S.I.A.O. 115 est confiée à l’A.D.D.S.E.A. qui va nous solliciter ou inversement pour trouver des solutions d’hébergement, des repas pour les personnes sans abri. Le G.S.C. 25 regroupe plus de 20 associations dans le Doubs. Il est présidé par Philippe Cholet qui est aussi à la tête de la Bou tique Jeanne-Antide à Besançon.” Après quelques années de flottement, le G.S.C. 25 a retrouvé une nouvelle
8 429 passages ont été dénombrés en 2024 au local de Travail et Vie dans la rue Montrieux à Pontarlier.
Made with FlippingBook - Share PDF online