La Presse Bisontine 148 - Novembre 2013

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 148 - Novembre 2013

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AVENTURE Le défi d’une non-voyante Patricia Choulet au bout d’elle-même Avec son guide Jessy Lestrat, la Bisontine non- voyante part pour l’Afrique-du-Sud pour un marathon de 242 km dans le désert, en totale autonomie.

P atricia Choulet est une femme de défi. Aveugle depuis l’âge de 11 ans suite à un glaucome qui a dégénéré, la sportive de 50 ans est plutôt du genre tenace. Certaine- ment autant que Jessy Lestrat, 39 ans, pompier professionnel à Besançon, qui sera son guide durant cette aventure hors du commun qu’ils s’apprêtent à vivre en binôme. C’est en 2011 que ce projet fou naît dans la tête de Jessy Lestrat, au cours d’un précédent raid longue distance au Maroc où il rencontre un guide qui accompagnait une personne malvoyante. “J’ai trouvé l’idée formidable. Je me suis donc rapproché du C.C.A.S. et de la Maison des sports à Besançon qui m’ont orienté sur Patricia qui prati- quait déjà beaucoup de sport” relate Jessy Lestrat. Patricia, salariée chez Orange à Besançon (une entreprise qui

a soutenu son projet), est par ailleurs ceinture noire d’aïkibudo et galop 3 en équitation… Pour Patricia qui avoue “bien aimer les défis”, celui-ci est hors du commun. “Il y a un an que je me prépare dans

Patricia Choulet et

Jessy Lestrat reviennent le 26 octobre de l’Afrique- du-Sud.

des salles de sport notam- ment à raison de 12 heures par semaine. Et avec Jes- sy, nous avons fait un raid en raquettes à neige dans le massif jurassien l’hiver dernier. Une bonne maniè- re de tester sa résistance.” Patricia Choulet sera la seule athlète handicapée sur les 64 concurrents de cette épreuve extrême. Le départ de cette course mythique est donné le 19 octobre, pour une semai- ne d’efforts intenses et 242

“80 % de la course

se fera dans la tête.”

km à parcourir, en six jours, dont une étape de 75 km. “Le Kalahari Augra- bies Extrême Marathon (K.A.E.M.) est une des plus anciennes courses du gen- re à travers le monde” ajoute Jessy Les- trat qui l’a déjà parcourue l’an dernier, en solo. Pour lui, l’accompagnement d’une personne invalide sera une pre- mière. “Je sais que 80 % de la course se fera dans la tête. Je me dis que c’est des derniers défis que je pourrai me

des deux sportifs en France est prévu pour le 26 octobre. Certainement avec un sourire éclatant et le sentiment pour tous les deux d’avoir réalisé un exploit et surtout vécu une aventure humai- ne inoubliable. Car à travers ce défi, Patricia a voulu transmettre un mes- sage à toutes les personnes invalides afin qu’elles n’hésitent pas à se dire “et pourquoi pas moi ?” J.-F.H.

lancer à mon âge, il faut aller au bout” note Patricia, portée par un bel élan de solidarité de la part des salariés d’Orange qui ont vendu des T-shirts pour aider les deux complices à bou- cler leur budget de 6 000 euros. Sur le dos, chaque membre du tandem aura à porter un sac de 8 kg qui contient tout ce dont ils auront besoin (nourri- ture lyophilisée, sac de couchage, strict nécessaire d’hygiène, etc.). Le retour

INDUSTRIE

Des salariés entrent en scène Inauguration théâtrale chez Cryla

C’est avec un spectacle scénarisé mettant en scène les salariés de l’entreprise que Cryla a accueilli les invités venus découvrir la nouvelle usine à Témis.

le 24 septembre. Cryla et ses 70 collaborateurs ont emménagé dans les nouveaux locaux à Témis depuis le 19 août. Il est 17 heures, tout le monde est prêt à répéter. “Je me suis retrouvé dans ce projet de spectacle un peu par hasard. On m’a propo- sé d’y participer, j’ai dit oui. Ce n’est pas courant, et ça sort de l’ordinaire. Le théâtre, j’en ai fait une fois en sixième” sourit Marius, technicien de métier, qui dans la pièce joue le rôle d’un journaliste interviewant maladroitement Patrick Pelle- tier (interprété par Alain Leclerc), l’architecte de l’usine qui tente de lui expliquer la per- tinence de cette nouvelle construction. Comme Marius, une quinzaine de salariés ont accepté de prendre

