La Presse Pontissalienne 267 - Avril 2022

L’événement 7

La Presse Pontissalienne n°267 - Avril 2022

l Vuillecin 9 500 l de gasoil par jour Le secteur des transports paie le prix fort

l Travaux publics Loiget-Lonchampt à Bulle “Pour nous,

c’est 2 000 euros de plus par jour” La hausse du coût des matières premières impacte directement la bonne marche de cette société de T.P. et maçonnerie qui emploie une trentaine de salariés.

D ans cette société employant une cinquantaine de salariés, on s’en doute, le poste carburant est une des principales dépenses à l’an née. “C’est tout simplement le deuxième poste de dépenses après la masse salariale” résume le patron Christian Colinet.Avant la crise ukrainienne, le carburant repré sentait entre 25 % et 30 % des dépenses de l’entreprise de Vuillecin. “Aujourd’hui, c’est plus de 40 %.” Les chiffres donnent le vertige. Chacun des 50 camions composant la flotte des Transports Colinet consomme chaque jour 190 litres de gasoil, soit 9 500 litres consom més quotidiennement. Sur une année, ce sont 2,2 millions de litres qui sont néces saires au bon fonctionnement de l’entre prise. Soit au tarif actuel de 2 euros le litre, plus de 4millions d’euros de dépenses. Mais pour Christian Colinet, le prix du gasoil “n’est que l’arbre qui cache la forêt” dit-il. Le prix du matériel de transport (camions et remorques) est également en train de s’envoler. “Tout ce qui est lié au gaz et au pétrole comme l’acier et le plastique qui composent notre matériel est impacté. Sur ce poste, le surcoût est de 25 %.” Et c’est toute la stratégie de renouvellement de sa flotte qui est perturbée. “Le renou vellement de notre matériel avait déjà été entravé à cause du Covid, si on repousse encore d’un an, ce n’est pas dix, mais vingt ensembles qu’il faudra changer l’année suivante, c’est impossible” constate Christian Colinet. Bien sûr, le secteur du transport a été sou tenu par un plan récent de 400 millions d’euros à l’échelle nationale, bien sûr les transporteurs répercutent une partie des Le transport routier est un des secteurs d’activité qui est le plus perturbé actuellement. Illustration concrète à Vuillecin, aux Transport Colinet.

L a Presse Pontissalienne : Quels sont les effets directs de la situa tion pour votre entreprise ? Jordan Lonchampt : Nous subissons un surcoût de 2 000 euros par jour en ce moment, essentiellement à cause de la hausse du prix des car burants. Nous avons un parc de 25 machines, entre les camions qui roulent au gasoil routier et les engins au G.N.R. Sachant qu’on passe entre 2 000 et 2 500 litres par jour, le calcul est vite fait. Le G.N.R. est passé de 0,70 euro avant la crise à 1,40 euro en cemoment… L.P.P. : Comment répercuter ces hausses ? J.L. : Entre le moment où on signe un devis et sa réalisation, il se passe entre 6 et 8 mois. Il est impossible de revoir un devis signé

il y a 8 mois quand on démarre un terrassement aujourd’hui. Les clients ont leur financement, tout est engagé, c’est impossible de réviser nos prix. L.P.P. : À plus long terme, c’est un vrai risque pour la santé de votre entreprise ? J.L. : Nous avons beaucoup de tra vail, de commandes. Mais si la situation perdure, c’est une addi tion de 500 000 euros pour nous au bout d’une année, ce n’est pas tenable. Et je ne parle même pas des autres matières premières comme l’acier qui compose nos treillis soudés. Nous venons d’en racheter deux semi-remorques pour éviter une rupture d’appro visionnement. n Propos recueillis par J.-F.H.

