Le Doubs Agricole 44 - Novembre 2024
“La filière connaît une inflexion à ce stade qui ne remet pas en cause ses fondamentaux solides construits sur un modèle économique résilient”, analyse Philippe Marmier, directeur engagements et agriculture au Crédit Agricole Franche-Comté (photo D.R.).
LDA: Diriez-vous que les prix de cession doivent être revus à la bais se? PM : Ce n’est pas la banque qui fixe le prix des reprises. Si globalement les transmissions se passent bien, on commence à voir des installations qui ne vont pas au bout, non pas du fait de la banque, mais des jeunes agri culteurs eux-mêmes qui renoncent pour des conditions de reprise qui ne remplissent pas les critères de reve nus disponibles. Nous sommes atten tifs à ce que les hypothèses du busi ness plan d’installation soient raisonnables et dotées de marges minimales de sécurité dans un envi ronnement volatile. Il faut regarder les exploitations comme des entreprises. L’exploitant doit avoir la posture d’un chef d’entreprise et pour cela intégrer dans son business plan des accidents de parcours, notamment climatiques et sanitaires. Nos règles n’ont pas changé et nous n’avons pas de rai sons de changer les critères d’octroi. Si on voulait résumer ce qu’est le bon prix pour la banque, c’est celui qui permet au jeune agriculteur de rem bourser sa dette d’acquisition et ses investissements incontournables tout en dégageant un revenu décent de son travail. Si l’on s’écarte trop des règles de bon sens, les conséquences peuvent être pénalisantes non seule ment pour le jeune agriculteur mais pour tout l’écosystème comme sa coopérative qui subira une pression haussière sur le prix du lait. Les banques sont parfois accusées d’être timorées ou à l’inverse d’entretenir un système inflationniste en prix. LDA: Est-ce que cela signifie que cela remet en cause la dynamique de l’installation dans la filière com té? PM : La filière connaît une inflexion à ce stade qui ne remet pas en cause ses fondamentaux solides construits sur un modèle économique résilient. Elle apporte au contraire par son cahier des charges et sa maîtrise de l’offre, une véritable sécurité et une visibilité dans le temps aux jeunes qui s’ins tallent à la différence de beaucoup comté”
d’autres filières, comme les céréales cette année, qui connaissent des trous d’air beaucoup plus sévères et dan gereux pour la pérennité des exploi tations. Il en résulte donc pour le ban quier l’espoir d’une trajectoire économique stable compatible avec des crédits d’installation d’une durée
nable pour les femmes et hommes qui dirigent les exploitations et les fruitières afin qu’ils disposent d’une culture éco nomique et de gestion renforcée pour relever les nouveaux défis. Enfin, le sujet de la compétitivité des exploitations agricoles et de leurs outils de trans formation doit rester une priorité, y com pris dans des filières d’excellence com me celles de nos A.O.P. qui doivent conserver cet atout d’être en capaci té de dégager des marges. Pour conclu re, nous dirions que tous les acteurs ont un challenge d’adaptation à condui re mais, à date, les ventes restent dyna miques. Le socle solide sur lequel s’ap puie cette filière ne condamne pas à l’urgence dans l’action, ni à remettre en cause ses fondamentaux. L’histoi re a démontré que l’interprofession sait trouver des solutions par la puissance du collectif et la recherche de com promis, c’est la meilleure des garan ties pour la banque. n Propos recueillis par F.C.
LDA : Y a-t-il d’autres voies à votre sens pour continuer à consolider cette filière? PM : On a beaucoup parlé de la par tie chiffre d’affaires et des revenus qui vont connaître un palier. Afin de mieux traverser ces moments, il convient d’ac tionner d'autres leviers et de revisiter
longue. Enfin, rappelons que la filière comté ne connaît pas à date “un choc de la demande” avec une chute de ses ventes mais plutôt un excès d’offre “tempo raire” avec un mix pro
les modèles, d’optimiser les systèmes et les charges, de surseoir ou d’arbitrer certains inves tissements. L’autre enjeu consiste à renforcer les efforts autour des modèles d’exploitations
“Le sujet, à court terme, est d’assurer un atterrissage en douceur.”
duit (jeunes-vieux fromages) qui doit être rééquilibré ainsi que le mécanis me qui a produit ce décalage. L’en gouement et la passion des jeunes producteurs de comté, morbier, mont d’or n’ont jamais été démentis et n’ont pas de raison de s’inverser, tout com me l’accompagnement bancaire de leur installation.
plus autonomes comme avec les éner gies renouvelables, de maîtriser les sujets de gouvernance (G.A.E.C.), de renforcer la prise en compte des attentes sociétales et, plus largement, sur tous les facteurs qui peuvent conduire à la pérennité de l’entreprise. La résilience d’une filière doit pouvoir s’appuyer sur une dimension formation incontour
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