La Presse Pontissalienne 257 - Juin 2021
38 La page du frontalier
La Presse Pontissalienne n°257 - Juin 2021
VOTATIONS Anti-pesticides Deux initiatives pour des pratiques agricoles encore plus vertueuses Si elles passaient, ces deux votations organisées le 13 juin remettraient en cause toute la politique agricole suisse. Ce qui ne va pas sans susciter de vives réactions entre les “pour” et les “contre”.
tique. “N’oublions pas que la Suisse est le château d’eau de l’Europe, rappelle Pascal Schei- willer assez confiant sur l’issue du scrutin. Aujourd’hui d’après les sondages, c’est du 50-50 et il faudra 54 % de votes favorables pour que l’initiative passe” précise le spécialiste. La seconde initiative veut inter- dire les pesticides de synthèse en Suisse. Cette interdiction touche toutes les pratiques : agri- culture, entretien des espaces verts, protection des infrastruc- tures. L’importation de denrées alimentaires produites à l’étran- ger à l’aide de pesticides de syn- thèse ou contenant de tels pes- ticides serait elle aussi interdite. Ne sont pas concernés par le champ d’application de l’initiative les agents biologiques, les pes- ticides biologiques, les insectes bénéfiques, les pesticides orga- niques, électriques ou thermiques ainsi que toutes les alternatives qui ne contiennent pas de toxiques chimiques. L’initiative prévoit une période de transition de dix ans.Un délai d’adaptation nécessaire et suf- fisant qui peut être utilisé poli- tiquement pour repenser le sys- tème agricole et alimentaire, pour accompagner la recherche vers le développement d’une agri- culture prenant davantage en compte la biodiversité et la santé. Le Conseil fédéral et le Parle- ment rejettent ces deux initia- tives estimant que leur applica-
L e débat autour des intrants chimiques, des exporta- tions de produits alimen- taires, et de l’intensifica- tion des pratiques agricoles se pose dans la plupart des pays développés. La Suisse n’échappe pas à ce phénomène sociétal qui oppose schématiquement les par- tisans d’une agriculture raison- née et raisonnable, voire bio, au système dominant plus axé sur la production en se targuant lui aussi d’être soucieux de son impact environnemental. Les initiatives populaires suisses laissent à un nombre donné de citoyens la possibilité de proposer qu’un texte soit soumis en vota- tion populaire. La procédure peut prendre du temps. “Dans le sys- tème suisse, il faut déposer un texte de loi, qu’il soit validé et qu’il récolte au moins 100 000 signatures dans un délai
imparti” , explique Pascal Schei- willer, le représentant franco- phone de l’initiative “Pour une eau potable propre et une ali- mentation saine”. La seconde initiative “Pour la fin des pesticides de synthèse” a été lancée quelques mois plus tard. Le Conseil fédéral a décidé de programmer la votation sur les deux initiatives lemême jour. Unemanœuvre qui, selon Pascal Scheiwiller, vise clairement à semer la confusion dans l’esprit des gens. Si les deux initiatives tendent vers une agriculture plus auto- nome et de pratiques plus res- pectueuses, chaque comité tient à marquer sa différence. L’ini- tiative “Pour une eau potable propre” veut améliorer la pro- tection de l’environnement et de l’eau potable. Pour y parvenir, elle prévoit que les paiements
directs soient versés aux agri- culteurs sous certaines condi- tions : fin des pesticides, utilisa- tion des antibiotiques uniquement à titre curatif, ali- mentation du bétail exclusive- ment avec du fourrage produit sur place… “Aujourd’hui, 50 % de la viande suisse est produite avec du fourrage d’importation. Ce taux atteint 70 % pour la pro- duction d’œufs. Il faut réduire la taille du cheptel bovin. En compensation, la Suisse doit réduire le gaspillage alimentaire et respecter le vote de 2017 confir- mant son engagement en faveur des produits durables.” Pour pallier les déficits fourra- gers, les initiants suggèrent de mettre en place des échanges au niveau régional. Ils s’opposent aussi à l’abus des antibiotiques, symboles d’une agriculture inten- sive et source de pollution aqua-
“N’oublions pas que la Suisse est le château d’eau de l’Europe”, rappelle Pascal Scheiwiller, le représentant francophone de l’initiative “Pour une eau potable propre et une alimentation saine”.
