La Presse Pontissalienne 257 - Juin 2021

l’événement 7

La Presse Pontissalienne n°257 - Juin 2021

l Négociations Une pierre d’achoppement La France fait le forcing sur le volet paysager Si les préconisations concernant la source des Bonnes Eaux alimentant Jougne ont été prises en compte par les Suisses, l a question de l’impact paysager n’est toujours pas réglée.

rieu. Ce bras de fer entre l’État français et le canton de Vaud est engagé depuis le 25 août 2017. Suite à l’enquête publique liée au projet éolien de Bel Coster, le préfet du Doubs, à l’époque Raphaël Bartolt, avait émis un avis défavorable. Puis la convention d’Espoo a trouvé à s’appliquer. Elle porte sur l’évaluation de l’impact sur l’environ- nement de projets dans un contexte transfrontalier. La France et la Suisse étant signataires de ladite convention. Dans ce cadre, des études complémen- taires ont été demandées aux Suisses sur l’impact paysager et la source des Bonnes Eaux qui alimente la commune de Jougne. Les choses évoluent positivement sur l’eau. Les Suisses procèdent depuis le printemps 2021 à des forages sur le site. Ils réalisent aussi des traçages en période de hautes eaux. “Nous avons également exigé et obtenu l’installation d’un turbidimètre au niveau du captage. Une visite sur site a été organisée le 21 avril avec l’A.R.S. et l’hydrogéologue Jean-Pierre Mettetal. Les mesures sont en cours” , poursuit le sous-préfet, recon- naissant que les préconisations fran- çaises ont été prises en compte sur la préservation de la ressource en eau. C’est donc plus compliqué sur le front paysager.Dialogue de sourds. La France avait même proposé de créer un groupe de travail transfrontalier sur ce sujet éminemment sensible. Réponse négative, pour le moment, de la Suisse, mais le préfet vient d'insister

“N ous agissons sans relâche auprès des autorités suisses pour mieux intégrer cette dimension paysagère. Le préfet du Doubs, Joël Mathurin, a encore adressé deux courriers le 10 septembre et le 17 décembre à laDirectionGénérale de l’Environnement du canton de Vaud afin de prendre en considération l’aspect paysager et la protection patrimoniale” ,

confirme Serge Delrieu, le sous-préfet de Pontarlier, qui suit de près ce dossier sensible. Le 8 juin, la juge suisse se déplacera sur le site pour mieux apprécier la situation. “Nous avons obtenu qu’une délégation technique française vienne sur place pour être auditionnée. L’ar- chitecte des bâtiments de France, la D.R.E.A.L. et l’A.R.S. feront le dépla- cement en Suisse” , complète Serge Del-

à nouveau. Ce volet paysager comprend tous les préjudices visuels aussi bien sur les crêtes, les sommets, la cité de caractère de Jougne, la chapelle Saint- Maurice et tous les éléments du petit patrimoine. Intégrer cette dimension paysagère, c’est pour les Suisses renon- cer au projet. Difficilement imaginable, d’autant plus que, sur le plan juridique, la situation est plutôt à leur avantage.

Le plan d’affectation du projet a été accordé, ce qui sous-entend qu’ils peu- vent construire les éoliennes à condition que les recours soient levés. Le sésame autorisant alors l’instruction d’un per- mis de construire fixant tous les détails du projet avec la position des mâts, les voies d’accès…La partie est loin d’être gagnée. n F.C.

“C’est plus compliqué sur le front paysa- ger”, admet Serge Delrieu, le sous-préfet.

l Projets Les crêtes du Haut-Doubs prisées des promoteurs Levée de boucliers dans le Val-d’Usiers et environs du Crêt Monniot

L es projets se multi- plient sur les crêtes du Haut-Doubs : déjà engagés, le projet de Sombacour avec la sociétéValeco et celui d’Aubonne avec Abowind, auxquels s’ajou- teraient ceux de Septfontaine, Ouhans et des Premiers Sapins, en cours de discussion. C’est pour défendre le patri- moine naturel et culturel du Haut-Doubs et de la Vallée de la Loue que les deux associations Protection de l’Environnement et des Sommets du Haut-Doubs (P.E.S.H.D.), Défense de l’Envi- ronnement du Val d’Usiers et le Collectif Haut-Doubs Vent Contraire repartent au combat depuis le mois de mars dernier. En début d’année, ils ont appris que plusieurs projets éoliens se dessinaient : “On ne peut pas mettre des éoliennes n’importe où, disent-ils, indignés. C’est du bon sens. Nos crêtes remarqua- bles n’ont pas pour vocation à devenir une immense zone indus- trielle car demain il sera trop tard.” Ces projets sont d’autant plus choquants qu’ils se situeraient quasiment sur certains lieux de projets déjà refusés. Celui dit du Crêt Monniot “qui englobait

