La Presse Bisontine 267 - Septembre 2024
Le dossier 19
La Presse Bisontine n°267 - Septembre 2024
l Témoignage Pierre Taillard, 97 ans “Depuis ce temps-là, je n’abandonne jamais” Le Bisontin, ancien professeur d’horlogerie, a vécu l’Occupation et la Libération dans son village natal de Saint-Hippolyte dans le
Mais à cette époque, le fait d’avoir bu était considéré comme une circonstance atténuante ! Raison pour laquelle les gen darmes m’ont attribué les 3/5 èmes de le la responsabilité de l’accident… On n’était alors que dans la drôle de guerre. L.P.B. : Comment avez-vous ensuite vécu les mois et les années suivantes, avant 1944 ? P.T. : Dès le mois de juillet quand j’ai été à nouveau sur pieds, j’ai commencé à ramasser des fusils de guerre qui avaient été abandonnés par les soldats à l’arrivée des Allemands. Mon idée, comme beau coup d’autres, c’était de reconduire les Allemands chez eux ! Avec ces fusils, on tirait dans les bois pour s’entraîner à résister. C’était un peu romantique, mais je me considérais déjà comme un petit soldat français au milieu des Allemands. L.P.B. : Vous vous souvenez donc de vos premiers actes de résistance ? P.T. : Très bien. Il y avait une mitrailleuse Hotchkiss de fabrication française ins tallée sur le pont. Avec des copains, on jouait avec, au moment où trois soldats allemands passaient. Après leur passage, on a démonté discrètement la mitrailleuse et on a jeté les pièces dans le Dessoubre. C’était mon premier acte de sabotage! L.P.B. : Vous étiez conscient des risques que vous preniez ? P.T. : Parfaitement. Comme on tirait dans les bois, les Allemands ont fini par s’en rendre compte. En juin 1941, depuis le pont de Saint-Hippolyte, ils se sont mis à nous viser, les balles éclataient autour de nous dans les cailloux, c’était notre baptême du feu. Mais cela ne nous a pas refroidis, au contraire, nous étions déjà très déterminés. L.P.B. : Les conditions d’occupation se sont durcies au fil des mois ? P.T. : Oui, au moment où la Gestapo est arrivée et a entamé trois mois de rue.” La 3ème division d’infanterie U.S. tra versera ensuite les Vosges, l’Alsace puis le sud de l’Allemagne. Elle s’emparera du nid d’aigle de Hitler à Berchtesgaden et finira la guerre à Salzbourg en Autriche. Accompagné des Généraux de Lattre de Tassigny et Juin, le Général de Gaulle se déplace à Besançon le 23 septembre pour célébrer la Libération de la ville. Il prononce un discours place Saint Pierre. Il est applaudi et acclamé par des milliers de Francs-Comtois sur ce parvis appelé aujourd’hui place du 8 sep tembre. “L’histoire de ces jours doit être connue de chacune et de chacun d’entre nous. Comme les noms de celles et de ceux qui ont payé alors de leurs vies le prix de nos libertés enfin retrouvées. 80 ans après, la ville est reconnaissante envers ces femmes et ces hommes, com battantes et combattants de la Libération” estime Anne Vignot, la maire de Besan çon. n J.-F.H.
