La Presse Bisontine 234 - Décembre 2021

Le dossier 23

La Presse Bisontine n°234 - Décembre 2021

l Bilan Le compte n’y est pas Les vrais chiffres du trafic sur la ligne

La situation actuelle La desserte T.G.V. 2021 depuis la gare de Besançon Franche-Comté T.G.V.

Région

Principales gares

Fréquence prévue un mardi d’avril

Île-de-France

Paris Metz

6 A.R. 3 A.R. 12 A.R. 5 A.R. 12 A.R. 5 A.R. 3 A.R. 1 A.R. 1,5 A.R.

comptabilisés sur la L.G.V. Sud- Est en sortie de Paris ! Quant au seuil de rentabilité d’une L.G.V., il a été évalué par laCour des comptes européenne à 9 millions de voyageurs par an, et au moins 6 millions l’an- née de son ouverture. “Il n’est pas atteint ici” constate la mis- sion. Pour sa défense, la S.N.C.F. avance plusieurs arguments : une augmentation de 15 % du coût du projet, de 2,312 à 2,650 milliards d’euros, “due pour 40 % à des travaux non prévus initialement et à 60 % à une inflation des prix des tra- vaux plus rapide que prévu” analyse l’opérateur. Deuxième justification : un gain de trafic nettement plus faible que celui qui était attendu aux termes des évaluations. Sont pointés notamment une offre réduite à l’international, des temps de parcours encore trop longs et une tarification peu incitative… Et enfin une offre T.G.V. nette- ment inférieure à ce qui était prévu au terme des études préa- lables à la décision d’approbation ministérielle, soit huit allers retours par jour (3,5 sur l’axe radial, 4,5 sur l’axe Nord Sud) en moins que prévu. En fin, la gare de Besançon Franche-Comté T.G.V., reliée par navette ferroviaire à la gare historique de Besançon Viotte, n’apporte pas selon leministère “un gain de temps significatif sur la relation entre le centre- ville de Besançon et Paris. En revanche, elle a permis pour les Bisontins une intensification de l’offre, à quarante relations quo- tidiennes aller retour avec Dijon et quinze avec Paris au prix d’une correspondance au maximum, via la gareT.G.V. ou par la ligne historique via Dole” tempère ce rapport qui conclut, sévère : “Menacée aujourd’hui par l’ato- nie du trafic, la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône ne doit pas entrer dans la spirale de l’échec. Elle doit être inspirée par une vision stratégique claire et réa- liste de ses potentialités, qui sont réelles, et dirigée selonun schéma plus convaincant. Elle ne doit plus être la variable d’ajustement des grilles horaires dans le grand quadrant oriental de la France. La priorité est aujourd’hui à la conception d’un service plus lisi- ble, s’inspirant des principes de cadencement qui ont fait leurs preuves en France comme à l’étranger.” Aux yeux de lamission, une des raisons de la faiblesse de la demande est la conception peu lisible des grilles horaires et une multiplication excessive des arrêts intermédiaires, source de lenteurs préjudiciables à l’at- tractivité de la ligne. n J.-F.H.

Un récent rapport des services du ministère des Transports pointe du doigt “l’atonie du trafic, et la réduction progressive, depuis 2015, de l’offre de service.” Nous en publions de larges extraits. Dix ans après la mise en service, le juge de paix est sévère.

Grand Est

Mulhouse Strasbourg

Bourgogne-Franche-Comté Auvergne-Rhône-Alpes Provence-Alpes-Côte d’Azur

Dijon

L e document est tout récent, il date de juin dernier. Il est intitulé “Avis duC.G.E.D.D. sur le bilan de la Ligne à Grande Vitesse Rhin-Rhône - Branche Est”. Par C.G.E.D.D., il faut entendre Conseil général de l’environnement et du dévelop- pement durable, un service cen- tral qui dépend duministère de laTransition écologique. Diffé- rents aspects de la ligne ont été étudiés. En voici les principaux. Le trafic voyageurs d’abord qui est l’objet selon le Conseil, “de nombreuses évaluations discor- dantes.” Dans les évaluations initiales de S.N.C.F. Réseau, la ligne nouvelle était censée drai- ner un trafic voyageurs de 12,1 millions de voyageurs par an cinq ans après sa mise en service, c’est-à-dire fin 2016, soit une augmentation espérée de plus de 2 millions de voya- geurs an par rapport à la situa- tion antérieure. Il était prévu selon les spécialistes que le T.G.V. capte 20%du trafic voya- geurs, tous modes confondus. Or, dans le premier bilan d’ex- ploitation qu’elle a rendu, en 2013, S.N.C.F.Voyages fait état d’un saut de 8,8 millions de voyageurs par an en 2011 (avant mise en service de la ligne) à 9,4 en 2012, dont 5,6 sur l’axe radial et 3,8 sur l’axe Rhin- Rhône, et 1,7 à l’international. Le premier bilan d’activité pré- senté aux médias par S.N.C.F. trois ans après lamise en service de la ligne, faisait état de seu- lement 9,5millions de voyageurs par an en moyenne, dont 55 % sur l’axe radial Est-Ouest, et “ d’une exploitation qui reste défi- citaire sur les deux routes” pré- cisait l’opérateur ferroviaire. Ce bilan est riche d’enseigne- ments, notamment que l’axe radial (Besançon-Paris ouDijon- Paris) est nettement plus emprunté par les professionnels (25 % du trafic) que l’axe Rhin- Rhône (15 %). Autre enseigne- ment : ce qu’on appelle “les bolides”, ces trains qui font un long parcours sans s’arrêter dans les gares intermédiaires, ont déçu : les deux allers et retours bolides entre Strasbourg et Lyon n’ont accueilli en moyenne qu’une centaine de voyageurs par train, soit un taux de remplissage inférieur à 25%et curieusement, “la clien- tèle professionnelle est encore plusminoritaire dans les bolides (8 à 11 %) qu’en moyenne sur

