La Presse Bisontine 234 - Décembre 2021
34 Économie
La Presse Bisontine n°234 - Décembre 2021
SOCIAL
Les démissions s’enchaînent A.D.A.P.E.I. : les exclus du Ségur La grande majorité des 2 000 salariés
hôpitaux, des E.H.P.A.D. et les aides à domicile ont été égale- ment revalorisées dernièrement. Seuls les professionnels qui s’oc- cupent des personnes en situa- tion de handicap dans nos struc- tures du secteur privé non lucratif ne sont pas concernés. Nous avons été oubliés” synthé- tise Franck Aigubelle, le direc- teur général de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs. Aujourd’hui, une infirmière recrutée à l’hôpital gagne 500 euros de plus par mois com- paré à son homologue qui tra- vaille dans une structure A.D.A.P.E.I. “Comment espérer recruter dans ces conditions ?” interroge José Gomès. L’union nationale des A.D.A.P.E.I. a lancé une pétition sur la plate- forme “Change.org” afin de faire pression sur le gouvernement au moment où démarrent les discussions sur le projet budget de la Sécurité Sociale. “Nous souhaitons une revalorisation équivalente de 183 euros nets
de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs sont exclus des mesures de revalorisation des salaires issues du Ségur de la santé. Résultat : la pénurie d’emplois va s’aggraver.
R ien que dans les struc- tures de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs, 72 offres d’emploi sont actuelle- ment à pourvoir. Et la situation ne risque pas de s’améliorer. “C’est une pénurie inédite de personnel. Sur le plan national, 65 000 postes ne sont pas pour- vus au sein du secteur médico- social. À l’échelle régionale, 370 postes sont vacants et dans les structures du Doubs, 72 offres d’emploi ne trouvent pas pre- neurs” résume José Gomès, le président de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs qui emploie au total 2 000 salariés et accompagne 3 600 personnes en situation de han- dicap. Le manque d’attractivité des métiers du médico-social n’est
pas nouveau. Ce qui l’est en revanche, c’est l’écart qui se creuse entre les professionnels de nombreuses structures de l’A.D.A.P.E.I. et d’autres qui travaillent à l’hôpital et en
Franck Aigubelle, directeur général, José Gomès, président et Nicole Gauthier, administratrice de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs.
E.H.P.A.D. depuis ce fameux Ségur de la santé signé l’an dernier à l’échelle nationale et qui a contribué à revaloriser les professionnels de santé qui ont tous vu gonfler leurs fiches de paie de 183 euros nets mensuels. “Ces revalorisations concernent donc les personnes des
“À métier égal, il est normal d’avoir un salaire égal.”
égal” ajoute le directeur général. Le coût de l’extension du Ségur à l’ensemble des professionnels concernés dans ces filières socio- éducatives et paramédicales serait de 3,5 millions d’euros par an pour l’A.D.A.P.E.I. du Doubs, une somme évidemment qu’elle ne pourrait pas assumer seule. “C’e st aussi une question de dignité pour les personnes en situation de handicap car cette pénurie de main-d’œuvre
leur est évidemment préjudicia- ble” complète Nicole Gauthier, administratrice de l’A.D.A.P.E.I. Depuis le premier semestre 2021, 45 % des départs de l’A.D.A.P.E.I. sont des démis- sions de personnels qui préfè- rent rejoindre des établisse- ments inclus dans le périmètre du Ségur de la santé. L’A.D.A.P.E.I. du Doubs tire la sonnette d’alarme. n J.-F.H.
mensuels pour tous nos profes- sionnels. À peine 15 % de nos personnels doivent être concernés par ce coup de pouce à partir de janvier prochain. Ce sont essentiellement les infirmières et aides-soignantes du secteur enfance-adolescence financé par l’assurance-maladie, mais des centaines d’autres sont exclus du dispositif, nous dénonçons cette iniquité. À métier égal, il est normal d’avoir un salaire
ILLUSTRATION
Un établissement qui passe sous les radars L’unité de vie de Gilley ne veut pas être oubliée
Cette structure d’accueil de personnes pagées dépendantes située dans le Haut-Doubs est pour l’instant totalement exclue du Ségur de la santé qui a offert à de nombreux autres professionnels de la santé et du médico-social une revalorisation salariale. Ses salariés dénoncent une injustice.