recherche de renseignements. Elle voulait savoir qui faisait quoi, avec qui, et où ! Elle a débarqué le 17 septembre 1941. Elle a notamment trouvé chez Henri Tirole, un habitant de Saint-Hippolyte de 21 ans, une quinzaine de fusils et des munitions. Il fera partie de la centaine de fusillés de la Citadelle. J’ai récupéré la lettre qu’il avait écrite à ses parents et dans laquelle il demande de pardonner à celui qui l’avait dénoncé. Très tou chant… De mon côté, j’avais récupéré également deux revolvers, des armes d’officier, j’avais les fusils également, des munitions, etc. Je les ai sorties de la maison et cachées au bord du Des soubre, puis dans une faille de rochers un peu plus haut. Mais j’ai tout gardé, je ne m’en suis pas débarrassé. Je me suis forgé dans ces années cet état d’esprit de ne rien lâcher. Un jour que je faisais le guet en haut d’un sapin, ma sœur m’a prévenu que les Allemands étaient chez nous, elle m’a dit : “Tu nieras tout.” Deux types de la Gestapo accompagnés de deux soldats allemands ont commencé à m’interroger en me disant: “Si tu as des armes et que tu ne te dénonces pas, on emmène ton père et on le fusille…” Je ne me suis pas dégonflé, j’ai nié en faisant état de mon accident qui m’empêchait soi-disant de manier les armes. Aujourd’hui encore, je suis surpris de l’aplomb que j’ai eu ce jour-là… Et qui m’a sauvé. Depuis ce temps-là, je n’aban donne jamais. L.P.B. : La résistance s’est ensuite mieux organisée dans votre village ? P.T. : Le fils du maire Michel Lamy a com mencé à nous fédérer en résistance orga nisée, mais 25 jeunes de Saint-Hippolyte ont été envoyés en prison par les Alle mands, ça a complètement désorganisé le mouvement et dès lors, avec trois copains, on a décidé de se débrouiller et résister ensemble. On a donc continué à nous entraîner au tir les quatre. On était
L a Presse Bisontine : Vous avez eu très jeune l’âme d’un résistant. Comment est né ce caractère bien déterminé ? Pierre Taillard : Je suis devenu anti-Nazi dès 1936. Ma sœur de 16 ans avait fait un échange linguistique avec une jeune Allemande qui se prénommait Olga. Quand cette dernière est venue en France, on l’a emmenée visiter Lyon, Reims, etc. Elle disait sans arrêt “Chez nous, c’est plus colossal !” et avait ce caractère domi nateur qui m’a tout de suite été insup portable. Par ailleurs, une tante de ma sœur qui était une opposante au régime en Allemagne savait ce qui se passait en Allemagne avec les Juifs et j’ai été très vite éveillé à ces questions. À l’âge de 9 ans, j’étais déjà, et consciemment, un anti-Nazi. L.P.B.: Donc quand les Allemands sont arrivés en France, vous avez immédiatement eu ce sen timent de résistance, dès le plus jeune âge ? P.T. : Les Allemands sont arrivés à Saint Hippolyte le 19 juin 1940, j’avais 12 ans et demi. Dès le printemps, en allant récu pérer de la ferraille pour participer à l’ef fort de guerre, j’ai été écrasé par une camionnette sur le pont de Saint-Hippo lyte. Plâtré du torse aux jambes, avec les deux fémurs cassés, je suis resté immo bilisé pendant trois mois. Une partie de l’histoire est assez savoureuse : le conduc teur dela camionnette qui transportait une vache était un alcoolique notoire, qui était donc ivre quand m’a roulé dessus. Haut-Doubs. Il se souvient avec une acuité étincelante de ces heures sombres, et des jours plus heureux de la Libération. Il avait à peine 16 ans. depuis la Chapelle-des-Buis. C’est la fin de l’Occupation, les Allemands se ren dent.Il y aura parmi les soldats alle mands 250 morts et 2 500 prisonniers. 80 Américains ont été tués, 90 blessés. Les F.F.I. ont perdu 40 hommes dont 28 à Besançon même. Les pertes civiles s’élèvent à 50 tués. Le 8 septembre sera un jour de liesse à Besançon. La ville est meurtrie, jonchée de ruines, et porte les stigmates des com bats violents. Mais les soldats américains sont accueillis en héros par la popula tion. Parmi les témoignages des habitants ce jour-là : “J’étais dans la Grande rue, sur le trottoir avec des amis, et nous avons vu arriver une horde d’Américains qui avaient les bras en l’air. C’était l’euphorie, nous nous sommes jetées dans leurs bras, ils nous ont aussi donné des bonbons et des chewing-gums.” “Ils arrivaient à pied depuis le quartier Battant, comme le pont avait sauté, et que le Doubs était très bas, ils sont passés comme ça en marchant sur les débris et c’est comme ça qu’ils sont arrivés dans la Grande
Pierre Taillard aura 97 ans le 25 septembre. L’ancien horloger a été aussi peintre, sculpteur, poète, écrivain et militant pour la défense de la nature. Il n’a jamais baissé les armes.
