La Presse Pontissalienne 272 - Septembre 2022
Économie 33
La Presse Pontissalienne n°272 - Septembre 2022
BONNEVAUX L’envolée des charges Le campagnol et la sécheresse se sont invités au G.A.E.C. du Pré Berjon Même si les orages de la fin août ont redonné un coup de vert dans les champs, cette année 2022 restera marquée par un déficit criant d’herbe à la ferme du Forbonnet qui a d’abord subi l’appétit des campagnols puis la sécheresse. La double peine.
L e Haut-Doubs verdoyant, comme on l’aime, est de retour. De quoi redonner de l’appétit aux mont béliardes du Forbonnet qui n’avaient que du foin à se mettre sous la dent depuis le début de la sécheresse. “On peut vraiment parler d’une saison particulière” , annonce Philippe Cuche qui travaille avec son cousin Benoît Cuche au G.A.E.C. du Pré Berjon. Les deux associés tiennent une exploi tation de 95 hectares avec un troupeau de 50 laitières, soit une référence de 385 000 litres de lait.Toute la production est livrée auxMonts de Joux. “On reste une ferme à taille humaine qui laisse à chacun de nous du temps pour tenir d’autres engagements.À titre personnel, je suis aussi pompier volontaire et dis ponible pour des interventions en jour née.” Le prix du lait sur les filières A.O.P. favorise ce confort de travail. Cette
On en est aujourd’hui à 105 tonnes” , souligne Philippe Cuche. Sortez les cal culettes, pour mesurer l’ampleur de la dépense sachant que le cours d’une tonne de foin varie entre 140 et 200 euros la tonne. Les deux exploitants du G.A.E.C. du Pré Berjon n’ont pas attendu l’été 2022 pour réduire la taille du troupeau en limitant progressivement le nombre de génisses. La ferme du Forbonnet n’a pas été confrontée à des pénuries d’eau. “On utilise l’eau du réseau et d’une source qui est vite tarie quand il fait sec. On commence à réfléchir à l’oppor tunité d’avoir une citerne.” Les conditions climatiques et le manque d’herbe se répercutent forcément sur la production. “Comme on fait surtout du lait àmorbier et à mont d’or, on devait commencer à augmenter la production à partir de l’automne. Il manque en moyenne cinq litres de lait par vache et par jour en
dynamique n’est plus forcément d’ac tualité au Forbonnet. L’arrivée du prin temps est marquée par une première menace liée à la reprise du cycle du campagnol. “On partait avec un déficit qui nous a contraints à racheter 80 tonnes de foin et de luzerne. On n’a jamais traité les campagnols car cela représenterait un temps demain-d’œuvre incompatible avec le fonctionnement de l’exploitation.” Les deux associés espèrent alors com penser ces pertes en produisant plus d’herbe sachant que l’essentiel de leur parcellaire est situé sur des zones rela tivement humides. Dumoins habituel lement. Ces efforts qui représentent aussi de l’achat d’engrais n’ont pas été couronnés de succès. La sécheresse a vite eu recours des sols hydromorphes du Forbonnet. Au point qu’il s’avérait nécessaire d’affourager les bêtes depuis le début de l’été. “On a dû en racheter.
Dernière étape sur la tournée sécheresse organisée le 25 août par les instances agricoles du Doubs, Philippe Cuche du G.A.E.C. du Pré Berjon à Bonnevaux a illustré son propos avec une balance où l’on voit que les charges basculent dans le rouge par rapport aux produits.
leur faudra sans doute se remettre en cause face à un contexte qui risque devenir la norme. n F.C.
globalisant.” Et le moral dans tout ça ? De nature plutôt optimiste, Philippe et Benoît Cuche ne s’avouent pas forcé ment inquiets sans perdre de vue qu’il
population, on ne peut rien faire.” La gestion de l'eau et ses nom breuses problématiques, en effet, ne coulent pas de source. n L.P. Pour être clair comme de l’eau de roche : il est facile de se noyer dans ce maelstrom administratif, il est compliqué de nager tous dans le même sens. n Le transfert de la compétence eau va-t-elle se noyer ? En 2015, la loi Notré rendait obli gatoire le transfert de la compé tence eau et assainissement des communes vers les communau tés de communes et les com munautés d’agglomération à compter de 2020. En 2018, cette obligation a été reportée à 2026. “Il y a un déficit de raisonnement collectif de la gestion de l’eau, vitupère Philippe Alpy. On ne peut pas se permettre d’être aussi mauvais que l’on est. L’en semble des décideurs locaux doivent être d’accord sur l’avenir de l’état de la ressource en eau.” Dans son schéma départemental d’alimentation en eau potable du Doubs, le Département note un fort morcellement de la com pétence organisée autour de 297 unités de gestion de l’eau. Cer taines portent la compétence complètement (production, trans fert et distribution de l’eau), d’au tres partiellement.
