La Presse Pontissalienne 247 - Juillet 2020

La Presse Pontissalienne n°247 - Juillet 2020

7

l Avenir Association “L’arrivée du loup peut favoriser le recrutement d’un berger” Quentin Putelat préside depuis 2014 l’association des bergers du Jura franco-suisse et amis. Tour d’horizon des projets et de l’actualité des bergers jurassiens.

Berger depuis huit ans au Grand Son- nailley, Quen- tin Putelat passe tout l’été en alpage

L a Presse Pontissalienne :Vous êtes berger à quel endroit ? Quentin Putelat : Je suis berger depuis huit ans et j’ai toujours exercé au Grand Sonnailley situé à 1 330 m d’altitude près de la Dôle. Ce petit alpage suisse de 50 hectares présente la particularité d’avoir un quart de sa surface en France. L.P.P. : Vous adhérez à l’association depuis le début ? Q.P. : J’ai adhéré en 2011, deux ans avant de trouver ma place de berger. On a longtemps porté une étiquette “écolo”. Le contexte est aujourd’hui moins tendu, plus porté sur le dialogue. On fonctionne toujours en effectif fluc- tuant qui varie de 40 à 100 membres selon les enjeux à défendre. On s’oriente vers une présidence collégiale. L.P.P. : Cette association existe pour défendre les intérêts des bergers jurassiens ? Q.P. : Oui, mais pas que.Au fil du temps, on a développé une activité basée sur

avec sa famille.

la formation continue. Les sujets sont variés et portent sur la gestion des bêtes, bovins ou ovins, les produits qui en découlent comme la laine, la réno- vation des murgers, la faune, la flore… On essaie de proposer quatre séances de formation chaque été. L.P.P. : D’autres actions ? Q.P. : Tous les deux ans, on organise le

bergers et bergères de France. Cette structure s’investit notamment pour l’inscription du pastoralisme et de la transhumance au patrimoine imma- tériel de l’Unesco. C’est un gros travail. Cette reconnaissance a déjà été validée par le ministère de l’Agriculture. Il reste encore à franchir l’étape euro- péenne et mondiale. L.P.P. : Êtes-vous confiant dans l’avenir des bergers jurassiens ? Q.P. : Lemonde change et le pastoralisme s’adapte. C’est important de distinguer les deux versants du massif jurassien. Les bergers suisses sont plutôt bien lotis. Ils sont plus nécessaires qu’en France car les éleveurs installés dans la plaine lémanique sont plus éloignés des alpages. Comme ils manquent sou- vent de surfaces, ils ont besoin que leurs bêtes montent. Le pastoralisme est vraiment ancré dans la culture

suisse. Il y a une vraie volonté politique de pérenniser cette tradition. Cela se vérifie aussi sur le plan des rémuné- rations. Côté français, la proximité entre les fermes et les alpages rend moins nécessaire les bergers. Il en reste quand même. L’arrivée du loup peut favoriser le recrutement d’un berger. C’est sans doute la meilleure protec- tion. Sur le plan environnemental, la reva- lorisation des biotopes plaide aussi en faveur du berger qui gère les chardons, les orties, les ronces. Il limite l’enfri- chement de façon plus qualitative que les engins mécaniques. On intervient plus efficacement contre les campa- gnols. Quand le berger passe tout l’été au chalet, il participe aussi à l’entretien du bâti. Sans oublier son rôle social vis-à-vis des autres usagers des alpages : promeneurs, cueilleurs… n Propos recueillis par F.C.

gers du Sahel, du Maghreb et même un député du Ladakh pour échanger sur nos pratiques lors de la dernière édition du festival qui s’est tenue en mai 2018 à la Petite Échelle. Le festival sert aussi de support à la formation Gestion et Protection de la Nature dis- pensée au C.F.P.P.A. de Montmorot. La prochaine édition devrait avoir lieu en 2021. L.P.P. : Quels sont vos projets ? Q.P. : On veut mettre en place une for- mation de berger, type B.P.R.E.A., avec le C.F.P.P.A. de Montmorot, permettant d’exercer comme berger salarié voire comme futur agriculteur. Ce serait une nouveauté française. Le projet est bien engagé. L.P.P. : Rien d’autre à annoncer ? Q.P. : On fait partie depuis quatre ans de la fédération des associations des

festival des bergers. C’est un temps fort dans la vie de l’association. Il se structure en trois volets : accueil du public, des scolaires et des pro- fessionnels. En 2018, on a répondu à l’invitation d’un ethnologue séné- galais qui est aussi gar- dien de troupeau dans le Sahel. La rencontre a eu lieu à Mantes-la- Jolie. Suite à ces échanges, on a accueilli des délégations de ber-

