Journal C'est à dire 271 - Mars 2021
D O S S I E R
Grande distribution
Prix Les répercussions de la loi Égalim L a loi Égalim entrée en vigueur il y a deux ans est censée favoriser l’équilibre
Des partenariats gagnants-gagnants
rait par exemple permettre à un exploitant de sortir un salaire pour un ouvrier agricole. On ne peut pas travailler dans ce sec- teur pour 600 euros par mois pour 70 heures de travail par semaine. Les œufs et les salai- sons fonctionnent bien. Si le producteur est payé par rapport aux coûts de production, cela ruisselle jusqu’à la cour de la ferme et ainsi on peut attirer des jeunes. Càd : Hormis en zone comté, il y a un défi à relever pour assurer le renouvellement des générations s’installe puisse avoir une lisi- bilité sur ses prix et volumes à 10 ans ! Nous sommes en passe de le faire avec une boucherie du Haut-Doubs et un jeune qui doit s’installer. C’est motivant. On a encore des marges de manœuvre. On attend beaucoup de la table ronde avec le prési- dent de la République pour que la viande et le lait soient consi- dérés comme “secteurs proté- gés”. On dit “chiche” , d’autant que nos éleveurs font des efforts dans certains secteurs : ils sont en non-O.G.M. pour le lait. n Propos recueillis par E.Ch. notamment dans la filière porcine où aucun jeune ne ‘est installé en 2019. P.M. : C’est exact. Encore une fois, il faut pouvoir contractualiser pour qu’un jeune qui jusque-là la grande distribution à certains producteurs locaux. Comme les promotions sont pla- fonnées, certains producteurs avec qui les enseignes montaient des opérations commerciales de gros volume ne trouvent plus de débouchés. “Nous faisions des foires aux vins avec des producteurs du Jura qui écou- laient leurs stocks grâce à ces opérations promotionnelles. À cause de cette loi, ces opérations à 50 % de réduction sont dés- ormais interdites et ces produc- teurs-là perdent leurs débou- chés.” Pleine de bonnes intentions, la loi Égalim n’est au final pas tou- jours favorable au consomma- teur qui paiera parfois plus cher, ni à certains producteurs locaux. Selon les responsables locaux de la grande distribution, cette loi Égalim a été avant tout pen- sée pour mieux réguler les rap- ports entre les producteurs et les multinationales, notamment dans le secteur du lait. n
“O n n’a pas attendu que cette question soit à la mode pour favoriser et encourager les relations avec nos fournisseurs et producteurs locaux. Voilà 38 ans que nous le faisons” résume Jérôme Desca- teaux, le fondateur et responsa- ble de l’enseigne Intermarché à Morteau et à Maîche. Pour le représentant local des Mous- quetaires, c’est simplement “une Les partenariats avec les fournisseurs locaux et régio- naux représentent la baga- telle de 10 millions d’euros par an pour une enseigne comme Intermarché-Mor- teau et Maîche.
des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Quelles répercussions locale- ment pour les consommateurs ? Sur le plan local, cette loi n’a quasiment rien changé. Sauf, pour certains produits emblé- matiques comme le Pontarlier Anis par exemple. La vente à marge nulle est désormais inter- dite depuis cette loi. La consé- quence directe a donc été une hausse des tarifs, de l’ordre de 10 %. “Les opérations commer- ciales sont désormais très enca- drées. La loi nous oblige à faire une marge de 10 % au mini- mum” indique la direction d’In- termarché-Morteau avant de préciser : “Mais cette marge-là, on la redistribue sur d’autres produits, comme l’hygiène-santé, afin de toujours rester compé- titifs.” Cette loi a eu un autre effet néga- tif sur les liens qui unissaient
Pour un magasin comme Intermarché- Morteau, les partena- riats locaux représentent près de 200 contrats différents.
seurs locaux avec lesquels l’en- seigne travaille représente un volume de 10 millions d’euros.
est là aussi quand ils ont besoin de nous, poursuit Maxime Des- cateaux, directeur d’Intermar- ché-Morteau. Quand il y a cer- tains surplus de production, on peut les aider à déstocker. C’est une relation gagnant-gagnant que nous instaurons depuis tou- jours et qu’on continuera de valo- riser.” n J.-F.H.
nous ne pratiquons pas de méthode brutale avec ces four- nisseurs-là, nous ne discutons pas des prix comme l’enseigne pourrait le faire avec des grandes marques nationales ou interna- tionales” ajoute M. Descateaux. Pour certains producteurs du Haut-Doubs, la grande distri- bution locale a permis de démar- rer et de se faire connaître. “On
Porc, filière comté, œufs, charcuteries, alcool, miel, volailles et même granulés bois : l’éventail est
question de logique. Faire travailler les producteurs locaux, c’est aussi favoriser l’emploi local” dit-il.
