La Presse Bisontine 113 - Septembre 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n° 113 - Septembre 2010

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EXPLICATIONS L’analyse de Joseph Pinard Schwint - Fousseret : deux styles, deux méthodes

Historien, ancien élu, Joseph Pinard compare Robert Schwint et Jean-Louis Fousseret qui ont chacun leur propre approche de la politique.

un dossier sur les microtechniques par exemple, cette expérience lui est uti- le. Le score qu’il a obtenu sur le pro- jet du tram signifie qu’il connaissait son dossier et qu’il est convaincant. L.P.B. : Jean-Louis Fousseret serait-il plus pragmatique du fait de son parcours profes- sionnel ? J.P. : Il n’est pas un intellectuel, mais il a cette compétence de technicien qui correspond bien au profil de la ville. Il est très bien placé pour saisir les évo- lutions et les grandes mutations. C’est fondamental, étant entendu qu’il vient d’une gauche où les gens qui connais- sent le monde de l’entreprise ne sont pas nombreux. De même que Robert Schwint parlait avec les syndicats, quand Jean-Louis Fousseret parle avec les décideurs du monde économique, ils se comprennent. Notre maire aurait tort de faire un complexe vis-à-vis des intellectuels, car nos plus grands élus locaux ont toujours travaillé avec des manuels. L.P.B. : Robert Schwint aurait été, dit-il, plus prudent sur un projet comme le tram qui peut coûter cher politiquement. Jean-Louis Fous- seret a-t-il pris un risque ? J.P. : Il y a toujours un tollé lorsqu’il s’agit de grands chantiers. Àmon avis, le risque qu’il a pris est de la même amplitude que celui que Jean Minjoz a pris lorsqu’il a fait adopter la pié- tonnisation de la Grande rue ou le plan de circulation.À l’époque, il a fait l’objet de critiques beaucoup plus fortes que Jean-Louis Fousseret sur le tram. Les commerçants disaient alors que ce choix annonçait leur mort.Aujourd’hui,

L a Presse Bisontine :Vous avez été élu aux côtés de Robert Schwint. Y a-t-il un chantier que l’homme a porté que vous retiendriez ? Joseph Pinard : Ce qui m’apparaît fon- damental, c’est la constitution de la communauté d’agglomération duGrand Besançon. Elle était infiniment plus difficile à faire ici qu’ailleurs, eu égard à la disparité des communes qui entou- rent la capitale régionale. Ce projet était de nature à provoquer un phé- nomène de peur pour ces communes. Dans la négociation, le fait que Robert Schwint ait été maire du Russey a contribué à instaurer un climat de confiance.Aux yeux des élus des petites communes du secteur, il n’était pas

Robert Schwint avait déjà une expé- rience d’élu local avant d’arriver à Besançon. Pour l’histoire, je rappelle que Robert Schwint a été présenté aux élections municipales de 1977, non pas pour arbitrer des rivalités, mais pour combler un vide car à l’époque per- sonne ne voulait prendre la succession de Jean Minjoz. Il y avait pourtant dans l’équipe sortante des élus d’une grande compétence. Du fait de cette expérience d’élu local, les maires des alentours considéraient Robert Schwint comme un des leurs. On ne peut pas lui reprocher, mais Jean-Louis Fousseret n’a pas cette expérience. En revanche, il a la chan- ce de pouvoir compter à l’Agglo sur Gabriel Baulieu qui est quelqu’un de sérieux, travailleur et loyal. Leur tan- dem fonctionne bien alors qu’ils ne sont pas de la même sensibilité poli- tique. L.P.B. : Robert Schwint et Jean-Louis Fousse- ret n’ont pas non plus le même parcours pro- fessionnel. Le premier est enseignant,le second est un technicien issu du privé. Cela influe-t- il sur leur manière d’agir ? J.P. : Je soulignerais tout d’abord que Robert Schwint a pu s’appuyer sur le fait qu’il a eu des mandats syndicaux. Il a été délégué du personnel. Cela lui a valu une audience auprès du milieu enseignant. Jean-Louis Fousseret a lui-même un parcours particulier. Dans son équipe, il est un des rares à avoir l’expérience du travail dans le privé. Il est technicien et bon technicien. Ce n’est pas négligeable.Quand il empoigne

considéré comme le maire de la grande vil- le, mais comme leur collègue. Il ne faut jamais mépriser ces phénomènes psycho- logiques. Cela est à mettre à son crédit, car si ce chantier avait capoté, la ville crevait. L.P.B. : Dans sa façon de pratiquer la politique, Jean- Louis Fousseret est-il en rupture avec Robert Schwint, ou au contraire s’inscrit-il dans la conti- nuité de l’ancien maire ? J.P. : Il y a une conti- nuité politique. Mais des différences sont là étant entendu que

“Un technicien qui est convain- cant.”