part à ce spectacle qui a été écrit et mis en scène en un mois. La première répétition a eu lieu le 16 septembre. Depuis, la “trou- pe Cryla” se réunit régulière- ment pour travailler les répliques le midi et le soir jusqu’à l’inauguration. “Ce sont des gens qui n’ont pas les codes du théâtre, mais qui ont une vraie énergie” remarque Jean Pétrement. “Quand j’ai vu mes collègues répéter, ils m’ont scotché. Je les ai trouvés impressionnants dans leur rôle” rapporte Laurent, de la maintenance industrielle, qui n’a pas participé au projet mais qui connaît le théâtre. Pour beaucoup de collabora- teurs, entrer pour un temps dans la peau d’un acteur est un défi personnel. “C’est une expérien- ce unique. Si j’ai choisi de par- ticiper à ce projet, c’est pour me prouver que je suis capable d’autre chose. J’attends que ça me donne plus confiance enmoi” remarque Sylvie. À ses côtés, Dominique est stressé. Il a peur de bloquer sur son texte qu’il a appris par cœur avec l’aide de ses collègues. Cet homme qui a 34 ans de maison ne sait ni lire, ni écrire. “D’habitude, je suis naturel.Mais là, c’est pas pareil, c’est du théâtre” dit-il sur un ton qui malgré tout dissimule à pei- ne sa fierté de faire partie de l’aventure après s’être laissé convaincre par Thierry Bisiaux. La répétition se poursuit. C’est autour de Daniel et de ses aco- lytes d’entrer en scène dans un sketch. Blouse bleue, visage rieur, ce salarié qui travaille là depuis quarante-deux ans se prête aisément à l’exercice. Pour lui, cette pièce de théâtre est le reflet de l’humeur qui règne

dans l’entreprise. Une humeur impulsée par le patron qui se distingue par des méthodes managériales qui lui valent le respect de ses collaborateurs. Dans l’usine, on dit de lui qu’il est à la fois ouvert et très à l’écoute, qu’il est respectueux des gens, ce qui ne l’empêcherait pas d’asseoir son autorité. “Il y a déjà une bonne ambiance dans la société. Mais ce projet appor- te encore plus de chaleur humai- ne” relève Daniel dont le grand- oncle, Gérard Langel, est le fondateur de Cryla. “Cette ini- tiative crée vraiment le ciment entre les salariés et la direction” relève Nathalie, qui joue le rôle de la “syndicaliste de service” alors que dans la vie elle s’occupe de l’administration des ventes. C’est la fin de la répétition. Détendu, en polo, Thierry Bisiaux a le sourire et entonne “vous êtes formidable” sur l’air de la chanson de Stromae. La bonne humeur et la complicité sont telles qu’on en oublierait presque que nous sommes dans une usine face à un patron visi- blement heureux de la presta- tion de ses salariés. Dans trois jours, ce sera le grand soir pour les Cryla. Les acteurs éphé- mères, qui redoutaient les raille- ries de leurs collègues, s’élèveront sous les applaudissements du public. T.C. Cryla est spécialisée dans la conception et la fabrication de pièces haute technologies destinées principalement à l’industrie aéronautique, le luxe et le médical.

L es nouveaux locaux de l’entreprise Cryla à Témis ont été inaugurés le 27 septembre. Pour l’occasion, les invités ont eu droit à une visite théâtrali- sée de l’usine de 3 500 m 2 ima- ginée par l’architecte Patrick Pelletier. Une animation sin- gulière dans le sens où les acteurs principaux de la pièce étaient les salariés eux-mêmes. Tous volontaires, ils ont accep- té de suivre leur patron Thier- ry Bisiaux dans cette initiative hors du commun qui a surpris

et enthousiasmé les invités. Ce soir-là, les groupes découvraient les lieux, cheminant d’un ate- lier à l’autre qui servait de décor à chacune des cinq scènes retra- çant “L’odyssée de Cryla”. Le spectacle d’environ une heu- re, mêlant à la fois l’humour aux références historiques et archi- tecturales, a été écrit et mis en scène par Jean Pétrement, fon- dateur de la compagnie Bac- chus. “Un jour, Thierry Bisiaux m’a parlé de son projet d’inauguration. Je lui ai pro- posé d’écrire un spectacle. Au

départ, il voulait qu’il soit inter- prété par les acteurs de Bacchus. Je lui ai soumis l’idée d’impliquer les salariés. Il a marché immé- diatement” raconte Jean Pétre- ment. “Les arts ouvrent la conscience et font réfléchir” résu- me Thierry Bisiaux, attentif à la culture. Le P.D.G. de Cryla pratique lui-même le théâtre depuis un an. Occupé à accueillir les convives le soir de la repré- sentation, il n’a pas pris de rôle, laissant à Jean Pétrement le soin de jouer son personnage. Retour en arrière. Nous sommes

La salle de réunion a servi de lieu de répétition à cette pièce de théâtre.

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