Lyon Part-Dieu

l’axe ” souligne le rapport. Dans une autre présentation offi- cielle à ses diffé- rents parte- naires, la S.N.C.F. faisait état d’un peu moins de 1 000 clients par jour voyageant au sein de laMétro- pole Rhin- Rhône, soit 11 %

Marseille

Nice

Occitanie

Montpellier Saint-Roch Montpellier Sud de France Francfort (Allemagne) Luxembourg (Luxembourg)

1 R.

Étranger

1 A.R.

“La S.N.C.F. annonçait “56 T.G.V. sur le Rhin- Rhône.”

2 A.R. Source S.N.C.F.

l Trois questions à… Michel Neugnot “Il est difficile d’être au niveau de ce qui était prévu au départ” Le premier vice-président de la Région en charge des transports reconnaît à demi-mot le manque de pertinence de la ligne actuelle. Et pousse pour poursuivre les travaux après Belfort.

du trafic total des T.G.V. circu- lant via la Métropole Rhin- Rhône. Le C.G.E.D.D. en déduit logiquement qu’environ 9 000 voyageurs par jour emprunte- raient la L.G.V., soit un peu plus de 3 millions de voyageurs par an : “On est là très loin des 10 millions de voyageurs an comptabilisés plus haut” notent les experts du Conseil pour les- quels ce dernier chiffre paraît néanmoins “plausible” disent- ils. En effet, “les états qui pré- cèdent comptabilisaient au titre de “Rhin-Rhône” des liaisons Paris-Dijon ou Paris-Lausanne qui n’empruntent à aucun moment la L.G.V. éponyme et ne sauraient donc être qualifiées de “Rhin-Rhône.” S.N.C.F.Mobi- lités a confirmé à la mission avoir pourtant incorporé leurs voyageurs dans la comptabili- sation du trafic de “Rhin-Rhône” ayant abouti au chiffre de 9,4 millions de voyageurs par an” concluent les spécialistes du ministère. Le nombre d’allers-retours a également été étudié par la récente mission ministérielle. Alors que 20 allers et retours par jour seulement emprun- taient la L.G.V. en 2016, S.N.C.F. annonçait “56T.G.V. sur le Rhin- Rhône pour 39 villes desservies.” Plus récemment, S.N.C.F. Réseau a annoncé un autre chif-

L a Presse Bisontine : La branche Est de la L.G.V. est toujours incomplète, côté Dijon comme côté Mulhouse, dix ans après la mise en service de la ligne. Que doit-on attendre aujourd’hui ? Michel Neugnot : Côté Dijon-Genlis, ce maillon est enterré car il ne présenterait que des désavan- tages et notamment il risquerait d’éviter le passage par Dijon. Or, actuellement, le gros du tra- fic de cette ligne est entre Dijon et Paris. L.P.B. : Que faut-il attendre dix ans après la mise en service de la ligne sur son éventuelle poursuite ? M.N. : Le Comité d’orientation des infrastructures dépendant du ministère des Transports, dont je fais partie, a été officiel- lement mandaté par le ministre

Djebbari pour continuer les études. D’ici la fin de l’année ou le tout début de l’année pro- chaine, un avis sera rendu sur la terminaison des 35 km de ligne entre Petit-Croix et Lut- terbach. La présidente de l’as- sociation Trans Europe T.G.V. Marie-Guite Dufay a fait un tra- vail formidable pour tenter de diminuer le coût prévisionnel de cette section estimée au départ à 850 millions d’euros. Ce dossier devrait être, on l’es- père, prioritaire. L.P.B. : Comment jugez-vous la perti- nence de cette L.G.V. dix ans après sa mise en service ? M.N. : L’équilibre de cette ligne ne peut être jugé que dans sa globalité. Côté Belfort, on est limité sur l’actuel axe non-T.G.V. par un trafic déjà très dense.

Tant qu’il n’y a pas la continuité et que cette branche Est n’est pas terminée après Belfort, il est difficile d’être au niveau de ce qui était prévu au départ. Une chose est certaine : la Région va se battre pour que les travaux soient repris avant la fin de ce mandat, en tout cas que ce dossier soit remis sur les rails avant la fin du mandat. Une étude de 400 000 euros financée à hauteur de 100 000 euros par la Région B.F.C. va passer dans notre assemblée à la prochaine com- mission permanente de décem- bre. J’ai toujours cru en la ter- minaison de ce barreau et je continue à y croire. En matière ferroviaire, il ne faut jamais oublier qu’on est dans le temps long… n Recueilli par J.-F.H.

fre contradictoire dans le dossier du débat public de la Voie Ferrée Cen- tre EuropeAtlan- tique (V.F.C.E.A.) : 4,580 millions de voyageurs an sur l’axe Rhin-Rhône. “La réalité rejoint ce constat pessi- miste” constatent les experts du ministère : on est loin des 40 mil- lions de voya- geurs par an

“La réalité rejoint ce constat pessimiste” constatent les experts.

Michel Neugnot, le M. Transports du Conseil régional, travaille avec Marie-Guite Dufay à la terminaison du barreau manquant entre Petit-Croix et Lutterbach.

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