Par rapport à Robert Schwint, “Jean-Louis Fousseret n’est pas un intellectuel” pense Joseph Pinard.

au pouvoir, il a intégré le parti com- muniste à son équipe contre l’avis de Jean Minjoz. À l’époque, il a eu à pâtir du sectarisme de certains membres du P.C. Le parti communiste a énormé- ment changé et Jean-Louis Fousseret ne peut que se féliciter du travail four- ni par ses élus communistes.

personne ne reviendrait en arrière. L’immédiateté nous tue. Il faudrait plus souvent relire le passé pour com- prendre le présent. L.P.B. : Il y a également une divergence de point de vue sur le principe de “gauche plu- rielle” entre les deux hommes. Qu’en pensez- vous ? J.P. : Quand Robert Schwint est arrivé

Propos recueillis par T.C.

HOMMAGE

Son portrait dévoilé

Robert Schwint traits pour traits L’ancien maire de Besançon a désormais son portrait accroché de celui de Jean Minjoz dans la galerie des maires. Jean-Louis Fousseret a rendu hommage à son prédécesseur lors de la présentation du tableau réalisé par Thierry Marquis.

C’ est le peintre Thierry Marquis qui a réalisé le portrait de Robert Schwint. Le tableau, fidè- le aux traits de l’homme politique, est désormais accroché à côté de celui de Jean Minjoz, dans la gale-

té en se demandant toutefois dans quelle aventure il venait de mettre le pied. Ce protestant, de gauche, laïque, et têtu, “toutes les qualités d’un Montbéliardais que je suis” s’est imposé à la suite de JeanMin- joz en 1977. Le 8 juillet, en prenant la parole à son tour, Robert Schwint qui avait la réputation d’être un homme de fermeté n’a pas pu retenir son émo- tion, laissant échapper quelques sanglots en s’adressant à l’assemblée venue à sa rencontre. “Si j’ai été maire aussi longtemps, c’est parce que je croyais en ce métier. Ce n’est pas une simple fonction, mais un sacerdoce. On est à cette place ni pour soi ni pour rouler les mécaniques, mais pour servir une ville pour ce qu’elle est et ce qu’elle doit devenir.” Robert Schwint a témoigné de sa gratitude envers son épouse Simone Schwint qui l’a épaulée dans son quotidien de mai- re. T.C.

Besançon doit beaucoup à Jean Minjoz, elle te doit aussi beaucoup. C’est donc un devoir que d’honorer ceux qui ont honoré cette ville. Modestement, j’essaie d’être digne de mes prédécesseurs. Beaucoup d’entre nous ont été conseillers ou adjoints à tes côtés. Je n’imaginais pas qu’un jour je serais celui qui aurait l’honneur de dévoiler ce por- trait” a déclaré Jean-Louis Fous- seret. L’heure était à l’émotion et pas aux divergences politiques qui opposent parfois les deux hommes. Robert Schwint n’est pas resté insensible à cet hommage qui venait couronner près de quarante ans de carrière politique. Elle a pris sa source au Russey, une commu- ne du Haut-Doubs où il fut insti- tuteur avant d’en devenir maire. C’est à cette époque, en 1971, qu’il devint sénateur. C’est aussi dans la continuité de sa victoire électo- rale que le Parti Socialiste lui a proposé de se présenter à Besan- çon, ce que Robert Schwint a accep-

rie des maires. La présentation de cet- te peinture a fait l’objet d’une céré- monie le 8 juillet, en hommage à celui qui a occupé la place de premier magistrat de la capitale régio- nale de 1977 à 2001. Un rendez-vous amical durant lequel Jean-Louis Fousse- ret n’a pas manqué de saluer son hôte avec sympathie et reconnaissance. “Tu es de ceux qui ont donné de leur temps pour cette ville. Si

“Je croyais en ce métier.”

Le portrait de Robert Schwint trône désormais dans la salle des mariages à l’hôtel de ville de Besançon, à côté de celui de tous les anciens maires de la ville.

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