“On a longtemps porté une étiquette écolo.”

l Chaux-Neuve Une vie à l’alpage Claire-Lise, bergère à la Landoz-Renaud depuis 1986

S auvage la bergère ? Pas forcément quand elle évoque tous ces étés pas- sés avec ses enfants, l’ac- cueil des scolaires, des amis tou- jours prêts à venir se ressourcer

Toute jeune retraitée, cette Genevoise ancienne animatrice d’ateliers de percussion a trouvé dans les alpages une quiétude, un rythme de vie qui contraste avec son univers citadin.

au chalet de la Landoz-Renaud. Claire-Lise serait plutôt adepte de la sobriété heureuse, chère à Pierre Rabhi. “C’est vrai qu’ici, il faut aimer la vie rustique, ne pas avoir peur de rester une semaine sans voir personne. Par mauvais temps, ce qui arrive de temps en temps dans la saison, j’en profite pour lire et m’adonner à des jeux cérébraux” , sourit ce petit bout de femme pas plus effrayé que cela de vivre avec pour seule compagnie son chat et les bêtes. Avec le temps, elle admet que le métier devient plus éprouvant physiquement. “C’est là qu’on s’aperçoit qu’on vieillit…” Les premiers jours sur l’alpage sont toujours sportifs. La bergère de la Landoz-Renaud gère un petit troupeau de 38 génisses et 8 veaux qui appartiennent à deux agriculteurs. Des amodiataires qui louent chaque année ce cha- let appartenant à un banquier parisien. “Ici, toutes les bêtes sont attachées en journée. Il leur faut quelques semaines pour qu’elles s’habituent. Quand il fait très chaud, elles reviennent

tricité ou presque, si ce n’est quelques panneaux solaires pour s’éclairer et recharger des petits appareils à batterie. Du progrès, elle apprécie aussi l’arrivée du portable. Un moyen pratique de garder le lien avec la famille et de pouvoir contacter rapidement ses employeurs en cas de gros problème avec une bête. Elle a aussi la charge d’en- tretenir l’alpage notamment vis- à-vis des chardons. “Ce n’est plus une corvée comme au début. Je les fauche régulièrement pour les brûler. J’en ai de moins en moins.” Il lui revient aussi de gérer les parcs où sont mises les bêtes en pâture. Claire-Lise est aussi jardinière : carottes, poireaux, choux-raves, courgettes, petits pois occupent son potager. Dans son petit loge- ment, on aperçoit deux grandes poêles suspendues sur le mur au-dessus du poêle à bois. “On les utilise une fois par saison, le second week-end de septembre en souvenir d’un ancien berger libre-penseur. Cette tradition dure depuis 27 ans.” n F.C.

toutes seules se mettre à l’ombre et à l’abri des mouches. Les ren- trer en journée permet aussi d’économiser de l’herbe et de l’eau car je suis sur un petit alpage et j’ai parfois des soucis d’eau. On est obligé de temps en temps de faire monter un camion-citerne.” Claire-Lise aime s’occuper des bêtes. Le matin, elle les récupère vers 9 heures ou 10 heures et les libère en fin d’après-midi. “Le fait de les attacher assure aussi un meilleur contrôle. Il n’est pas rare d’avoir à soigner un gros pied ou une mammite.” Quand le traitement dépasse ses capacités, elle appelle à la rescousse ses voisins bergers de la Jaïque et de la Cernay. Des anciens avec qui elle s’entend parfaitement. Une fois par semaine, elle se rend au marché de Mouthe où elle retrouve d’autres bergers du secteur. “On est moins nom- breux qu’avant car il y a moins de chalets gardés.” Elle n’oublie pas de faire un tour à la laverie installée à A.T.A.C.. Une béné- diction quand on vit sans élec-

Heureuse, la bergère de la Landoz- Renaud fidèle au poste depuis 34 ans.

Made with FlippingBook Annual report