Journal C'est à dire 271 - Mars 2021

D O S S I E R

Les circuits “très courts” de Richard Vauthier Le Russey Boucher au Super U du Russey depuis plus de trente ans, Richard Vauthier se fournit en viande bovine dans des fermes à une quinzaine de kilomètres à la ronde.

“Je perds actuellement 6 000 euros chaque mois sur l’élevage de porcs” Maisons-du-Bois-Lièvremont Face aux fluctuations du prix du porc, Yannick Pourchet du G.A.E.C. de la Ricorne commercialise une partie de sa production en vente directe. Il fonde aussi beaucoup d’espoir dans le projet de contrat de filière entre producteurs, abatteurs-découpeurs et salaisonniers.

Il y a une vraie réciprocité dans ces partenariats” note le boucher du Russey. “Pour nous, c’est très valorisant également. C’est une reconnaissance de notre impli- cation dans notre métier d’éle- veur, et de traiter directement avec Richard nous permet une meilleure rémunération” recon- naît Jean-Marc Monnet. Au total, Richard Vauthier achète ainsi une cinquantaine de bêtes tous les ans à ses agri- culteurs partenaires. “Pour nous, ça semble évident de travailler au plus près de notre territoire. Nos clients, ce sont nos fournis- seurs, et inversement” note Læti- tia Fesselet, directrice générale du Super U du Russey. Les agri- culteurs locaux, eux, vendent leurs animaux environ 20%plus cher que s’ils passaient par un circuit plus long. “Tout le monde s’y retrouve” confirme Jean-Marc Monnet. Les clients dumagasin pourront quant à eux découvrir dans quelques jours leur bœuf de Pâques sur les étals du Super U. Pour RichardVauthier et les époux Monnet, c’est un légitime motif de fierté. n J.-F.H.

P etit carnet à la main, Richard Vauthier observe, puis note scru- puleusement les carac- téristiques des bêtes. Ce jour- là, nous sommes avec lui au

E n janvier 2020, le cours du porc charcutier s’éle- vait à 1,60 euro le kg. Un an plus tard, il retombait à 1,33 euro le kg. S’il n’y a rien de nouveau dans ces fluctuations, les conséquences sont loin d’être négli- geables sur un élevage de porcs avec les truies jusqu’à la vente de porcs charcutiers comme celui du G.A.E.C. de la Ricorne qui travaille avec 150 truies. “On élève chaque année 3 900 porcs char- cutiers et 400 porcelets vendus à 25 kg. 92% des porcs sont commercia- lisés par Les Éleveurs de La Chevillotte” , explique Yannick Pour- chet installé depuis 2011 au G.A.E.C. de la Ricorne où il est associé à son oncle Jean-Michel Pourchet. L’exploitation gère aussi 32 vaches laitières de race montbéliarde, soit une référence de 235 000 litres de lait transformés en comté à la frui- tière de la Seignette. “La filière porc a défini en 2020 un indice de coût de production qui a ensuite été adapté aux spécificités de chaque territoire. En Franche- Comté, cet indice s’établit à 1,80 euro le kg en février 2021 dans un

toutes ses promesses. La confor- mation de cet animal de trois ans (c’est-à-dire son développe- ment musculaire), est parfaite, tout comme son état d’engrais- sement. Richard Vauthier et

contexte de prix de matières pre- mières agricoles élevées” , poursuit l’éleveur en sortant la calculette. Sur la base de 1,33 euro le kg, il convient d’ajouter environ 25 cen- times de plus-value liée à la qualité de la viande et aux I.G.P. saucisses deMorteau et Montbéliard et I.G.P. viande fraîche porc de Franche Comté. “On arrive à un prix d’achat de 1,58 euro le kg avec un coût de production à 1,80 euro le kg. Un porc charcutier, c’est 95 kg de viande, soit un manque à gagner de 20 euros par animal. Sachant qu’on en vend en moyenne 300 porcs par mois, je perds actuelle- ment 6 000 euros chaque mois sur l’élevage de porcs” , récapitule Yannick Pour- chet. Dans ces circonstances, pas d’au- tres choix que de mettre à mal la trésorerie en attendant des jours meilleurs. Lui qui ne pensait pas à son installation proposer sa viande de porc en vente directe, s’est lancé dans l’aventure des cir- cuits courts en 2016 en cherchant des solutions pour aider à la péren- nité de son élevage. “On n’avait guère d’autre choix si on voulait

vivre de notre métier. On est passé du statut d’éleveur à celui de pro- ducteur de viande porcine. On a appris un autre métier. Il faut avoir des compétences en découpe, en commercialisation, dans le rela- tionnel…” Après les particuliers en vente directe à la ferme, le G.A.E.C. de la Ricorne cherche à diversifier ses créneaux de distribution en fournissant des locavors et en se positionnant sur le marché des collectivités. “On approvisionne les collèges et les lycées de Morteau, Pontarlier et des environs. On assure nous-mêmes les livraisons. Cela permet d’échanger. Il y a une vraie relation de proximité.” La vente directe représente aujourd’hui 8 % de volume global de porcs charcutiers élevés à la Ricorne. Les deux associés ont recruté un salarié àmi-temps pour assurer le surcroît d’activité. Sans compter les coups de main occa- sionnels. “En additionnant tout, on est à 3 équivalents temps plein sur l’exploitation. Jeme suis donné jusqu’à la retraite de mon oncle pour sécuriser le revenu sur l’éle- vage porcin.” Cette expérience du circuit court conforte aussi Yannick Pourchet

Jean-Marc Monnet ne s’y sont pas trompés en repé- rant il y a près d’un an le “potentiel” de cet animal. Ce travail de partenariat avec les éleveurs locaux, voilà plus de trente ans que le boucher du Super U le mène. Passionné par

G.A.E.C. de la Plaine à Damprichard, une exploi- tation laitière de 52 hec- tares tenue par Jean- Marc Monnet et son épouse depuis 1995. En complément de leur trou- peau de montbéliardes, les deux associés se sont

“Tout le monde s’y retrouve” confirme Jean-Marc Monnet.

