la Presse Pontissalienne 216 - Octobre 2017

HAUT-DOUBS

La Presse Pontissalienne n°216 - Octobre 2017

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G.F. : Cela ne concerne qu’une minori- té de parties civiles. À titre d’exemple, les parties civiles pour lesquelles j’ai été totalement relaxée n’ont pas déci- dé de faire appel. Ensuite, pour les deux seules parties civiles qui ont fait appel, je ne peux pas parler à leur pla- ce, mais j’avoue ne pas comprendre leurs motivations. Le jugement est très clair sur ce point : il précise en effet que “les demandes dirigées contre […] un fonctionnaire n’ayant commis aucu- ne faute détachable du service relè- vent de la compétence du tribunal administratif.” C’est ainsi depuis 1790. Ils se trompent manifestement de juri- diction. La seule chose qui pourrait ressortir de cet appel, c’est de la mau- vaise publicité au centre hospitalier. Les personnels de l’hôpital n’ont pas besoin de cela mais de sérénité et de soutien dans un travail éprouvant au quotidien. L.P.P. : Tourner la page de Pontarlier sera dif- ficile ? G.F. : J’aspire à retrouver une vie fami- liale et professionnelle normale. La pression dont je fais l’objet n’aide pas. Le Centre hospitalier de Pontarlier reste toutefois un excellent souvenir professionnel. Les équipes et les agents sont remarquables. L.P.P. : Pensez-vous que le contexte de l’époque lié au déficit financier a été oublié ? G.F. : J’ai travaillé aumieux pour redres- ser cet établissement. Je n’attends rien. En revanche, je tiens à remercier tous ceux qui m’ont témoigné leur amitié et leur soutien : agents, médecins, patients, élus. J’ai pu traverser cette épreuve grâce à eux. Je n’oublierai pas leurs gestes. n Propos recueillis par E.Ch.

L.P.P. : Comment allez-vous après cette déli- cate période ? G.F. : Je vis comme toute personne qui a subi une condamnation pour des faits qu’elle n’a pas commis. Même si la pei- ne est symbolique et qu’elle est diri- gée uniquement contre la “responsable légale de l’établissement”. Même si ce n’est pas ma personne qui est visée. Je le vis mal. Encore une fois, il n’y avait pas d’amiante. Nous n’avons pas failli et nous n’avons exposé person- ne. Je tente de me reconstruire après ça. Si je n’ai pas fait appel, c’est que tout simplement je n’ai pas souhaité infliger une nouvelle épreuve à ma famille. Celle-ci a été suffisamment éprouvée par cette procédure qui a été longue et douloureuse puisque j’ai été entendue pour la première fois par la police en juin 2013 : 4 ans d’épreuve et d’étalage médiatique souvent infa- mant… L.P.P. : Quelle est votre fonction aujourd’hui ? Votre avocat avait évoqué qu’une condam- nation ruinerait votre carrière ? G.F. : J’ai quitté la fonction publique hospitalière et la région Bourgogne- Franche-Comté. La pression média- tique et les nombreux articles dont la plupart contiennent des éléments erro- nés me font effectivement du tort et ne me permettent aujourd’hui pas de travailler dans des conditions nor- males. Je souhaite pouvoir travailler dans la sérénité comme tout un cha- cun. J’envisage une reconversion. Je suis chargée de famille et j’ai deux jeunes enfants qui ont besoin que leur mère travaille pour vivre. Je souhai- terais juste que l’on respecte cela. L.P.P. : Comment interprétez-vous l’appel des parties civiles ?

JUSTICE

Procès de l’amiante à l’hôpital

“Cette décision est injuste et incompréhensible” L’ex-directrice du C.H.I. de Pontarlier Gaëlle Fonlupt se confie après la décision du tribunal de Besançon de la condamner pénalement pour mise en danger de la vie d’au- trui. Une amende avec sursis, au même titre que l’hôpital.

L a Presse Pontissalienne : Le tribunal de Besançon vous a, le 8 septembre, recon- nu coupable de mise en danger de la vie d’autrui et prononcé une amende délictuelle de 5 000 euros et une contractuelle de 3 000 euros, avec sursis. Pourquoi n’avoir pas fait appel de cette décision ? Gaëlle Fonlupt : J’avais décidé que je ne ferais pas appel avant même l’audience sauf à y être contrainte par un appel du Parquet. Cela ne signifie pas que je suis d’accord avec le jugement. En effet, il n’y avait pas d’amiante dans les dalles en question comme nous l’avons démon- tré au cours de l’audience, certificat du constructeur à l’appui alors même que le Parquet n’a pas su démontrer qu’il y en avait. Je rappelle que nous par- lons du plafond de deux salles de bains communes, soit 60 m2… Deux expertises (qui ont été réalisées par des cabinets d’expertises certifiés avec à chaque fois trois échantillons pour le sol et pour le plafond) indi-

quaient qu’il n’y avait pas d’amiante dans ces dalles de faux plafonds, mais qu’il y en avait en revanche dans la col- le du sol. Une troisième expertise, réa- lisée sur la base d’un seul prélèvement pour le plafond et un seul pour le sol, indiquait qu’il y en avait dans les dalles de faux plafonds mais soudainement plus dans le sol ! Le sol n’était pas concerné par ces travaux, ayant été préalablement recouvert. Selon nous, il y a eu une inversion d’échantillon : il n’y avait pas d’amiante dans les dalles qui ont été retirées je le rappelle par le seul ingénieur travaux qui était dûment protégé (combinaison,masque, gants). Nous sommes allés demander au constructeur (Armstrong) de nous renseigner sur les composants exacts des dalles concernées et la réponse a été écrite et formelle : Armstrong n’a jamais mis d’amiante dans ce modèle de dalles de faux plafonds !

Gaëlle Fonlupt, ex-directrice de l’hôpital de Pontarlier (photo archive L.P.P.).

L.P.P. : Le tribunal n’a pas retenu l’argumen- taire… G.F. : La charge de la preuve a été inver- sée et notre argumentation n’a pas été prise en considération par le tribunal. Cette décision est pour moi injuste et incompréhensible. L.P.P. : Vous pensez aux salariés ? G.F. : Ce qui m’importe le plus, c’est de savoir que personne n’a été exposé. Je ne pourrais pas vivre en ayant le sen- timent contraire.

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