La Presse Pontissalienne 280 - Mai 2023

22 Le dossier

La Presse Pontissalienne n°280 - Mai 2023

l Syndicats LaC.G.T. “Pour être bien traitants, il faut être bien traité” La C.G.T. se félicite du bon niveau d’activité en chirurgie et à la maternité. Pour autant, il ne faudrait pas que cela devienne l’arbre qui masque la forêt de difficultés qui pèsent sur le personnel. L’espoir demeure, mais jusqu’à quand ?

P ascal Ramboz, l’un des délé gués C.G.T. au C.H.I.H.C. est un rien désabusé. “Après le Covid, les soignants s’atten daient à une remise à plat du système de santé. Cela a généré un immense espoir pour ceux qui restaient. Malheu reusement, les accords du Ségur ont juste rattrapé 20 ans sans augmentation salariale ou si peu. Le refus sur l’âge

de la retraite a été le coup de massue en sachant que l’espérance de vie d’un soignant est inférieure de 10 ans à la moyenne nationale.” Quelques chiffres pour comprendre le malaise. Un jour férié travaillé, c’est une prime de 40 euros. Les heures de nuit sont valorisées seulement 2,14 euros de l’heure de plus qu’en jour née. Lydie Lefebvre, également déléguée

syndicale, constate que le stress au travail s’amplifie depuis 7 ou 8 ans. “Il ne se passe pas un jour sans qu’on reçoive un appel de soignant en souf france physique ou psychologique. On note aussi une recrudescence des agres sions des familles mais aussi des agres sions entre agents.” Et Pascal Ramboz d’ajouter : “Pourêtre bien traitants, il faut être bien traité, ce qui n’est pas le cas de nombreux agents en situation d’insécurité sociale.” La C.G.T. reproche à la direction des ressources humaines d’être coupée des réalités quand il s’agit de récompenser les efforts des soignants rappelés en urgence. L’A.R.S. ne donne pas à l’hô pital de Pontarlier les moyens de fonc tionner. Le malaise touche aussi les cadres qui doivent composer avec très peu de moyens pour faire tourner les équipes. “Comme les agents titulaires refusent les conditions, l’hôpital fait appel à l’in térim qui coûte fort cher. La stratégie de l’hôpital repose sur une course aux

actes pour éviter la fermeture de tel ou tel service. Comment faire pour retenir le personnel ? C’est une simple question de valorisation.” Les deux délégués syndicaux estiment que la direction parle d’attractivité au lieu d’agir pour fidéliser le personnel. “Si certains services vont bien, c’est sur tout grâce à la solidarité d’une équipe soudée. L’esprit de service qui a fait des miracles pendant le Covid tend à dis paraître sous une organisation par pôle sans aucune identité. On voudrait déve lopper ce sentiment d’appartenance. Avec un C.H.I.H.C. qui englobe de plus

ments d’agressions, de manque de per sonnel, de dysfonctionnements.” Lesyn dicat s’offusque aussi de la décision de suspendre faute de soignants les hos pitalisations pour motifs sociaux, comme les maintiens à domicile diffi ciles. “Pour nous, c’est très agressif.” Lydie Lefebvre s’interroge sur la mise en place d’une unité de soins de suite intra-muros comme cela figurait dans le projet d’établissement. “Cela per mettrait de pallier le manque de lits aval à la clinique Saint-Pierre.” L’un et l’autre s’inquiètent du nombre assez élevé de démissions : 79 en 2021 auxquels il faut ajouter 15 personnes en disponibilité. “36 % du personnel du C.H.I.H.C. fait des horaires déro gatoires, c’est tout dire !” Pour autant, Pascal Ramboz reste dans son service à l’E.H.P.A.D. de Nozeroy. “J’ai toujours espoir. On se nourrit de la guérison de nos patients, des nais sances, des sourires…” L’amour du métier. n F.C.

en plus d’établissements, on a l’impression d’être dans un système tenta culaire qui ne nous convient pas du tout” , dénonce Pascal Ramboz. Les fiches d’événements indésirables ne multi plient. “On en compte 35 depuis le début de l’an née. Il s’agit de signale

“Le malaise touche aussi les cadres.”

