La Presse Pontissalienne 269 - Juin 2022

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L’événement 7

La Presse Pontissalienne n°269 - Juin 2022

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l Association Prosylva Coupe rase : surtout éviter de se précipiter Partisan de la forêt jardinée, l’association Prosylva se refuse à voir dans la coupe rase l’unique solution à adopter face aux scolytes. Elle milite pour une régénération en privilégiant les espèces locales.

Forêt jardinée

volonté économique de récupérer le capital. C’est une option, mais on pense qu’il faut surtout éviter la précipitation. La peur du pire est mauvaise conseillère. Une coupe rase, on peut faire tellement mieux. C’est une décision qui doit être prise après une bonne analyse sur le plan sylvicole car on casse l’outil de production.” La forêt mélangée demande plus de patience et de temps qu’une plantation régulière. C’est un tra vail de longue haleine qui s’étale sur plusieurs décennies. “Nos idées sont de plus en plus parta gées par des propriétaires privés ou publics. On sent une grosse évo lution de la forêt publique depuis les années quatre-vingt-dix.” Et Bernard Ménigoz de dresser les avantages demaintenir le couvert forestier : protection du sol, régé nération naturelle,meilleure rési lience face au réchauffement cli matique. Autre nuance par

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F ondée en 1990, l’asso ciation Prosylva regroupe des proprié taires forestiers, des gestionnaires de forêts publiques et privées, des natu ralistes… “Prosylva cherche à développer l’idée d’une gestion proche de la nature avec des peu plements mélangés, de différents

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âges, à toutes les hauteurs. L’ob jectif vise à remplir toutes les fonc tions de la forêt en termes de pro duction, biodiversité, cohabitation entre les usagers…Toutes ces fonc tions peuvent être conduites conjointement sans perturber l’une ou l’autre. On va récolter diffé remment le bois mais pas moins” , résume Bernard Ménigoz, secré taire de Prosylva Bourgogne Franche-Comté. Si la coupe rase ne fait pas partie desméthodes préconisées par l’as sociation, cette option s’avère par fois incontournable dans le cadre d’attaques sévères et généralisées sur une parcelle. “On n’est pas forcément obligé de tout couper en présence de quelques arbres scolytés. On peut comprendre la

rapport aux alternatives de régé nération. “De toute façon, on sait que la physionomie des forêts va changer. Prosylva estime que les espèces en place ont une capacité d’adaptation. Des études géné

n’est pas favorable aux 100 % douglas. “Le problème du réchauf fement climatique, c’est la réserve utile en eau qui augmente avec des peuplements mélangés, étagés, ombragés.” n

tiques sont en cours sur le sujet. On pense qu’il faut s’appuyer sur les essences locales même si cela n’empêche pas de mettre des essences nouvelles.” Forcément, Bernard Ménigoz

l Forêt privée Cadre réglementaire “Les propriétaires ne décident pas tout seuls” Bien conscient de l’impact visuel généré par les coupes rases, le syndicat des propriétaires forestiers de Franche-Comté confirme que c’est bien souvent la seule réponse possible dans le contexte sanitaire. Entretien avec Christian Bulle, le président du syndicat.

La forêt mélangée offre une meilleure résilience face au réchauffement climatique.

des scolytes. C’est un objectif sani taire. On tente aussi de sauver le maximum de valeur commer ciale des bois atteints, en les récol tant aussi vite que possible, dans l’intérêt du propriétaire. En fonc tion de l’intensité de l’attaque, il y a plusieurs types de coupes sanitaires : coupes d’arbres dis persés, ou de coupes sanitaires sélectives, ou enfin de coupes rases sanitaires. “Dans le Haut Doubs, les coupes rases actuelles en forêt publique sont pour l’es sentiel liées à l’épidémie de scolytes sur l’épicéa. Elles ne sont pas le fruit d’une décision sylvicole. Elles sont subies.” Et Régis Senger de rappeler la stratégie de régulation de l’offre de bois frais résineux déployée par l’O.N.F. et les communes fores tières. Décision a été prise de réduire les coupes résineuses “normales” de 30 % en 2021 puis de 50 % cette année. Ce tour de vis pèse dans les budgets com munaux mais il permet aussi de limiter l’engorgement du marché et de maintenir les prix. L’impact paysager des coupes rases est réel, mais lui aussi est subi. Et que vaut-il mieux : une coupe rase ou un paysage d’épicéas secs. La pluviométrie abondante du prin temps 2021 laissait espérer un