tion aurait des impacts énormes sur la production de denrées ali- mentaires en Suisse en encou- rageant les importations, d’où un transfert de la pollution à l’étranger. Politiquement, la gauche et les écologistes qui sont favorables à ces initiatives s’op- posent à une large alliance de partis du centre et de la droite, lesquels bénéficient aussi du soutien de l’économie et de la principale association d’agricul- teurs du pays, à savoir l’Union Suisse des paysans. Son directeur Martin Rufer était interrogé sur l’impact de ces initiatives dans
un article paru le 22 avril dernier sur swissinfo.ch. “Nous tablons sur une régression de 20 à 30 %. Par conséquent, nous devrions importer beaucoup plus de l’étranger. Et bien sûr, des régions dumonde qui ont des normes de production beaucoup plus faibles que les nôtres. L’initiative sur l’eau potable entraînerait globa- lement une augmentation de l’im- pact environnemental de la consommation des Suisses. Les deux initiatives sont donc contre- productives pour l’environne- ment.” n F.C.
FAUNE SAUVAGE
Un retour prévisible Un deuxième aiglon royal dans le Val de Travers
Cette migration par le sud est assez logique. “On observe une grosse sur- population dans les Alpes. Beaucoup de jeunes cherchent d’autres sites et remontent au nord. Un second couple niche dans le Jura bernois depuis sept ou huit ans. Un autre couple s’est aussi installé vers Soleure” , explique Alain Lugon, biologiste chargé notamment d’étudier l’impact environnemental des projets éoliens à l’étude dans le Val de Travers en prenant en compte
bien sûr le retour des aigles sur ce territoire. Les premières obser- vations du couple qui tend à se sédentariser au pays des Fées remontent à 2019. Après l’échec d’une pre- mière nidification, le couple a choisi une nouvelle aire l’an der- nier pour donner nais- sance àArtémis. “C’est le premier succès de
songé l’an dernier mais on ne voulait pas perturber le couple, d’autant plus qu’il avait échoué lors de sa première nidification. On envisage néanmoins d’installer une seconde caméra plus près du nid. Cela nous permettrait d’af- finer le suivi par rapport aux parcs éoliens.” Car le retour de l’aigle royal coïncide aussi des projets d’installation d’éo- liennes sur différents sites sur les hau- teurs duVal de Travers : Grandsonnaz, montagne de Buttes, Creux du Van… Au total, près d’une cinquantaine d’éo- liennes à l’étude. Aujourd’hui, les avis sont partagés sur la cohabitation entre les aigles et les éoliennes. “L’implan- tation des éoliennes sur les crêtes n’est pas incompatible avec le territoire de chasse des aigles qui privilégient la forêt. C’est du moins l’impression res- sentie. On peut également stopper les éoliennes à certaines périodes ou les équiper de systèmes de détection. On s’inscrit plutôt dans la recherche d’al- ternatives plutôt que de fixer des zones d’interdiction comme cela peut se faire côté France avec la problématique des milans royaux. La législation n’est pas aussi stricte en Suisse” , poursuit Alain Lugon qui anime le groupe de suivi de projet réunissant toutes les sensibilités : associations environnementales, acteurs économiques, élus. n F.C.
Archibald a vu le jour fin avril sur l’aire du couple qui avait déjà donné naissance l’an dernier à Artémis. Une nidification qui n’avait pas été observée depuis près de deux siècles dans le Val de Travers.
L ynx, loup, aigle royal : le retour des grands prédateurs se confirme. Pas vraiment une nou- veauté pour le royal rapace qui a entrepris sa recolonisation depuis
une vingtaine d’années en s’installant dans le sud du massif, et plus préci- sément vers le sommet du Reculet où un couple niche depuis plusieurs années.
“Ils ont un régime alimentaire très varié.”
reproduction dans le canton de Neu- châtel depuis au moins 150 ans. La présence d’une colonie de marmottes près du Chasseron justifie sans doute le choix du Val du Travers. C’est du moins ce que l’on supposait avant d’ins- taller une caméra à distance du nid. On constate qu’ils ont un régime ali- mentaire très varié et chassent beaucoup en forêt. Ils ramènent au nid toute sorte de proies : hermine, écureuil, chat, renard écrasé voire des poules. C’est sans doute cet éclectisme qui nous conforte sur la pérennité de l’implan- tation des aigles dans le Jura.” Ce printemps, plusieurs couples d’aigles jurassiens ont eu deux petits.Archibald, le second aiglon du Val de Travers a cassé sa coquille fin avril. Il devrait prendre son envol en juillet. Serait-il utile ou pas de le baguer ? “On y a déjà
La naissance de l’aiglon Artémis au printemps
2020 : du jamais vu depuis 150
ans ! (photo L. Maumary).
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