La Presse Pontissalienne 256 - Avril 2021

22 Mouthe - Région des lacs

La Presse Pontissalienne n°256 - Avril 2021

VAUX-ET-CHANTEGRUE Foncier agricole La croisade de Claire Guyon pour s’installer en terre à comté

Faute de pouvoir réunir les 3,5 hectares qui lui manquent pour son installation hors filière comté, Claire Guyon n’a d’autre choix que de transhumer ses trois vaches du Haut-Doubs vers la vallée de la Loue. Son combat.

thier-Haute-Pierre qui me vend de l’herbe sur pied. Cela me revient aussi moins cher que d’acheter du foin pour tenir jusqu’à la mise à l’herbe.” De cette seconde transhumance, car elle avait fait la même chose en 2020, il restera quelques passages épiques, comme le franchissement du col du Laveron sous 30 cm de neige ou la tra- versée de la plaine de l’Arlier avec une bise… à décorner les bœufs. Sans oublier ces automobilistes incapables de ralentir à l’approche de ce drôle de cortège. “Les gens ont perdu l’habitude de voir des vaches marcher en bord de route” dit-elle. Autre temps, autres mœurs. Le côté sympathique et tonifiant de cette initiative masque aussi une vraie galère, un parcours du combattant dont se serait bien passée la jeune agricultrice de Vaux-et-Chantegrue. Ostéopathe animalière de formation, elle a très vite trouvé une bonne clien- tèle dans les troupeaux à comté locaux. Alors qu’elle aurait pu se satisfaire de cette situation, elle a privilégié son envie d’avoir sa propre ferme. À partir de 2013, elle devient bergère sur les alpages du Mont d’Or et du Risoux. Elle entame son parcours à l’installa- tion en 2018 et prépare et présente son Plan de Professionnalisation Per- sonnalisé validé par le préfet du Doubs enmai 2019.À savoir une micro-exploi- tation axée sur la production d’œufs, de fromages et de viande bovine. “À partir de cette validation, il me restait deux ans pour m’installer” , indique Claire Guyon qui dispose alors de 9 hectares répartis sur les communes de Vaux-et-Chantegrue, Labergement- Sainte-Marie et Frasne. Il lui manque donc 3,5 hectares pour atteindre le seuil des 12,5 hectares exigé en France pour une installation de ce type. Elle sollicite alors la com- mune deVaux-et-Chantegrue, proprié- taire de 200 hectares de communaux en pensant récupérer les 3,5 hectares

R ien ne l’arrêtera. C’est en famille, accompagnée de quelques amis qu’elle s’élance ce samedi matin avec Edel- weiss, Mimosa et Mélisse, ses trois grises du Tyrol pour son improbable transhumance qui la conduira deVaux- et-Chantegrue à Mouthier-Haute-

Pierre. “On les descend pour chercher de l’herbe, explique Claire Guyon qui préfère se déplacer à pied plutôt que de céder à la facilité d’un transport en bétaillère. La marche, c’est bon pour la planète et la santé. On fera étape ce soir à Chapelle-d’Huin avant de repartir le lendemain chez un paysan de Mou-

Claire Guyon projette de s’installer sur une micro-exploitation en débutant avec trois vaches et 150 poules.

manquants. “On m’a d’abord proposé du terrain marécageux impossible à pâturer. J’apprends ensuite que je n’avais pas accès aux communaux car ils font désormais l’objet de baux de 9 ans tacitement reconductibles.” Ces espaces étaient auparavant gérés de façon collective par un syndicat pas- toral. Le bail protège mieux les exploi- tants tout en verrouillant le système. Apprenant en décembre dernier la transmission à Vaux-et-Chantegrue d’une ferme à comté qui exploite 43 hectares de communaux, Claire Guyon réitère sa demande espérant alors que la commune fasse un choix plus équi- libré dans la répartition de ces terrains entre deux jeunes candidates à l’ins-

Nouveau rejet sous prétexte que son projet n’est pas viable : trop précaire, soit en jargon administratif un dossier classé en “rang priorité 8”. L’agricultrice ne baisse pas les bras et finit par saisir le tribunal administratif. Entre deux procédures, elle apprend que se libère l’alpage de la Boivine sur le Mont d’Or. “Ce bien a été attribué dans un premier temps par la S.A.F.E.R. à la commune de Rochejean qui avait présenté un pro- jet associant tourisme et agriculture. J’ai donc présenté ma candidature à la commune” , poursuit Claire Guyon qui se voit notifier un nouveau refus en janvier dernier. Elle saisit son droit de recours pour faire réexaminer son projet par la com- mission S.A.F.E.R. qui change d’avis en lui proposant d’acquérir cet alpage intégrant un chalet et 55 hectares de surface dont 22 hectares de pâturages. La chance semble enfin sourire à Claire Guyon qui doit néanmoins mobiliser le soutien financier de sa famille pour cette transaction imprévue. “On a mis en place un groupe foncier rural. Je sais que la commune de Rochejean a intenté un recours écrit, mais je garde espoir soit de m’installer en mai pro- chain, soit de monter en alpage au prin- temps 2022 car la Boivine sera encore occupée cet été par l’ancien locataire.” n F.C.

Pour cette transhumance insolite de Vaux-et- Chantegrue à Mouthier-Haute- Pierre, il a fallu franchir le col du Laveron alors recouvert de 30 cm de neige. Entourée de sa famille et quelques amis, Claire Guyon a rejoint la vallée de la Loue avec ses trois grises du Tyrol.

tallation. En vain…La filière comté en intro- duisant dans son cahier des charges la notion de productivité à l’hectare, conforte aussi les producteurs à garder le plus de sur- faces possible. “Je n’ai rien contre la personne qui a repris cette ferme mais mon seul recours était alors de demander une autorisation d’ex- ploitation concurrente délivrée par la D.D.T.”

La chance semble enfin sourire à Claire Guyon.

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