La Presse Pontissalienne 269 - Juin 2022

8 L’événement l Levier

La Presse Pontissalienne n°269 - Juin 2022

Une origine mystérieuse Les Douglas centenaires des Granges-Maillot toujours vaillants

servir de référence. La clef de la réussite, c’est l’équilibre fores tier avec un mélange d’essences qui donne une ambiance capa ble d’emmagasiner l’humidité et de la restituer en période sèche. La mauvaise gestion d’une forêt peut engendrer sa perte” , soutient Damien Paget qui met en pratique les méthodes “Biol ley-Gurnaud”. Ces ingénieurs forestiers franco-suisses ont largement optimisé la sylvicul ture en forêt jardinée ou futaie irrégulière. Ils affirmaient que la récolte ne se décrète pas, elle se constate. n Les douglas des Granges Maillot affichent un port et des dimensions qui n’ont rien à envier aux plus beaux sapins et épicéas jurassiens.

La forêt de la Joux abrite de superbes Douglas plantés ici au début du XX ème siècle pour délimiter des parcelles alors en cours de reboisement. Insolite.

L’ origine de ces arbres restera sans doute un mystère comme l’at teste le comte Phi lippe de la Rochefoucauld en expliquant les circonstances dans lesquelles ces douglas sont arrivés dans la forêt de la Joux. “Quand le marquis de Moustier, mon arrière-grand-père, a racheté en 1905 le domaine de Maillot, celui-ci avait subi d’im portantes coupes forestières. Il a confié le reboisement à un régis seur, Xavier Lescafette, qui a planté les douglas sur les som mières pour délimiter les par celles. On ne connaît pas leur provenance.” S’il ne fait guère de doute que ces arbres viennent d’Amérique

du Nord, difficile pour ne pas dire impossible d’en savoir davantage, en l’absence de traces écrites. Toujours est-il qu’au jourd’hui, une partie de ces dou glas est toujours là. Certains

imputrescible avec de très belles qualités. Sur Maillot, on essaie de les préserver au maximum, note Damien Paget, l’actuel régisseur. Ces douglas n’avaient pas été plantés pour créer un massif forestier et produire du bois mais simplement pour servir de repères.” Il faudra attendre la tempête de 1999 pour voir quelques plantations de douglas dans les forêts de Maillot. Les douglas centenaires de la forêt de la Joux peuvent-ils servir de témoin à l’heure où l’on parle beaucoup de cette essence comme une alternative d’adap tation de la forêt du Haut Doubs face au réchauffement climatique ? “Cela ne peut pas

ont plutôt fière allure avec un port et des dimensions qui n’ont rien à envier aux plus beaux des sapins ou épi céas alentour. “Ces bois-là sont très recherchés. Ils se négocient entre 100 et 130 euros le m 3 . C’est une essence

“On essaie de les préserver au maximum.”

l Faune

Les coupes rases modifient le comportement du gibier Forestiers et chasseurs : le bras de fer Coupables d’abroutissement, cerfs et chevreuils sont dans le viseur des forestiers qui plantent des espèces plus résistantes mais aussi plus appétissantes. La fédération de chasse refuse que la faune paie le prix des erreurs du passé. Elle prône une gestion adaptée.

Ornithologie La coupe rase préjudiciable en période de nidification

E n quelques jours seulement, des morceaux de colline sont échevelés par les engins forestiers, de jour comme de nuit.Au-delà de l’aspect visuel, c’est un bouleversement pour la faune sauvage, “comme si quelqu’un dépla çait votre maison sans vous prévenir” résume un chasseur. Peu d’études sont réalisées sur la modification comportementale de la faune sauvage en lien avec les coupes blanches. “Cela occasionne du dérangement,

matique est ailleurs. Ces coupes favorisent le développement des cervidés ou des ongu lés, chevreuils en particulier. Avec les “bil lards” réalisés par les coupes, ces animaux disposent d’un milieu ouvert avec des replants qui s’offrent à eux, à l’image d’un terrain de foot qui s’installerait en cœur de massif. Ils peuvent ainsi, à leur guise, consommer les jeunes pousses. Les profes sionnels nomment cela l’abroutissement, le début du bras de fer entre des forestiers qui poussent la Direction départementale des territoires (D.D.T.) à intensifier les pré lèvements du gibier au motif que l’équilibre agro-sylvo-cynégétique n’est plus assuré, et des chasseurs qui contestent la méthode. Ce ne sont pas aux animaux de payer les erreurs du passé selon eux. “Après les coupes rases, des espèces d’arbre plus résistantes sont plantées mais elles semblent plus appé tissantes…On prône une gestion adaptative locale” résume la fédération de chasse du Doubs. Sur 45 unités de gestion, seulement 6 révèlent un abroutissement élevé. C’est le cas notamment des secteurs du Mont d’Or et du Risoux, là où le cerf est présent. À noter que les coupes blanches sont inexis tantes dans ce secteur puisque les sapins sont - encore - en bonne santé. “Nous tenons compte des demandes de l’O.N.F. puisque l’on se dirige vers une légère hausse du nom bre de cerfs à prélever, indique la F.D.C. 25. Encore faut-il que nos chasseurs puissent réaliser les plans de chasse. On ne peut pas demander à une association qui prélève cinq animaux par saison d’en faire le dou ble.” Le nombre de chasseurs diminue, la pression forestière s’accentue, chacun doit ajuster sa ligne de mire. n E.Ch.

c’est certain, notamment pour les espèces refuges comme le gros-bec ou la fauvette qui trouvaient des bois morts pour se réfu

gier” , estimeThibaut Powolny, responsable environnement, technique et scientifique à la fédération des chasseurs du Doubs. Les autres espèces s’adaptent et modifient leur territoire. Pour les chasseurs, la problé

Vers une hausse du nombre de cerfs à prélever.

T out changement dans les milieux naturels perturbe for cément l’équilibre en place. “Les forêts du Haut-Doubs étaient à l’origine beaucoup plus mixtes et favorables à la biodiversité. Avec le développement des plantations, on a créé une ambiance végétale assez pauvre, peu lumineuse et pas très favorable aux oiseaux spécifiques à la forêt comme le roitelet, le bec-croisé ou encore la mésange huppée… On oublie trop souvent d’adapter les chantiers sylvicoles avec la période de nidification qui s’étale en général de la mi-mars à fin juillet. Si la coupe rase venait à se généraliser à la mauvaise période, cela deviendrait beaucoup plus gênant” , indique la Ligue de protection des oiseaux en pré cisant qu’aucune étude n’a été réalisée pour mesurer l’impact de ces coupes sur l’avifaune. n Les coupes rases sont défavorables aux oiseaux spécifiques aux milieux forestiers jurassiens comme le bec-croisé.

Thibaut Powolny, responsable environnement, technique et scientifique, à la fédération des chasseurs du Doubs.

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