nous avait parlé d’octobre, puis de jan- vier et là on nous a laissés entendre que le dossier était refermé” note Christelle. Les courriers envoyés à leur hiérarchie et à la députée Annie Genevard n’ont pour l’instant eu aucun effet. “Nous allons à nouveau écrire à Christine Bouquin la présidente du Conseil dépar- temental, àAnnie Genevard la députée, et nous préparions également un courrier que nous enverrons à Brigitte Bourgui- gnon, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie.” Certaines autres catégories de person- nels devraient portant intégrer le péri- mètre du Ségur en janvier prochain (voir notre article ci-dessous), mais pas d’autres. Les professionnels de Gilley craignent ainsi que cette future diffé- rence de traitement apporte un peu plus de confusion parmi le personnel. “C’est sans parler des questions de recru- tement. Qui va venir travailler dans notre établissement s’il est exclu du Ségur ?” se demandent ces trois pro- fessionnelles qui doivent déjà composer fréquemment avec des intérimaires pour combler la pénurie de personnel. Les trois professionnelles se plaisent beaucoup à Gilley et s’investissent sans faille dans leurs métiers respectifs. Mais elles ont l’amer sentiment d’être ignorées en travaillant dans une struc- ture qui semble passer sous les radars de l’administration centrale. “On n’est en guerre contre personne, on veut juste ne pas être traitées différemment des autres !” clament-elles. n J.-F.H.
peine ces derniers mois et peut même se tar- guer ne n’avoir enre- gistré aucun cas de Covid parmi ses rési- dents. “On a l’impres- sion qu’on nous punit d’avoir bien travaillé… ” ajoute Fabienne qui ne cache pas son dépit. La douzaine de salariés de l’unité de vie de Gil- ley s’occupe d’une quin- zaine de résidents : 10 personnes âgées dépen- dantes et 5 personnes handicapées vieillis- santes. En plus, sur la
sations de salaires dont ont bénéficié la plupart des personnels de santé et de la sphère médico-sociale en France. Mais ici à Gilley, elles ne voient rien venir. Et c’est pour ça que ces trois pro- fessionnelles se battent, au nomde leur collègue et pour une équité de traite- ment par rapport à leurs homologues travaillant dans d’autres structures. “On a été englobés dans l’A.D.A.P.E.I. un peu par hasard et on est la seule structure sanitaire au sein de l’A.D.A.P.E.I. Et le fait d’être géré par l’A.D.A.P.E.I. nous exclut du périmètre du Ségur de la santé. Nous nous sentons flouées” résume Catherine. La petite équipe de l’unité de vie de Gilley n’a pourtant jamais ménagé sa
E lles s’appellent Catherine, Fabienne ou Christelle (des pré- noms d’emprunt ont été choisi pour préserver leur anonymat). L’une est infirmière, l’autre aide-soi- gnante et la troisième est cuisinière, toutes trois employés par l’unité de vie “La Combe fleurie” à Gilley. Cette struc- ture est une P.U.V., comme petite unité de vie. Créée en 1993, elle a tour à tour
été sous la responsabilité des Salins de Bregille, puis de la Mutualité Fran- çaise Doubs, avant de passer sous la responsabilité de l’A.D.A.P.E.I. duDoubs en 2014. Ni E.H.P.A.D., ni établissement de soins, cette unité de vie effectue pourtant tous lesmêmes soins que d’autres struc- tures qui sont, elles, concernées par le Ségur de la santé et par les revalori-
Elles se battent pour une équité de traitement.
douzaine de salariés, trois sont actuel- lement suspendus car non vaccinés. Pour ces professionnelles qui continuent à travailler, c’est donc la double peine car elles doivent pallier l’absence des autres sans cette reconnaissance à laquelle elles estiment avoir légitime- ment droit. “Ce Ségur de la santé a créé de vraies inégalités entre les établisse- ments qui sont financés par l’A.R.S. et ceux qui sont financés par le Conseil départemental qui ne dispose pas des dotations pour nous faire bénéficier des augmentations de rémunération déci- dées dans le cadre du Ségur.Nous vivons cette situation comme une vraie injus- tice” poursuit Catherine. “Le pire, c’est que nous sommes dans le flou total. Personne ne parvient à nous donner des informations plus précises, même pas la direction de l’A.D.A.P.E.I. On
À l’unité de vie de Gilley, on n’a enregistré aucun cas de Covid depuis le début de la crise sanitaire.
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