La Presse Bisontine 241 - Juillet 2022
22 Le dossier
La Presse Bisontine n°241 - Juillet 2022
Ces restaurants qui ont dû réduire la voilure LA RESTAURATION EN PREMIÈRE LIGNE Plusieurs restaurants du secteur ont dû revoir leurs plages d’ouverture à la baisse. D’autres n’ont carrément pas pu rouvrir faute de personnel. Gilles Bulloz, patron du l Besançon Le Clemenceau
“E n cette période de crise sanitaire, l’établissement restera fermé jusqu’à nouvel ordre…” Le mes
Clemenceau à Besançon a dû revoir ses plages d’ouverture à la baisse.
sage enregistré sur le répondeur du restaurant L’Étal à la table à Châ tillon-le-Duc au cœur de la zone com merciale de Valentin n’a pas changé
désormais moins de chiffre, mais en même temps nous avons moins de charges et de frais. On s’adapte donc à la situation” observe-t-il avec philo sophie. Après 37 ans passés à la tête de l’éta blissement, Gilles Bulloz songe dés ormais à passer le relais. Conscient des difficultés actuelles de trouver un personnel stable, le boss du Clemenceau estime que “l’idéal serait de trouver deux couples de repreneurs de 25-30 ans qui ont envie de travailler et de s’investir. Nous avons un très bel outil de travail” note M. Bulloz, conscient d’avoir sans doute vécu avant la crise sanitaire un âge d’or de la restaura tion. n J.-F.H.
son activité. Le Clemenceau, fondé en 1985 par Gilles Bulloz, est pourtant une des adresses les plus “stables” de la ville. Et pourtant : “Nous n’ouvrons plus le samedi soir, plus le dimanche, et plus non plus le lundi et mardi soir. Il nous manque au moins deux per sonnes, dont un second en cuisine” constate Gilles Bulloz. Le patron du Clemenceau ne se dit pas pour autant spécialement pénalisé dans la mesure où “nous sommes une adresse qui fonc tionne essentiellement le midi” , servant tous les midis du lundi au samedi une centaine de couverts. Gilles Bulloz confirme aussi avec le recul que le rythme de travail infernal qu’il s’imposait avant la crise sanitaire n’avait pas des avantages. “Nous faisons
depuis plusieurs mois. Et le restaurant créé par le boucher-traiteur bisontin Patrice Carquille reste désespérément fermé. Malgré son succès avant l’avè nement de la crise sanitaire. À Besançon, son confrère traiteur Fabrice Courbet a dû se résoudre lui aussi à ne pas rouvrir son Écrin bis tronomique, le restaurant situé à l’étage de sa boucherie de la rue de Dole. Là encore, ce n’est pas faute de succès, mais de personnel. Et comme le dit un connaisseur du milieu de la restaura tion, “c’est difficile de tout concilier quand on veut faire plusieurs métiers à la fois.” Dans le quartier de la Butte à Besan çon, c’est un autre restaurant emblé matique qui a dû se résoudre à réduire
L’Écrin bistronomique de la Maison Courbet n’a pas rouvert ses portes.
l Hôtellerie-restauration
Le président de l’U.M.I.H. du Doubs
“Nos équipes ont surtout besoin de considération” Le chef étoilé Philippe Feuvrier est le président de l’U.M.I.H. (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) du Doubs. Face à la pénurie de personnel qui touche bon nombre de restaurants, il esquisse des solutions. Interview.