Cette expérience du circuit court conforte aussi Yannick Pourchet.

diversifiés dans les bêtes à viande, de race mixte blanc-bleu et montbéliarde. En cette mati- née neigeuse de mi-mars, RichardVauthier est venu véri- fier que le traditionnel bœuf de Pâques qui sera vendu au Super U du Russey début avril tient

son métier, il visite ainsi régu- lièrement une douzaine d’éle- veurs dans un rayon d’à peine 15 kilomètres autour du Russey, entre Le Bélieu et Damprichard. “À travers ces circuits très courts, notre objectif est aussi de faire vivre les gens qui nous font vivre.

Richard Vauthier, le boucher (à droite)

et venu cher- cher le bœuf de Pâques au G.A.E.C. de la Plaine à Dampri- chard.

“Quel intérêt aurait un jeune de 25 ans, bon techniquement, à s’installer sur une exploitation porcine ?”, interroge le président de la chambre d’agriculture interdépartemen- tale 25-90.

“On doit miser sur la diversification et la création de valeur ajoutée” Chambre d’agriculture

Càd : Le comté reste unmodèle de répartition équitable entre tous les acteurs de la filière ? D.P. : C’est la force d’un système participatif. Dans les filières qui rémunèrent mal, le producteur est juste considéré comme un pro- ducteur de minerai comme c’est

Càd : Votre sentiment sur la loi Égalim ? D.P. : Pour moi, elle est entre le marteau et l’enclume. Il y a des habitudes de fonctionnement au niveau des achats basées sur des enchères dégressives qui ne sont pas remises en cause par la grande distribution. L’idée du président Macron, c’est de construire le prix demarché avant sans pour autant dérégler les choses à Bruxelles. On est en liberté très surveillée pour ne pas dire en confinement intégral. Si l’on veut que les choses évoluent, il faudrait que les pay- sans aient un levier financier dans les mains. La loi Égalim, c’est une baguettemagique.Elle peut impri- mer une tendance. Il ne faut pas simplement en causer,mais agir. n Propos recueillis par F.C.

de 25 ans, bon techniquement, à s’installer sur une exploitation porcine ? C’est dommage, je fais partie d’un drive fermier qui peine à répondre à une demande en viande porcine. Càd : Faut-il restructurer cette filière ?

com’com des Portes du Haut- Doubs. Càd : L’agriculture du Doubs s’en sort plutôt bien ? D.P. : On est sans doute le seul département où il y a autant d’ins- tallations que de départs. Pour arriver à ce niveau, il n’y a pas d’autre choix que de faire de la valeur ajoutée et du cousu main. Cette dynamique se retrouve aussi à travers le projet de la chambre d’agriculture interdépartementale qui s’appuie sur la diversification et la création de valeurs pas seu- lement économiques mais aussi environnementales, humaines… Aujourd’hui, 30 à 40 % des ins- tallations dans le Doubs et le Ter- ritoire de Belfort ont un volet diversification.

Le président de la chambre interdépartementale d’agriculture Doubs-Territoire de Belfort estime primordial de raisonner alimentation et non plus agriculture, de s’engager sur la voie de la qualité et de promouvoir des filières où chacun capte une partie de la valeur ajoutée. Entretien.

un peu le cas dans la filière porc comtois. Quand tu parles et que tu détiens des capitaux dans une filière, on t’écoute, on te respecte. Ce système vertueux

C’ est à dire : L’alimen- tation a pris le pas sur l’agriculture ? Daniel Prieur : Tout à fait. On sent que tous les territoires urbains mais pas seulement s’in- téressent de plus en plus à l’ali- mentation. On ne peut plus se baser sur un schéma agricole. Ce n’est plus une offre poussée mais une demande tirée et quelque part, le bio, le local arrivent en tête de la demande. On sait aussi que les cantines, la restauration

“Ce n’est plus une offre poussée mais une demande tirée.”

D.P. : Il y a des choses à organiser. Il manque un système participatif comme dans le comté. Quand les gens n’ont pas de rémunération, ils arrê-

collective vont se rapprocher des produits locaux. C’est la tendance. La chambre interdépartementale d’agriculture travaille aussi dans cette direction. On est souvent la structure référente pour agir dans le cadre des Projets Alimentaires Territoriaux (P.A.T.) comme on l’a déjà fait à Besançon, Montbé- liard, comme on le fait actuelle- ment à Pontarlier. On a d’autres sollicitations identiques pour déve- lopper les circuits courts avec un P.A.T. qui s’organise au sein de la

donne aussi des résultats probants en matière d’installation des jeunes. Càd : C’est ce qui explique le manque d’attractivité de la filière porcine comtoise ? D.P. : Quel intérêt aurait un jeune

tent. Si les transformateurs exploi- tent une tradition locale en impor- tant la matière, je trouve cela risqué. On ne vient pas dans le comté ou la saucisse de Morteau sans avoir envie de capter de la valeur ajoutée.

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