millier de soldats allemands de l’armée Vlassov étaient arrivés à Saint-Hippolyte. Il y avait des obsèques à l’église. Quand la rumeur s’est répandue que les Alle mands arrivaient en force, l’église s’est vidée en un clin d’œil. Il ne restait plus que le curé et le mort… Nous sommes vite allés cacher nos armes, mais j’avais oublié un revolver dans ma poche… L.P.B. : Nouvelle frayeur ? P.T. : Une patrouille allemande de six sol dats me siffle. Je repère un massif de grandes orties. Je choisis alors, non pas de me sauver, mais d’aller vers les Alle mands et je me débarrasse alors du revol ver dans le massif d’orties par un léger déhanchement. Je suis alors fouillé du haut en bas par deux soldats tandis que les quatre autres me mettent en joue. J’ai baissé la tête, j’attendais qu’ils me collent une balle dans la nuque. Ces orties m’ont sauvé la vie. Depuis, j’ai toujours entretenu dans le jardin de ma maison à Besançon un massif d’orties… Une fois de plus, la chance m’avait souri. L.P.B. : Cette période vous a donc forgé à jamais ? P.T. : De ce gamin qui était gentil et tran quille, je suis devenu un vrai combattant qui n’aime pas les injustices et qui conti nue à les combattre. n Propos recueillis par J.-F.H.
toujours suspendus au risque qu’on nous dénonce aussi. Deux résistants ont été abattus à Saint-Hippolyte, d’autres ont été arrêtés. Je pense que je suis encore là parce qu’on a décidé de résister indé pendamment au sein de ce petit groupe. L.P.B. : Et ce furent ensuite pour vous les années bisontines ? P.T. : Mes parents m’ont envoyé à l’école d’horlogerie en octobre 1943. Je ne reve nais qu’aux vacances à Saint-Hippolyte mais je ne pensais qu’à une chose, c’était de poursuivre nos actions. Le 15 mai 1944, à l’école d’horlogerie, on a entendu parler de l’idée d’un débarquement. Tous ces mois à l’Horlo ont donc été très durs pour moi. En résistant, on ignorait encore l’existence des camps de concentration. Dans ma tête, si on était pris, on était pendu ou fusillé. On acceptait ça comme un résultat possible de la Libération. Le 15 mai, le lycée a fermé pour ne rouvrir que le 22 novembre. Les quatre copains, on avait décidé qu’on ferait le coup de feu à Saint-Hippolyte. Morteau avait déjà été libéré le 25 août, Maîche le 30. Saint Hippolyte le sera le 31, mais définitive ment le 6 septembre avec l’arrivée de l’armée régulière française. La guerre n’était pas terminée car le front s’est ins tallé autour du Lomont pendant près de deux mois encore. Le 25 août, plus d’un
le destin de Besançon
Le programme des cérémonies commémoratives
l Dimanche 1 er septembre à 11 heures Cérémonie Du souvenir Départementale Souvenir français du Doubs Notre Dame de la Libération - Chapelle des Buis l samedi 7 septembre à 9 heures Cérémonie Commémorative en l’honneur Des résistants tombés lors Des Combats De la libération De besançon Place de la Liberté l samedi 7 septembre à 10 h 30 Cérémonie Commémorative en l'honneur Des G.i.’s De la 3ème Division D’infanterie u.s. tombés pour la libération De besançon Monument du Fort de Chaudanne l samedi 7 septembre à 14 heures Cérémonie D’hommaGe aux 4 résistants Souvenir français Besançon - Marchaux Stèle Vuillemin Combe de Chailluz l samedi 7 septembre à 16 heures (montfaucon) Cérémonie libération De montfauCon inauGuration allée henri fertet Site du Belvédère de Montfaucon
l samedi 7 septembre à 18 heures (École-Valentin) Cérémonie libération D’éCole-valentin Monument aux morts, place André Baverel l Dimanche 8 septembre à 9 h 45 Cérémonie libération De besançon Place du 8 septembre l Dimanche 8 septembre à 11 heures (Beure) Cérémonie libération De beure arbre De la libération, Défilé De véhiCules militaires D’époque l Dimanche 8 septembre à 11 heures (Thise) Cérémonie libération De thise En présence de véhicules d’époque au sol et dans les airs Défilé en DireCtion De l’aéroDrome Monument aux morts l à partir du 3 septembre fleurissement Des tombes Des résistants Dans les Cimetières l réinstallation au quartier vauban De la plaque en hommaGe et à la mémoire Des 2 500 sujets britanniques rassemblés et internés à besançon du 2 décembre 1940 au 30 avril 1941.
Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online