Les Transports Colinet, c’est une flotte d’une cinquantaine de camions, avec à la tête de l’entreprise Christian Colinet.

mêmes se retrouvent en difficulté à cause de l’augmentation des coûts du transport.” Un transport qui représente en moyenne 8 % du prix final d’un produit. Beaucoup de transporteurs puisent en ce moment dans leurs fonds propres pour tenter de passer ces turbulences. Pour l’instant, le retour au calme n’est pas annoncé… Une autre conséquence plus insoupçonnée de la guerre vient dérégler encore plus le secteur du transport en Europe. La plupart des entreprises polonaises (un pays qui a fait du transport routier un de ses fleurons) employaient jusqu’ici, faute de main-d’œu vre polonaise suffisante, des conducteurs ukrainiens ou biélorusses. Cette situation crée une tension supplémentaire dans le monde du transport international. n

augmentations du carburant à leurs clients, mais on est loin du compte. L’indice C.N.R. (convention nationale route) sur la base duquel est calculée l’indexation des prix du carburant est bien loin du coût réel des hausses. “Le scénario est le même pour les pneumatiques avec du noir de caoutchouc qui vient de Russie, pour les jantes alu dont le prix s’envole également, les plaquettes de frein, les huiles, les puces électroniques…” Avant le Covid, une puce (ces fameux semi conducteurs) valait 2 euros. La même puce vaut 20 euros aujourd’hui… “Dans un seul camion, il y a 1 000 puces” note Christian Colinet. Au final, le coût d’un ensemble routier (camion plus remorque) coûte entre 170 000 et 180 000 euros désormais, contre 130 000 euros il y a un an et demi. Du coup, les transporteurs n’ont d’autre choix que de “prendre notre part à l’effort national, pour protéger au mieux nos clients qui eux

J.-F.H.

Pour la société Loiget-Lonchampt, la facture est salée…

l Agriculture La filière porc Un réel impact sur l’agriculture du Doubs

déjà 64 % des charges en 2020 et maintenant on est à plus de 70 %. C’est vrai que la cotation ne permet pas de compenser l’augmentation des coûts de protection. L’État verse déjà une aide pour limiter cet écart qui risque de s’amplifier avec la crise ukrainienne” , confirme Claire Legrand, direc trice d’Interporc Franche-Comté. Ici ou là en France, des éleveurs commencent à mettre la clef sous la porte, las de travailler à perte. Pour mesurer l’impact que pour rait avoir cette guerre si elle venait à perdurer, il faut savoir que l’Ukraine est le 4 ème pays exportateur de blé et de maïs au monde et le 1 er exportateur de tournesol. n

intégrant les 15 à 17 centimes de plus-value accordés aux produc teurs de porc comtois.” Cet éleveur engraisse environ 5 200 porcs par an. Ce qui repré sente 1 800 tonnes d’aliments. “Une hausse de 10 %, c’est 18 000 euros de charges supplé mentaires. On supporte de plus en plus mal ces pertes de renta bilité qui ne font que creuser la trésorerie.” Cet éleveur est sans doute vin dicatif, ulcéré de constater la réus site des I.G.P. Morteau et Mont béliard sans partager les bénéfices. Pour autant, la filière porcine est très dépendante de la disponibilité et du prix des céréales. “L’aliment représentait

Envolée des cours du gaz, des carburants, des céréales, des engrais : aucune filière agricole n’échappe au séisme. Exemple avec la filière porcine sérieusement mise à mal.

D ans une filière fortement tributaire du coût de l’ali ment, la crise ukrainienne arrive au plus mauvais moment pour les éleveurs porcins du Doubs. L’intervention de l’État est attendue et des répercussions de prix semblent inévitables. “O n perd déjà 20 à 30 euros sur chaque porc charcutier. On ne ressent pas encore l’impact immédiat de la crise mais c’est sûr, on va se ramas ser des hausses sur l’aliment. Sur

les 12 derniers mois, on en a déjà subi plus d’une quarantaine” , s’inquiète Joël Bassignot, éleveur à Villers-Chief sur les premiers plateaux du Haut-Doubs, très remonté du traitement réservé aux éleveurs de porcs comtois. Calculette enmain, il estime qu’il faudrait qu’il touche entre 1,70 et 1,80 euro par kg pour compen ser la hausse des coûts de pro duction. “On se situe actuellement entre 1,45 et 1,50 euro le kg en

La crise ukrainienne va impacter le coût de l’aliment et laisse entrevoir un risque de pénurie si le conflit persiste (photo Studio 2021).

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