ralentissement des attaques de scolytes mais la situation actuelle pourrait bien annihiler ces pré visions. D’autres coupes rases sanitaires sont à craindre avec le risque de voir le phénomène prendre de l’altitude. Et l’avenir ? Que faire après ces coupes rases ? “On a bien conscience qu’il faut favoriser le mélange des essences dans un esprit de futaie irrégulière pour améliorer la capacité à réagir des forêts. Quant à l’épicéa, il convien dra de le limiter aux zones sta tionnelles et en altitude, là où il est encore susceptible de prospérer malgré le changement climatique” ajoute Régis Senger. L’évolution climatique conduit enfin à se réinterroger sur les enjeux de la forêt publique, qui doivent être pondérés et localisés autrement, qu’il s’agisse de pro duction forestière, d’enjeux socié taux ou d’enjeux environnemen taux. Pour ce qui concerne la forêt de production, il conviendra d’abord de privilégier les zones avec un vrai potentiel stationnel. Sur le département du Doubs, 600 hectares ont été retenus en forêt publique en 2021 pour béné ficier des aides nationales du plan de relance à la reconstitution. n F.C.

L a Presse Pontissalienne : Tout d’abord que représente la forêt privée en Franche Comté ? Christian Bulle : La surface forestière en Bour gogne-Franche-Comté couvre 1,7 million d’hectares dont 1 million d’hectares de forêt privée. Il y a 150 000 propriétaires forestiers en Franche-Comté. 2 200 adhèrent au syn dicat pour une surface de 63 000 hectares. L.P.P. : Votre point de vue sur le douglas dont on entend beaucoup parler ? C.B. : C’est une alternative. Rappelons que les premières expérimentations sur cette essence sont assez anciennes. On a la chance d’avoir de nombreuses placettes avec des espèces atypiques. Les résultats sont variés et méritent aujourd’hui d’être observés. L.P.P. : Comment se porte la forêt comtoise en 2022 ? C.B. : La situation suscite beaucoup d’in quiétude. Les plantations souffrent et les scolytes arrivent. On commence déjà à entrevoir l’impact visuel des dégâts. Il n’y a pas que les épicéas qui soient touchés. D’autres essences comme le hêtre ou le chêne dépérissent car ils subissent le stress de la sécheresse. C’est dommage car on sortait d’une année 2021 pluvieuse et salu taire qui faisait suite à une série catastro phique entre 2018 et 2020. Avec les séche resses et coups de chaleur à répétition, on a perdu plus de 20 % du capital épicéa

régional qui est évalué à 30 millions de m 3 . L.P.P. : Ces coupes rases qu’on observe un peu partout sont inévitables ? C.B. : On ne fait pas cela pour le plaisir mais à cause des scolytes. L’inconvénient, c’est un choc visuel. En règle générale, les coupes rases sont limitées à 2 hectares en forte pente, 4 hectares en pente modérée et 10 hectares d’un seul tenant à plat. Néanmoins il y a des dérogations si le problème sanitaire est reconnu par le C.R.P.F. et validé ensuite par l’État. Les propriétaires ne décident pas tout seuls.

Christian Bulle, le président des propriétaires forestiers en

L.P.P. : Quels conseils donnez vous à vos adhérents face à ce problème sanitaire ? C.B. : On les invite à consul ter des professionnels pour arriver à une qualité de travail qui permettra d’op timiser le fonctionnement. Passer par un gestionnaire, c’est un bon investisse ment. Quand un proprié taire obtient le feu vert pour une coupe rase sani taire, il s’engage aussi à reboiser dans les cinq ans à venir en privilégiant le mélange des essences et la régénération naturelle.

“On ne fait pas cela pour le plaisir.”

Franche-Comté, est déjà très inquiet de l’évolution de la situation en 2022.

L.P.P. : Fini les plantations spécifiques ? C.B. : Oui, c’est l’orientation générale. Il faut sortir des peuplements purs en résineux comme en feuillus sans condamner forcé ment la futaie régulière. L.P.P. : Un mot sur le cerf qui se déploie sur le Haut Doubs ? C.B. : C’est une catastrophe à double titre car ils mangent et frottent les arbres. n Propos recueillis par F.C.

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