“On est là aussi quand ils ont besoin de nous.”
très large. “Nous sommes en phase avec les recommandations de la loi Égalim dans le sens où
Ainsi chaque année, le chiffre d’affaires généré par Intermar- ché via les quelque 200 fournis-
“Communiquer sur qui est le moins cher, c’est mortifère !” Trévillers
Philippe Monnet, agriculteur à Trévillers et président du syndicat F.D.S.E.A. défend les producteurs locaux. Prochain combat : contractualiser des prix avec les grandes
ment possible, il faut que l’on arrive à nouer ces partenariats car on a la capacité de les fournir grâce à nos coopératives. Nous sommes en passe par exemple de créer un lait de “Franche- Comté” qui sera vendu en brique. Càd : Les paysans sont-ils les oubliés de la loi Égalim cen- sée mieux les rémunérer ? P.M. : Toutes les promesses n’ont pas été tenues. On souhaite que le lait et la viande deviennent des secteurs protégés. Cela évi- terait cette guerre des prix. On
Philippe Monnet, qui est aussi président de la F.D.S.E.A. du Doubs et d’Interporc Franche- Comté, fait rapidement le calcul : l’an dernier, ses coûts de pro- duction ont augmenté d’environ 10%, portés notamment par la hausse des cours du maïs et du blé. Dans le même temps, le prix moyen de la carcasse a chuté de 1,40 à 1,20 euro. La filière s’interroge et cherche de nou- veaux débouchés. Entretien. C’est à dire : Début mars, vous receviez les représen- tants des grandes et moyennes surfaces pour leur demander notamment une meilleure rémunération au paysan. Cette rencontre est- elle suivie d’effets ? PhilippeMonnet : Dans le syn- dicalisme, il n’y a jamais de grand soir mais on sent que les lignes évoluent. Il y a encore cinq ans, l’enseigne Lidl n’avait aucun produit de Franche- Comté dans ses rayons ! Aujourd’hui, elle nous propose de travailler en direct avec elle pour proposer des produits de notre département. Le directeur commercial Lidl France vient dans les prochaines semaines en visite dans le Doubs. Il est intéressé par la viande, le lait, des fromages de Franche-Comté. Les chaînes de magasin ont bien compris que les clients veulent du local. Cela doit nous ouvrir de nouveaux débouchés et des engagements dans la durée. À terme, j’espère le plus rapide-
D ans sa ferme retirée du hameau de la Craute à Trévillers, Philippe Monnet porte deux casquettes. Celle du producteur de lait à comté, un
de Morteau et Montbéliard (12 tonnes par an) dans notre région vit des hauts... et plus souvent des bas car le prix du porc demeure indexé sur la valeur du porc breton.
secteur protégé qui garantit à l’éleveur des rémunérations lis- sées d’une année sur l’autre, et celle de producteur de porcs. La filière porcine bien que portée par les salaisons et les saucisses
aimerait que les dis- tributeurs orientent différemment leur communication sur le local, la santé, l’emploi local. Lorsque les enseignes communi- quent sur “qui est le moins cher”, c’est mor-
“Nos agriculteurs font des efforts, il faut les récompenser.”
tifère pour nous ! Qu’elles fas- sent comme Super U par exem- ple, c’est-à-dire communiquer sur les produits locaux. Càd : N’êtes-vous pas usé de répéter toujours les mêmes discours ? P.M. : Je suis paysan dans l’âme et je reste positif. Quand tu tra- vailles bien, tu dois avoir confiance dans tes produits. Nous avons une filière leader, le comté, qui marche bien. On a des producteurs avec le bœuf comtois qui travaillent bienmais encore une fois, il manque 1 euro sur la carcasse, 1 euro qui pour-
Philippe Monnet est agriculteur porcin et en lait à comté à Trévillers.
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