VILLE-DU-PONT Après la sécheresse de l’été
Depuis l’assec du Doubs en 2018 (photo), une étude toujours en cours chiffre à 80 000 m 3 le volume
Eau secours ! Averti depuis longtemps de la fragilité et des déficits de traitement en eau potable, l’E.P.A.G.E. Haut-Doubs Haute-Loue est en train de réécrire un schéma d’accompagnement de la gestion de l’eau (S.A.G.E.) qui prévoit de gros chantiers. Parmi eux, le Doubs, sa problématique d’assèchement et sa pollution.
d’alluvions nécessaires pour limiter les pertes.
P our Philippe Alpy, prési dent de l’E.P.A.G.E. Haut-Doubs Haute-Loue, président de la C.L.E. (commission locale de l’eau) et membre de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, l’as sec du Doubs est un épiphéno mène. “Dans la gestion de l’eau, on ne peut pas avoir une lecture instantanée, il faut une lecture long terme.” Si une étude, lancée en 2018 et toujours en cours, chiffre à 80 000 m 3 la quantité d’alluvions nécessaires pour reméandrer le Doubs sur la portionArçon-Ville du-Pont, des obstacles se dres sent avant la concrétisation de cette étude. En premier lieu le financier. Mais également la question des ressources enmaté riaux et du stockage des allu vions. “On n’y est pas encore, reprend Philippe Alpy. On ne peut pas dire “on bouche les failles du Doubs et on réduit le
Climat vient conforter le S.A.G.E. “Une année comme celle-ci révèle l’importance de conserver l’eau au plus près des territoires dans un sol karstique” , note Philippe Alpy. Si le dossier a été retenu, il est encore en cours d’examen. Dans l’attente de l’acceptation du programme Life Climat, de nombreuses études sont lancées “pour être prêt à agir quand on aura les financements.” Parmi les pistes avancées, outre le reméandrement du Doubs sur Arçon, celle du barrage du lac Saint-Point refait surface. “Le barrage concourt à stocker de l’eau dans les zones humides, il faut le remettre en fonction” , argue l’élu. Mais à l’heure actuelle, pour éviter que tous ces projets d’en vergure ne prennent l’eau, il faut mener un travail de péda gogie selon Philippe Alpy. “S’il n’y a pas d'acceptabilité de la
lit du Doubs pour le reméan drer.” Le territoire de l’E.P.A.G.E. est vaste, son action ne se résume pas à une seule activité.” Comment garder l’eau sur le territoire ? C’est la probléma tique que le syndicat mixte, regroupant le Département du Doubs et neuf communautés de communes (tout ou en partie), garde toujours en tête. Pour atteindre le bon état des eaux, objectif fixé par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, le territoire de l’E.P.A.G.E. étant la tête de bassin, la collectivité territoriale est en train de réécrire un S.A.G.E., un schéma d’accompagnement et de gestion des eaux, déclinaison locale du S.D.A.G.E. (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, à l’échelle de l’agence de l’eau). Piloté par la C.L.E., il développe deux axes majeurs. Concrètement, comment cela se décline sur le terrain ? “Sur le
sur la quantité et la qualité. Au vu de la fragilité de l’alimenta tion en eau, il faut faire un état des lieux et jouer sur la connais sance des réserves en eau exploi tables et notamment la bonne gestion des unités de gestion” souligne Philippe Alpy. Ce der nier fait appel aux élus, asso ciations, communes, etc pour faire remonter des données. “Aujourd’hui, nous ne sommes qu’à 50% de ce qu’il faut en termes de collecte de données” , regrette-t-il. Il milite d’ailleurs pour le transfert de la compé tence eau des unités de gestions vers des collectivités (voir ci contre). De plus, l’E.P.A.G.E. travaille à l’élaboration d’un programme Life Climat pour la préservation des zones humides, rivières et cours d’eau (ce qu’on appelle le second cycle de l’eau) sur le mas sif jurassien. Outil financier européen, le programme Life
premier cycle de l’eau, qui concerne l’alimentation en eau potable et l’assainissement, il agit sur les flux admissibles. C’est-à-dire comment on traite l’assainissement, quel est le niveau de pollution que l’on accepte dans les rejets agricoles, industriels et domestiques, explique Philippe Alpy. C’est un gros chantier qui va impacter l’économie.” Au préalable, des universitaires du laboratoire chrono-environnement ont tra vaillé pendant deux ans autour du karst. Leurs conclusions sont sans appel : les pollutions impac tent de façon rémanente la roche calcaire et le milieu. Il faut donc réduire singulièrement les pol lutions. “Et c’est d’autant plus difficile avec la baisse du niveau de l’eau” , ajoute le président de l’E.P.A.G.E. Le deuxième axe concerne le plan de gestion des ressources en eau. “Il faut avoir un regard
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