“Les soignants hospitaliers exercent des métiers peu valorisés et souffrent d’un manque de reconnaissance”, estiment Pascal Ramboz et Lydie Lefebvre de la C.G.T.

l Suisse

Coopération transfrontalière Les soins s’arrêtent-ils à la frontière ? Comment s’incarne la coopération transfrontalière dans le domaine de la santé ? Si un accord-cadre a été signé entre la France et la Suisse, le chantier entre les deux pays

reste énorme. Deux problématiques se posent : le recrutement de professionnels et la difficulté de remboursement de soins pratiqués en Suisse pour un Français.

L ors d’un grave accident de la route dans le Haut-Doubs, il n’est pas rare de voir l’hélicop tère suisse de la Rega emporter les blessés vers l’hôpital de Genève ou Lausanne. Un accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière a été signé entre l’Agence régionale de santé et les cantons frontaliers. Entré en vigueur en 2019, il concerne entre autres les secours d’urgence, l’intervention des professionnels de santé, la continuité des soins et la gestion de crises sani taires. “Dans le cadre de l’urgence, le remboursement se fait grâce à la carte européenne de maladie, éclaire Valérie Pagnot, conseillère régionale déléguée aux questions franco-suisses. Etdepuis 2015, des soins volontaires en Suisse peuvent être pris en charge par la C.P.A.M. Mais pour être remboursé, il faut une autorisation préalable de l’as surance maladie. Et elle n’en accorde

tarifs s’explique en partie par le fait que la Suisse a un système de santé privé tandis que la France possède une caisse unique nationale qui fonctionne sur la solidarité. Pourtant, les deux pays se rejoignent sur un point : la dif ficulté pour recruter des professionnels. Dans le cadre de l’accord-cadre, une commission de coopération sanitaire regroupant A.R.S., C.P.A.M., État et les collectivités, et cantons et confédé ration s’est mise en place début décem bre. “On sent bien que tous les métiers du soin sont en souffrance, côté suisse et côté France, observe Valérie Pagnot. L’attractivité des métiers devient un enjeu commun.” La Suisse rencontre les mêmes problématiques qu’en France : épuisement du personnel, désertion du métier, horaires complexes, journées physiquement et psychologi quement éprouvantes… À cela s’ajou tent le vieillissement de la population helvète et une médecine plus onéreuse.

pas car la différence de tarifs est trop importante. Lors d’un accident du tra vail, qui nécessite un transport urgent du travailleur frontalier, l’assurance suisse de ce dernier prend en charge le remboursement. Mais, s’il faut une crise cardiaque au travail, cela est considéré comme une maladie, donc les frais incombent à la

Recrutement difficile des deux côtés de la frontière.

C.P.A.M., qui rembourse selon sa nomenclature. Le coût est énorme, donc le reste à charge est important pour le tra vailleur.” Les élus locaux ont déjà abordé ces difficultés avec la C.P.A.M., sans résultat pour l’instant. La Suisse, avec les États-Unis, est l’un des pays où la santé est la plus chère au monde. Cette différence de

La Suisse compte l’un des systèmes de santé les plus chers au monde.

nariat avec l’A.R.S. et la C.P.A.M., a lancé une étude sur l’offre de santé et les flux de personnels soignants, via l’O.S.T.A.J., l’observatoire chargé des statistiques transfrontalières. Elle devrait être réalisée d’ici la fin de l’an née. n L.P.

“Nous sommes aussi dans un secteur de plein-emploi, il faut compter la concurrence avec d’autres métiers moins difficiles” , relève Valérie Pagnot. Pour tenter d’apporter des solutions et pallier ce problème, arcjurassien.org qui regroupe la Région, l’État et les quatre cantons frontaliers, en parte

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