La Presse Pontissalienne 250 - Octobre 2020
DOSSIER I
La Presse Pontissalienne n°250 - Octobre 2020
23
La pression de chasse est néfaste aux populations d’oiseaux Oiseaux d’eau Risque de confusion Les études et les observations des ornithologues convergent pour démontrer que la chasse constitue sans doute l’un des loisirs les plus nuisibles à l’avifaune et aux oiseaux d’eau en particulier. Confirmation avec l’Association pour la Protection du Val Drugeon (A.P.V.D.).
Inscrite sur la liste rouge des espèces menacées, la bécassine des marais reste chassable, au grand dam des ornithologues de la vallée du Drugeon (photo F. Lonchampt).
I l n’y a pas d’étude ornithologique mesurant l’impact de la chasse sur laVallée du Drugeon. L’association se réfère à l’étude menée en 2000 pour mesurer l’influence de la chasse sur les stationnements internuptiaux d’oiseaux d’eau sur la retenue de Biau- fond.* Des dénombrements d’oiseaux d’eau sont effectués depuis 1971 sur ce site franco-suisse. Ouvert à la chasse jusqu’en jan- vier 1980, ce plan d’eau a ensuite béné- ficié d’une protection partielle jusqu’en août 1986 avant d’être totalement sous- trait à la chasse. De quoi engager une étude scientifique sérieuse sur ce lac en forme de croissant de lune d’une superficie de 35 hectares. Les résultats sont éloquents. Sur le plan de la richesse ornithologique, le nombre d’es- pèces d’oiseaux d’eau a d’abord doublé au cours de la seconde période puis elle a été multipliée par 1,3. Au total, il y a donc trois fois plus d’espèces d’oi-
seaux qu’à l’époque où la chasse était autorisée sur l’ensemble du plan d’eau. Si l’on se réfère au nombre d’oiseaux toutes espèces d’oiseaux confondues, la population a été multipliée par qua- tre après l’adoption de la chasse par- tielle puis doublée en protection totale. “Ces observations s’appliquent à d’au- tres plans d’eau. On constate qu’il y a
un oiseau, il y a le risque de tirer sur une espèce protégée ou qui mériterait de l’être. Impossible de pas évoquer le cas de la bécassine des marais, l’un des oiseaux emblématiques de la vallée du Drugeon qui constitue le premier site de nidi- fication en France. “Cet oiseau est tou- jours chassable bien qu’il soit inscrit en liste rouge des espèces menacées en France. Les travaux de reméandrement effectués sur le Drugeon sont favorables à l’avifaune mais les résultats sont contrariés par la pression de chasse.” Problème récurrent de la chasse aux oiseaux : les cartouches contenant du plomb, cause fréquente de saturnisme
au point que la plupart des eaux lacus- tres et fluviales du canton font main- tenant partie des zones d’importance nationale et internationale pour les oiseaux d’eau” (extrait de Nature dans le canton de Genève, bilan de 10 ans d’actions et perspectives). Le compor- tement des oiseaux dans les zones pro- tégées est également symptomatique. “Plus faciles à observer, ils sont moins farouches” , confirme l’ornithologue. L’association pointe du doigt les confu- sions et les erreurs d’identification qui peuvent survenir à la chasse aux oiseaux d’eau, surtout quand elle est pratiquée dans demauvaises conditions de visibilité. Au-delà du fait de tuer
aviaire. La vallée duDrugeon n’est pas exempte d’actes de braconnage comme le perçage des œufs de cygne. L’oiseau se déve- lopperait au détriment d’autres espèces chassables. “On ne demande qu’une chose, arrêter la chasse pendant 10 ans sur la vallée et voyons ce qu’il en advient” suggère l’ornithologue en sou- lignant quand même les bienfaits de certaines actions des agriculteurs qui jouent le jeu des fauches tardives pour préserver des nichées. Une lueur d’es- poir. F.C.
7 à 10 fois plus d’oiseaux d’eau sur un site mis tota- lement ou partiellement en réserve” , explique l’un des membres de l’A.P.V.D. Autre exemple dans le canton de Genève où l’in- terdiction de chasse avait été approuvée par une votation populaire en 1974. “Les effectifs et la diversité d’oiseaux d’eau et des canards hivernants ont fortement augmenté
“On demande d’arrêter la chasse pendant 10 ans sur la vallée.”