falloir commencer par encadrer les horaires d’accueil du public différemment. Quand je vois les clients suisses, allemands ou autrichiens qui arrivent à table à 19 heures pour repartir à 22 h 30, en ayant même pris le temps de prendre un armagnac, c’est un exemple à suivre. Par respect pour les équipes du res taurant. Sans être drastique, je pense qu’un encadrement des horaires serait le bienvenu. Sur la question des horaires, j’ai décidé dans mon restaurant de fermer le mardi midi pour que mes équipes aient deux jours et demi de congé d’affilée et ce, même si je renonce à du chiffre d’affaires le mardi. Par respect également, j’ai fermé le lundi de Pentecôte. Et tous les soirs, mes collaborateurs repartent avec la “banane”. L.P.B. : D’autres propositions ? P.F. : Si on veut continuer à don ner des salaires intéressants, il faudrait que le gouvernement pense, au-delà d’un certain seuil chargé, à ce que nos salariés puissent bénéficier de plus d’heures supplémentaires défis calisées. Je pense que ça per mettrait de dégripper la machine. Sur un autre registre, il faudra revoir le statut de sai sonnier en rééquilibrant ce sta
L a Presse Bisontine : Certains restaurants dans le Doubs ne peuvent plus ouvrir ou que partiellement, faute de personnel. Quelle est la situation pré cisément ? Philippe Feuvrier : Plus de 15 % de nos 432 établissements adhé rents dans le Doubs connaissent actuellement des difficultés de recrutement. Conséquence : des restaurants n’ont pas pu rouvrir leurs portes à la sortie du Covid, d’autres sont obligés de ne plus ouvrir le week-end. La crise sani taire a clairement laissé des traces sur l’organisation de cer taines maisons. Certains res ponsables d’établissements ont eu également dumal de se relan cer après avoir eu des aides de l’État puis les prêts garantis par l’État en gérant difficilement cette période de crise.
sonnel sont ceux qui respectent leurs salariés et leurs équipes. Personnellement, moi qui emploie 10 personnes plus du personnel à mi-temps, j’ai tou jours tout fait pour que mon per sonnel se sente bien et ait envie de rester. L.P.B. : Quelles solutions préconisez vous pour que la profession par vienne à mieux recruter ? “Je prépare une lettre ouverte pour
bilise ? P.F. : Cette période de crise sani taire a eu le mérite de resserrer les liens entre tous les acteurs de l’emploi.Avec l’U.M.I.H., nous avons des rapports étroits avec la préfecture notamment, les services de l’emploi, et je tiens à souligner que la mobilisation de tous les acteurs est bien réelle, avec également Pôle emploi et son nouveau directeur régional. L.P.B. : Avec des résultats ? P.F. : Le contexte est difficile parce qu’aussi, la restauration n’est pas unmétier comme les autres. Il est évident que les établisse ments ne peuvent plus proposer des offres d’emploi à 1 300 euros par mois. En tant que président de l’U.M.I.H., je ne relaie plus de telles offres, il faut que tous les restaurateurs le compren nent. Ceux qui gardent leur per
Philippe Feuvrier est président de l’U.M.I.H. du Doubs depuis 2008.
car j’estime qu’il y a toujours unmanque d’objectivité flagrant dans l’orientation de nos jeunes. On semble punir les mauvais élèves en les envoyant dans la restauration. Ce n’est plus accep table. P.F. : Je prépare une lettre ouverte aux autorités et à toute notre profession qui doit se remettre en cause. Si beaucoup d’établis sements sont irréprochables, d’autres ne respectent pas assez leur personnel. Parallèlement, nos entreprises sont également synonymes de charges et d’im pôts pour l’État. Et ça aussi ça L.P.B. : Prévoyez-vous des actions par ticulières ?
tut qui permet pour l’instant à un salarié de faire une saison puis d’être ensuite au chômage les 7 mois restants de l’année. Il faut aussi protéger le contrat horaire dit “petites mains” qui permet à des salariés de tra vailler 3 ou 4 heures par jour pendant quelques jours et de garder leurs droits sociaux. Je bataille aussi pour l’intégration plus rapide du personnel, y com pris étranger et sans discrimi nation. Pour que les choses s’améliorent, il faut aussi que notre profession accepte de com prendre qu’un client, on le reçoit en souriant… Je souhaite aussi qu’on rencontre à nouveau les gens de l’Éducation nationale
P.F. : Il y a eu cet accord national sur les salaires et c’est très bien, mais ce n’est pas suffisant. Les équipes veulent du salaire, bien sûr, mais sur tout de la consi dération. Je pense qu’il va
toute notre profession.”
L.P.B. : Comment la profession se remo
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