La Presse Pontissalienne 258 - Juillet 2021

18 Pontarlier et environs

La Presse Pontissalienne n°258 - Juillet 2021

AGRICULTURE Utilisation du phosphure de zinc Lutte contre le campagnol : l’après bromadiolone

L’utilisation de ce rodenticide très décrié n’est plus autorisée depuis le 20 décembre dernier. Comment s’organise la lutte alors que les pullulations sont toujours d’actualité sur certains secteurs du Haut-Doubs ? Éléments de réponse.

lequel on mobilise aujourd’hui des moyens de recherche.” Le Haut-Doubs n’est pas le seul massif impacté par le campagnol terrestre. Geoffroy Couval signale les dégâts cau- sés dans les estives du Cantal où il est très difficile de mettre en place une stratégie de lutte. “Les agriculteurs n’ont pas les mêmes moyens que sur la filière comté. Ils travaillent sur des troupeaux allaitants avec des estives situées à 80, 90 km du siège d’exploi- tation. C’est compliqué dans ces cir- constances d’intervenir à basse densité.” Pour mémoire, rappelons qu’un couple de campagnols peut générer une des- cendance de 100 à 120 individus en une année. Le réchauffement climatique est-il un facteur favorable aux campagnols ? “Oui, répond sans hésitation Geoffroy Couval. La sécheresse a tendance à accentuer les dégâts.” Le niveau de mobilisation des agriculteurs reste très variable d’un secteur à l’autre avec un fléchissement global de la lutte collec- tive. Certains secteurs résistent comme du côté de Charquemont, Damprichard, Maîche… “On revient toujours sur la question de la main-d’œuvre.” Ceux qui continuent à lutter obtiennent des résultats probants mais cela prend du temps sachant qu’on ne peut pas méca- niser l’utilisation du ratron. Sachant aussi qu’il est parfois plus simple et pratique d’acheter le foin manquant surtout quand on en a les moyens. n F.C.

L’ ’autorisation de mise enmar- ché de la bromadiolone a été retirée le 21 février 2020 avec un délai d’utilisation porté au 20 décembre. “Ce retrait reflète une stratégie de firme qui a préféré quitter ce marché peu por- teur” , explique Geoffroy Couval, res- ponsable du pôle vertébrés à la Fredon Bourgogne Franche-Comté. Plus possible désormais d’avoir recours à des anticoagulants pour éliminer des rongeurs en plein champ. Les agricul- teurs engagés dans la lutte ont désor- mais deux possibilités de traitement. Ils peuvent continuer avec le P.H.3. Ce gaz toxique est toléré sur des situations associant la présence de taupes et de campagnols. L’autre alternative, le ratron, se pré- sente sous forme d’appâts secs enrobés de phosphure de zinc. Le campagnol ingère les appâts empoisonnés qui, au contact des sucs gastriques de l’estomac, dégagent la phosphine qui tue rapide- ment le rongeur. “À la différence de la bromadiolone, ce produit ne dégage pas de toxicité secondaire. En revanche, il présente une toxicité primaire très élevée quand les appâts se retrouvent en sur- face. Ils pourraient alors être ingérés

par des granivores comme le lièvre ou par le sanglier. Cette toxicité implique des règles d’usage très strictes avec des applications manuelles et une dose maximale limitée à 2 kg par hectare et par an” , détaille le spécialiste. La problématique du campagnol est toujours d’actualité dans le Haut-Doubs où elle resurgit de façon cyclique. Le plateau de Levier, le secteur de laVrine en ont fait les frais cette année au contraire du secteur de Maîche où l’on serait plutôt en phase de déclin. “On observe aussi des situations de pullu- lations de campagnol terrestre dans le département du Jura. Son cousin le campagnol des

Pour venir à bout du campagnol, les agriculteurs peuvent utiliiser du P.H.3 et des appâts secs enrobés de phosphure de zinc.

Zoom “On fait plus de foin, plus de regain”

champs cause aussi de gros dégâts dans la plaine céréalière du Finage. Le phéno- mène s’explique par l’avènement de l’agri- culture de conserva- tion des sols qui pros- crit le labour et favorise l’installation durable du campa- gnol des champs. C’est un nouveau sujet d’inquiétude sur

Un fléchissement global de la lutte collective.

D u côté de Saint-Gorgon-Main, ils sont encore une poignée à croire à l’intérêt de travail- ler à la tâche. “On traite depuis 2015 pour optimiser la récolte. Quand on a moins de foin sale, on gagne en qualité de lait et on évite les risques de butyriques, de salmo- nelle” , estime Denis Pilloud associé avec Thierry Barbier sur une exploi- tation en lait à comté-mont d’or. Tous en conviennent, la lutte raison- née est très chronophage. Une ques- tion aussi de sensibilisation à la pro- tection de l’environnement. “On a préféré arrêter la bromadiolone depuis

deux ans” , poursuit l’agriculteur qui adapte les techniques de lutte en fonction des conditions météo et de la cohabitation taupe-campagnol. “Les capsules de P.H.3 se dégradent mieux avec l'humidité et le ratron est plus efficace par temps sec.” Ponctuellement, il fait aussi du pié- geage. Des efforts récompensés quand il s’agit de remplir la grange. “Quand on voit les petits andins des voisins, on se dit qu’on n’a pas fait ça pour rien. On fait plus de foin et plus de regain. On a aussi une structure d’ex- ploitation adaptée à la lutte raison- née.” n

Les bienfaits de la lutte collective

S ouvent citée en réfé- rence, la zone expéri- mentale de Pissena- vache qui mobilisait à ses débuts une dizaine d’exploi- tations sur un parcellaire de 300 hectares a perdu de sa

et pas seulement pour des raisons économiques. C’est vrai que cela prend du temps mais on récupère quand même beaucoup moins de terre dans le fourrage. Je pense que ma lutte raisonnée

contribue à la bonne santé du troupeau.” Sans tenir un décompte précis, l’agriculteur de Pissenavache estime qu’il a passé près de cinquante demi-journées au traitement des campagnols au cours de l’automne dernier. Une stra- tégie rentable car elle s’inscrit dans un système d’exploita- tion très extensif avec un trou- peau de 40 vaches laitières sur un parcellaire de 88 hec- tares. Fabrice Berne combine à la fois l’utilisation du P.H.3 en testant encore l’efficacité du Ratron. n “Je n’ai pas été obligé de resemer ce printemps et j’aurai assez de fourrages”, explique Fabrice Berne, l’un des derniers agriculteurs engagés dans la lutte raisonnée sur la zone expérimentale de Pissenavache.

dynamique au fil du temps. Ils ne sont plus que deux voire un à continuer le combat. “Les agriculteurs de la Vrine ont été obligés de resemer contrairement à moi, explique Fabrice Berne toujours motivé

“Il faut trouver

la galerie principale pour y déposer

les appâts enrobés de phosphure de zinc puis bien reboucher le trou”, décrit Denis Pilloud.

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