Stupeur du côté de Sombacour et Aubonne où de “vieux” projets renaissent. Les associations qui avaient combattu l’installation d’éoliennes au “Crêt Monniot” dénoncent un mépris des décisions préfectorales et judiciaires passées. Zoom Sombacour a consulté sa population : une majorité de “non”

les communes d’Aubonne, d’Arc- sous-Cicon, Saint-Gorgon-Main et Ouhans, refusés par le préfet du Doubs en 2007, puis par le Tribunal Administratif de Besançon en 2011, au regard de la valeur paysagère et emblé- matique du site” , précise P.E.S.H.D. Et ceux d’Arçon,Mai- sons-du-Bois-Lièvremont et de Chaffois, refusés tous deux par le préfet en 2019 au nom des atteintes à la biodiversité. “C’est comme si ces promoteurs n’avaient que faire de la justice, 10 ans après. Ils reviennent à la charge ! Comment peut-on mépriser ces décisions ?” se dés- ole P.E.S.H.D.

vailler avec la population, d’échanger, de convaincre. Ce projet éolien sera participatif. L’idée n’est pas de diviser le vil- lage mais d’amener grâce à Coopawatt (la société qui accompagne et développe des projets participatifs et citoyens d’énergie renouvelable) une communication active et trans- parente” répond le maire. l La commune d’Aubonne s’in- terroge. Elle a validé durant l’an- cienne mandature l’étude de faisabilité mais se montre fri- leuse : “J’accepterai plus faci- lement si l’électricité servait à notre village” commente le maire. n

l La commune de Sombacour a pris l’initiative d’interroger ses administrés lors d’une consul- tation publique en mars. Huit éoliennes sont en projet sur le territoire communal en direction d’Évillers. À la question, êtes- vous favorable à un projet éolien sur la commune, 30 personnes ont répondu “oui” , 50 ont dit “non” , 14 ne se sont pas pro- noncées. Maire de la commune, Frédéric Toubin se veut transparent. Son conseil municipal a, en octo- bre 2020, validé au promoteur l’étude dite de faisabilité. Que fait-il du résultat de la consul- tation ? “L’objectif est de tra-

Depuis le sommet de Hautepierre, les éoliennes pourraient fleurir sur la droite côté Sombacour et sur la gauche côté Aubonne.

Un des membres de l’association nous fait grimper au sommet de la Roche de Haute- pierre. Après un quart d’heure de marche, les Gorges de Nouailles et la Vallée de la Loue se dévoilent en contrebas. “Ima- ginez en face de nous des éoliennes de 240 mètres de haut en bout de

du Larmont et ses vues remar- quables depuis le Grand Tau- reau. Les associations ont distribué des tracts à la population. Parmi les arguments, elles évoquent pêle-mêle le bétonnage des sols, l’abattage d’hectares de forêt, l’impact sur les espèces proté- gées, une affaire d’argent. “Vou- lons-nous transformer notre ter- ritoire, jusque-là préservé, en zone industrielle ?” Une question, certes provocatrice, qui révèle l’état d’anxiété au sein de ces collectifs. n ECh.

pale ! Si ces projets aboutissent, ils auraient pour conséquence l’encerclement et le mitage d’un paysage patrimonial qui ne compte pas moins de 9 sites clas- sés et 10 sites inscrits, dans un rayon d’environ 20 km, pour- suit-il. Avec ces projets actuels, les éoliennes seraient deux fois plus hautes que celles envisagées au Crêt Monniot il y a dix ans !” Le désastre serait encore plus important : une atteinte sacri- lège à l’exceptionnelle vallée de la Loue, qui a donné sa force aux tableaux de Gustave Cour- bet. Sans oublier la montagne

“Les promoteurs harcèlent les maires.”

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