Journal C'est à dire 271 - Mars 2021
D O S S I E R
PRODUCTEURS LOCAUX, GRANDE DISTRIBUTION, CONSOMMATEURS : QUI SONT LES GAGNANTS ?
s ce ifications en cour ce ification
Votée fin 2018, la loi Égalim était censée améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et favoriser une ali- mentation saine, de qualité, durable, accessible à tous et respectueuse du bien-être animal. Deux ans après son entrée en vigueur, le bilan de cette loi est mitigé. Derrière ces belles intentions, quelle est donc la réalité ? Les agriculteurs du Doubs organisaient récemment une rencontre pour confronter leurs points de vue avec les acteurs de la grande distribution. Dans leHaut-Doubs, comment se nouent les rapports entre les grandes surfaces et leurs fournisseurs locaux. La loi Égalim a-t-elle permis aux consommateurs d’être gagnants ? Tour d’horizon avec les principaux acteurs de la filière, du producteur au distributeur.
Agroalimentaire
“On ne se gave pas sur le dos des agriculteurs”
Au G.A.E.C. des Tilleuls (Val-de-Roulans), la F.D.S.E.A. a invité des représentants de grandes et moyennes surfaces du département pour échanger sur les coûts de production qui augmentent dans les fermes et leur rémunération qui diminue.
de Métro Besançon, Leclerc Houtaud avaient répondu à l’appel. Auchan, Carrefour et Colruyt n’ont pu se dépla- cer. Pour montrer “qu’ils ne sont pas là pour tondre la laine sur le dos des agriculteurs” comme l’image le res- ponsable duU de Rougemont, les Super U rappellent qu’ils sont les premiers à avoir mis en valeur le “Bœuf comtois”, à donner 50 euros de plus par bête pour la viande hachée en 2020, ce qui représente un effort de 850 000 euros. Le représentant de Lidl - qui achète 4 400 bêtes par an - fait une proposition concrète : “Que la grande distribution arrête de faire des promotions sur les produits d’élevage. Quand je vois qu’un litre de lait peut être vendu 55 centimes en demi-écrémé (il est acheté 0,37) en magasin, c’est impossible de bien rému- nérer le producteur. Il faut que la viande et le lait deviennent des secteurs pro- tégés.” Quid des marges ? Le patron de U à Baume-les-Dames a été transparent. Interrogé sur le prix du fromage à raclette label à 13,40 euros du kg dans ses rayons alors que le paysan vend 38 centimes le litre de lait, ce dernier explique qu’il prend 1,8 % de marge à la fin ! C’est peu. “On ne se gave pas sur le dos des agriculteurs. Et on ne rentabilise pas un magasin comme j’ai pu l’entendre sur 7 ans, mais 20 ans !”
L a loi “Égalim” censée rémuné- rer les producteurs en fonction de leurs coûts de production n’a pas “ruisselé” jusque chez les producteurs. “L’éléphant a accouché d’une souris, il manque 1 euro sur une carcasse de viande par exemple. Aujourd’hui un agriculteur comme moi
Doubs avec lesquels il a contractualisé un partenariat. “Avec ces producteurs locaux, je ne discute même pas le prix, j’achète ! À 99,99 % notre relation est excellente. On a demandé aux grandes surfaces (dans le cadre de la loi Égalim) d’augmenter les prix pour que cela ruis- selle chez les paysans. Où est passée
se rémunère 700 euros par mois pour 70 heures de tra- vail” se désole Stéphane Seguin, agriculteur à Mer- cey-le-Grand. Qui se remplit les poches ? Pas les grandes et moyennes surfaces à les écouter.
cette hausse car ce ne sont pas nos magasins qui l’ont prise ? Chez les transforma- teurs ? Je crois que la solution est dans le direct entre le pro- ducteur et nous” dit-il. Sans doute juste comme ana-
“Il faut arrêter ces promos sur les produits de production.”
lyse “mais elle ne permet pas d’écouler le volume” nuance Philippe Monnet, le président de la F.D.S.E.A. du Doubs, qui, en partenariat avec les Jeunes agriculteurs duDoubs, a organisémardi 2 mars au G.A.E.C. des Tilleuls situé auVal-de-Roulans une rencontre avec les représentants de la filière lait et viande et des représentants de grande et moyenne surface. Les Super U de Roche-lez-Beaupré, Thise, Rougemont, Baume-les-Dames, l’Intermarché de L’Isle-sur-le-Doubs,
Le patron de Leclerc à Pontarlier résume assez bien le fossé qui s’est creusé entre ceux qui produisent et ceux qui vendent. “Je suis attristé d’en- tendre dire que les grandes surfaces se “gavent” sur le dos des agriculteurs car ce n’est pas le cas” expose David Hatton. Car lui, comme d’autres établissements, fait le job pour mettre en avant les produits locaux et les rémunérer au juste prix. Il travaille en direct avec 70 producteurs locaux sur le Haut-
Maxime Chapuis (à droite) a accueilli sur son G.A.E.C., la F.D.S.E.A.. Ici Philippe Monnet (accroupi au second plan) en présence de Leclerc, Super U, et Ermitage.
souligne Patrice Mathey. Cette matinée, enrichissante, où le transformateur L’Ermitage était pré- sent, a montré toute la difficulté d’un système entre des producteurs acculés par des coûts de production élevés et
des magasins coincés par les marges. Quant au “tout local”, c’est impossible. N’importe qui ne peut pas débourser une pièce de bœuf label rouge à 30 ou 35 euros le kg. n E.Ch.
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