La Presse Pontissalienne 251 - Novembre 2020
PONTARLIER 14
La Presse Pontissalienne n°251 - Novembre 2020
ARCHÉOLOGIE Fouilles aux Gravilliers Les Varasques sont de retour ! La restitution des fouilles archéologiques des Gravilliers révèle la présence à l’époque mérovingienne d’un village inhabituel et d’une église remarquable dont la conception laisse à penser qu’il s’agit d’un déplacement de population germanique suite à la conquête du royaume des Burgondes par les Francs.
L a présence de plusieurs médias spécialisés en archéologie laissait déjà supposer que les archéo- logues de l’I.N.R.A.P. en charge de la restitution allaient livrer quelques pépites sur les analyses consécutives aux fouilles menées depuis 2011 sur cette future zone d’activité. Le premier diagnostic réalisé sur 21,5 hectares révélait un site d’habitat méro- vingien et sa nécropole mais aussi une occupation mésolithique qui constitue désormais la plus ancienne présence humaine connue à Pontarlier. La fouille de la nécropole qui abrite 700 tombes n’est pas à l’ordre du jour. “On a tra- vaillé sur 8,8 hectares. 3 000 structures ont été fouillées pour mettre à jour un domaine comprenant un noyau central d’1 hectare composé de vastes bâtiments de 200 à 300 m 2 . Autour, on trouve des fonds de cabanes utilisés pour garder de la nourriture, des animaux ou du matériel artisanal.À l’écart, la nécropole et l’église” , expliqueMichiel Gazenbeek, le responsable scientifique du chan- tier. Ce domaine est sans comparaison en France. Le “village” dont le plan très rare en France atteste d’une influence germanique. L’église constitue aussi un élément remarquable. Il s’agit d’un édifice en bois d’une vingtaine demètres de long pour 14 m de large dont le plan est de type basilical. “La construction est tout en bois, sans torchis, ni pierre. On a aussi découvert quelque 70 sépul-
tures disséminées au sein même du vil- lage.” À quelques dizaines de mètres du vil- lage, près d’une source d’eau pérenne captée au moyen d’un tronc évidé, une aire d’abattage de bétail a été identifiée. “Cette boucherie s’étend au moins sur 600 m 2 . Les milliers de restes osseux sont ceux de bœufs et de chevaux. S’agit- il d’une économie d’élevage autarcique ou destinée à l’exportation ? On en saura plus avec les post-fouilles” , com- plète Michiel Gazenbeek avant d’abor- der les éléments liés à la datation. La fondation du domaine prend place au cours de l’époque mérovingienne et son occupation s’étend de 530 à 700. “L’installation est rapide et le départ
Reconstitution du domaine mérovingien avec l’église à l’écart photo F. Gauchet- I.N.R.A.P.).
Un campement de chasse occupé pendant tout le mésolithique
cette époque, Pontarlier fait partie du royaume des Burgondes qui vient d’être conquis par les Francs. “Beaucoup de Varasques venant du sud de la région de Thuringe ont été déplacés par les Francs pour consolider le royaume des Burgondes. Pour l’instant, on ne sait pas d’où venaient les gens qui vivaient dans ce domaine mais on sait que des Varasques, tribu germanique, ont été déplacés sur des lieux stratégiques comme celui des Gravilliers” , subodore Michiel Gazenbeek. L’analyse des tombes montre des indi- vidus porteurs d’épées ainsi qu’une riche bijouterie féminine. Le site des Gravilliers correspondrait alors à un centre domanial plutôt qu’à un simple village de paysans. L’archéologue parle d’une famille de nobles avec toute sa suite. Cet habitat témoigne très pro- bablement d’enjeux géopolitiques dont la mise sous contrôle par le royaume franc du grand axe de circulation, le seul permettant le franchissement du massif jurassien. n F.C.
l’est tout autant. Il se fait de façon ordonnée, sans précipitation.” Ces découvertes soulèvent beaucoup de questions. La proximité de l’axe de passage stratégique de la traversée du Jura, via La Cluse-et-Mijoux, reliant l’Italie à la Gaule du nord n’est pas étrangère à l’implan- tation de ce domaine qui, de par ses carac- téristiques, évoque une transplantation de population. Quand la petite histoire rejoint la grande histoire. À
Ce domaine est sans comparaison en France.
Les fouilles mésolithiques (photos J.-B. Lajoux - I.N.R.A.P.).
L a zone des Gravilliers abrite aussi une très forte densité de silex qui atteste d’une occupation très forte du secteur pendant tout le mésolithique, soit de - 9 800 à - 6 500 avant J.-C. “L’environnement était sensiblement le même que le nôtre avec une forte couverture forestière riche en cerfs, chevreuils, sangliers. Du gibier qui se chasse à l’arc. Ce qui explique la pré- sence de nombreux éléments utilisés pour confectionner des pointes de flèches” , explique Jean-Baptiste Lajoux, l’archéologue responsable de la fouille mésolithique. Les analyses montrent aussi une évo- lution dans la façon de débiter les silex, en passant de la frappe directe à la
percussion indirecte à l’aide d’un burin en os ou en bois. Cette transition s’articule à partir du second mésolithique (- 7 500 avant J.- C.). Elle s’inscrit dans des modifications sociales, économiques. Les silex locaux sont alors abandonnés au profit d’une ou deux sources de matière premières. L'archéologue indique aussi la présence de quelques pièces beaucoup plus anciennes contemporaines de l’homme de Néandertal. Impossible pour l’instant de confirmer ces hypothèses faute de preuves suffisantes. Mais en substance de quoi remettre en cause les fonde- ments historiques de l’arrivée de l’homme sur la haute chaîne juras- sienne. n
Michiel Gazenbeek (veste orange), l’archéologue responsable du chantier de fouilles est venu présenter le village mérovingien mis à jour aux Gravilliers.
Une sépulture en cours de fouille (photo M. Gazenbeek - I.N.R.A.P.).
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