Journal C'est à dire 271 - Mars 2021

D O S S I E R

Surveillance

“Les grandes surfaces sont plutôt très attentives à leurs fournisseurs locaux”

La mise en application de la loi Égalim passe aussi par une surveillance des prix et des pratiques com- merciales. Cadre d’intervention et résultats des contrôles effectués dans le Doubs avec Jérôme Beguet, chef du service concurrence à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi.

mentaires. Autre exemple, le rehaussement de 10% du seuil de revente à perte. Ces trois mesures ont pour but de redon- ner de la valeur aux denrées ali- mentaires, de redonner du sens aux prix des produits. Il est nécessaire que les consomma- teurs que nous sommes, aient bien conscience que rien n’est “gratuit”. Une offre promotion- nelle doit prendre en compte le coût des matières premières et le travail de l’agriculteur. Càd : Quel est l’impact sur les prix ? J.B. : Ces mesures ont pu faire craindre une hausse importante des produits concernés et une

C’ est à dire : Comment résumer les orienta- tions de cette loi ? Jérôme Béguet : Suite aux états généraux de l’alimentation en 2017, le gouvernement a fait voter la loi du 30 octobre 2018 dite Égalim qui va dans le sens d’une alimentation plus saine et d’une rémunération au juste prix des producteurs pour qu’ils puissent vivre dignement de leur métier. Càd : Comment obtenir cette reconnaissance ? J.B. : Plusieurs mesures ont été prises afin de rééquilibrer les relations commerciales entre les grandes surfaces et leurs four- nisseurs, souvent en position de faiblesse. Des mesures plus spé-

cifiques favorables aux agricul- teurs ont également été engagées comme la notion de “coût de pro- duction” qui doit intervenir dans les clauses des négociations contractuelles. Càd : Des exemples concrets? J.B. : On peut citer parmi les

“Pour 2020, 37 contrôles ont été réalisés et 3 avertissements ont été rédigés dans le Doubs”, note Jérôme Béguet, chef du service concurrence à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi.

cément s’il a su gérer mieux ses achats…Les promotions exces- sives sont souvent une technique commerciale pour attirer les consommateurs et leur faire dépenser plus sur d’autres pro- duits non remisés. Càd : Comment s’organisent les contrôles dans le Doubs ? J.B. : Ce sont les agents de la D.G.C.C.R.F. qui sont chargés de faire les contrôles. Sur les 55 établissements contrôlés en 2019 dans le Doubs, 30 ont fait l’objet d’avertissements. L’action a été davantage pédagogique car il a

sont souvent choyés par rapport aux grands fournisseurs natio- naux. C’est une affaire d’image de marque, il est toujours valo- risant de mettre en avant le pro- ducteur local. C’est souvent une relation gagnant-gagnant pour les partenaires commerciaux, mais attention, la qualité doit être au rendez-vous. Même si on est dans ce cadre, très sou- vent, dans une relation de confiance entre partenaires, il reste tout de même vivement conseillé de signer un contrat, qui fera loi entre les parties en cas de litige. n Propos recueillis par F.C.

fallu du temps aux magasins de détail pour acquérir les bons réflexes et mettre à jour leurs étiquetages. Pour 2020, 37 contrôles ont été réalisés et 3 avertissements ont été rédigés. Les distributeurs locaux ont finalement plutôt bien intégré la réglementation. Càd : Les relations entre les producteurs locaux et la grande distribution semblent plus équitables ? J.B. : Tout d’abord, il faut bien le reconnaître, les grandes sur- faces sont plutôt très attentives à leurs fournisseurs locaux qui

baisse du pouvoir d’achat des consomma- teurs. En fait, les effets sur les prix ont été modérés, l’inflation constatée sur les den- rées alimentaires sem- ble avoir été très légère. En ce qui concerne les

mesures les plus visi- bles pour les consom- mateurs, la limitation des promotions en valeur dans les grandes surfaces. Il n’est désormais plus possible de faire des promotions au-delà de

“Que le consommateur ait conscience que rien n’est gratuit.”

promotions limitées en valeur, il paraît difficile de tirer des conclusions, Le consommateur a-t-il été vraiment lésé ? Pas for-

34% sur les denrées alimen- taires. Interdiction aussi d’uti- liser le terme gratuit pour des publicités sur les denrées ali-

Le prix du comté indexé sur la satisfaction du consommateur Filière

Souvent cité en exemple, le modèle économique du comté repose sur une interdépendance entre tous les opérateurs où chacun a tout intérêt à tirer le produit vers le haut y compris dans la répartition des marges.

L e comté est soumis aux mêmes règles que les autres filières lait, viande, fromages. “Les prix sont libres, annonce Alain Mathieu le président du C.I.G.C. À partir de là, il faut essayer de créer les conditions pour arriver à un niveau de consentement entre la filière et le consomma- teur qui se traduise par un prix d’achat en toute transparence.” La promesse comté comme il se plaît à le dire, c’est aussi la certitude d’une qualité de pro- duit garantie par le cahier des charges. 60 000 tonnes de comté ont été vendues en 2020 dont 75 % en G.M.S. (grandes et moyennes surfaces). L’export représente environ 10 % du volume. La structuration de la filière participe aussi à la réussite insolente de la plus grosseA.O.P. française. “Chacun, du produc- teur au distributeur, doit tenir ses engagements. Si un maillon est faible, la sanction est immé- diate. Dans cette filière, chacun a besoin de l’autre. Les échanges, les contrôles sont permanents.

achète du comté, le consomma- teur attend aussi que le produc- teur touche une juste rémuné- ration. Cela participe à la pérennité des exploitations. C’est l’assurance que le modèle est durable. Derrière l’acte d’achat, il y a 2 400 fermes à préserver. On pourrait aussi parler des enjeux paysagers, du bien-être animal.” Et l’avenir ? Doit-on s’attendre à une croissance des volumes

L’affineur invite régulièrement les producteurs à suivre l’évo- lution des meules” ajoute Alain Mathieu. Susciter l’envie sans se faire déborder. C’est tout l’enjeu des arbitrages engagés autour de la production. Pour mener à bien cette politique, la filière a créé toute une série d’indica- teurs en termes de production, de stocks. “Cela permet de s’adapter. Quand il y a un dés-

comme on l’a observé depuis 20 ans ? “Non, rétorque Alain Mathieu. La durabilité de la filière tient aussi à ce que le comté n’a pas vocation à nourrir le monde. On se rapproche

équilibre entre l’offre et la demande, on évite de subir, on anticipe les surstocks.” Dans le navire amiral des A.O.P. de la mon- tagne jurassienne, tout le monde rame dans le

75 % écoulés en grandes et moyennes surfaces.

“Le comté c’est une promesse durable et glo- bale de qualité de produit, de rémunération bien-être ani- mal, de pay- sages préser- vés”, résume Alain Mathieu, le président du C.I.G.C. de tous les acteurs, de

même sens commun. Le pro- ducteur se définit lui-même comme un producteur de comté. Ce fromage est attendu par le consommateur, ce qui facilite d’autant plus les négociations entre les affineurs et la grande distribution. La répartition de la valeur ajoutée où chacun s’y retrouve fait aussi partie des attentes sociétales. “Quand il

peu à peu de l’utilisation opti- male des ressources du territoire. On a défini dans le cahier des charges une limite de produc- tivité laitière à l’hectare qui se situe à une moyenne de 3 000 litres par hectare. C’est pour cela qu’il faut continuer à créer de la valeur, à miser sur le poten- tiel touristique du massif.” n F.C.

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