*Frédéric Lonchampt et Dominique Michelat
Pour protéger des vies humaines et la faune Initiative Sécurité Des piquets réfléchissants fleurissent au bord des routes du Doubs. Payés par les chasseurs, le Dépar- tement, l’assurance Groupama, à quoi servent-ils ?
La Suisse embêtée de ne plus avoir de chasseurs Le mauvais exemple suisse Genève Le canton de Genève a interdit la chasse depuis 1974. Il a confié la régulation des animaux à des
un véhicule. Avec environ 250 collisions évitées, on estime à 500 000 euros l’économie pour les assurances” dit la Fédération. N’est pas compté le nombre de morts évités. En France, 30 personnes décè- dent sur la route tous les ans en raison d’une collision avec un grand gibier. En septembre 2018, un motard avait perdu la vie à la sortie de Grand’Combe-Cha- teleu après avoir percuté un san- glier. Il n’y avait pas de piquets dans cette zone. Initiée en 2016, cettemesure doit être poursuivie à raison de 1 200 réflecteurs par an. La Fédération recherche de nouveaux partenaires pour équi- per davantage de routes. Une ombre au tableau : ce matériel installé et replacé bénévolement par les associations de chasse est victime de vols ou de dégra- dations.La fédération a déposé plainte. “Des procédures sont sur le point d’aboutir.”
L a nuit sur les routes dépar- tementales de Chaux- Neuve,Mouthe,Valdahon, Étalans, Orchamps-Vennes… les feux de croisement de votre véhicule ont sans doute déjà éclairé des piquets réfléchissants donnant à la route un air de piste d’atterrissage. Ils ne sont pas là pour vous guider en cas de brouillard. “Ils sont là pour protéger la faune et les automo- bilistes. Quand la lumière réflé- chit, l’animal s’arrête avant de franchir la route” explique Mor- gane Laithier, chargée demission au sein de la fédération dépar- tementale des chasseurs du Doubs. 5 300 piquets de ce type sont posés dans le Doubs sur 40 communes, soit 50 km de routes départementales protégées. La Fédération de chasse a choisi ce système plutôt que des gril- lages qui font obstacle aux dépla- cements des animaux. Et visi- blement, cela fonctionne. “Le système est très efficace à 80 % voire 100 %. Nous avons d’excel- lents retours à Maîche car c’est là-bas que nous avons le plus de
recul, 4 ans.” Moins de collisions, c’est bien sûr moins de mortalité pour la faune et moins d’acci- dents. En France, les experts estiment à 2 100 le nombre de collisions, soit 5,7 par jour ! Dans le Doubs, les secteurs acciden- togènes ont été définis. Ce dispositif coûte cher. Il est supporté financièrement par la Fédération départementale des chasseurs du Doubs, le Dépar- tement du Doubs et depuis peu l’assureur Groupama. “Une col- lision coûte en moyenne 2 000 euros de réparation pour
L es associations anti- chasse font du canton de Genève un exemple. Elles font croire que la faune y vit dans les meilleures conditions du monde parce que les chas- seurs ne sont plus là. Faux. Pour remplacer les chasseurs, ce sont des garde-faune qui sont payés par le contribuable pour abattre le gibier, le tout de nuit. Un coût supporté par le canton et les contribuables. Dans ce canton, les dégâts ont littéralement explosé. Dans d’autres cantons, comme àVaud, c’est la pénurie de chas- seurs qui inquiète. Là-bas, il n’y a que 700 chasseurs pour cher et pas toujours efficace. Le canton de Vaud est inquiet… garde-faune payés par le contribuable. C’est
La chasse à Genève est interdite depuis 1974. Le gibier est abattu par des gardes payés par le contribuable.
un territoire de 3 212 km 2 . C’est bien trop peu pour réguler cerfs, sangliers et chevreuils qui génè- rent plus d’1,2 million d’euros de dégâts par an. La pression est devenue telle que les forestiers notamment sur le massif du Mont d’Or et du Risoux s’impatientent. Au-
delà de la pratique de la chasse qui intéressemoins, le problème viendrait de l’examen du permis de chasse, qui rebute de nom- breux candidats en Suisse. Il faut se former environ 70 heures - sur une période de 8 mois - pour espérer l’obtenir.
Les piquets sont efficaces la nuit et protègent des collisions.
Made with FlippingBook HTML5