La Presse Pontissalienne 247 - Juillet 2020

La Presse Pontissalienne n°247 - Juillet 2020 L’ÉVÉNEMENT

L’ALPAGE, L’AUTRE TRÉSOR DU HAUT-DOUBS

Terroir du berger, de la grande gentiane, des troupeaux de génisses, du pré-bois, des chalets séculaires : les alpages représentent encore et toujours les paysages les plus emblématiques du massif du Jura. Jusqu’à quand ? Éléments de réponse.

Les Longevilles-Mont d’Or

Un appauvrissement floristique

Alpage de La Grangette

Les pelouses sèches et les pré-bois résistent mieux au changement climatique L’alpage de la Grangette fait partie du programme

le Conservatoire botanique, le Parc travaille avec les chambres d’agricultures concernées : Ain, Doubs-Territoire de Belfort, Jura, la réserve naturelle de la Haute Chaîne du Jura. L’alpage de la Grangette s’étend sur une centaine d’hectares. Il est géré par le syndicat pastoral des Longevilles-Mont d’Or. “Trois exploitations du village montent des génisses à la Grangette. En quelques années, on est passé de 80 à 130 bêtes. On se retrouve en situation de surpâturage” , recon- naît Michel Raguin, l’agriculteur Botaniste au Conservatoire bota- nique de Franche-Comté, Bredan Greffier intervient régulièrement sur les alpages et communaux pour réaliser des inventaires flo- ristiques. Lui aussi constate plu- sieurs phénomènes. “En travail- lant sur la recherche d’espèces patrimoniales, on observe la migration en altitude de certaines espèces comme la gentiane

fonction du nombre de bêtes. Conséquences : on assiste à un retour du cheptel bovin français au détriment des vaches suisses. La pression de pâturage aug- mente sur l’ensemble des espaces pastoraux franco-suisses. “On sait que l’adaptation floristique au réchauffement climatique est beaucoup plus lente que l’adap- tation du monde agricole. C’est la conjonction des deux qu’il fau- dra combiner. Les alpages qui s’en sortent le mieux sur la ques- tion de la diversité floristique sont ceux où il y a une grande flexibilité dans les pratiques” , poursuit le technicien du Parc du Haut-Jura. Dernier constat et non des moin- dres : le pré-bois si spécifique et riche de biodiversité tend à dis- paraître sur l’ensemble des alpages jurassiens. Dommage, car ce milieu est le vivant sym- bole d’une agroforesterie ances- trale qui constitue aujourd’hui une réponse au changement cli- matique. n F.C. acaule qu’on ne retrouve plus en dessous de 1 000md’altitude. C’est typiquement l’effet du réchauffement.” Sur les alpages proprement dits, il note lui aussi une tendance à l'appauvrisse- ment floristique sans doute accentuée par des pratiques agro-pastorales néfastes comme le surpâturage ou le casse- cailloux. n

M ême s’il est encore prématuré de tirer un bilan sur l’al- page de la Gran- gette, quelques tendances se dégagent. “Dans les années sèches comme ce fut le cas en 2018 et 2019, on note de grosses dif- férences sur le plan de la pro- duction d’herbe en début de sai- son. Les pelouses et les pré-bois résistent mieux à la sécheresse contrairement aux prairies grasses qui ont plus de mal à retrouver leurs niveaux de pro- duction” , observe Jean-Yves Vansteelant, chargé de mission agriculture auParc naturel régio- nal du Haut-Jura. Le programme “Alpages Senti- nelles” est né dans le massif des Écrins suite aux épisodes de sécheresse des années 2000. Le Parc du Haut-Jura a décidé de le mettre en place sur son ter- ritoire en 2017. Il concerne aujourd’hui quatre alpages répar- tis sur toute la haute chaîne : alpages du Sorgia et de la Pil-

larde dans l’Ain, alpage de la Dollarde sur la commune de Pré- manon dans le Jura et l’alpage de la Grangette aux Longevilles- Mont-d’Or. Il y en aura bientôt un cinquième, celui de la Che- naillotte dans L’Ain. L’objectif est de qualifier l’évo- lution des pratiques des alpa- gistes et des végétations en lien avec l’évolution climatique. Ce dispositif est financé dans le cadre du programme Leader du Parc naturel avec le soutien du Commissariat de Massif et du Département duDoubs qui com- pense la participation de l’Europe sur l’alpage de la Grangette qui n’est pas sur le territoire couvert par le Leader. “Sur chaque alpage, on a mis en place quatre placettes où le Conservatoire bota- nique effectue des relevés tous les cinq ans. On mesure la hau- teur d’herbe chaque année. On effectue également une tournée en fin de saison pour évaluer la qualité de pâturage en concerta- tion avec les agriculteurs.” Outre

“Alpages sentinelles”, un dispositif national qui vise à comprendre et anticiper les effets u changement climatique.

président du syn- dicat pastoral. Plusieurs raisons à cela : le cheptel de lait à comté qui n’en finit pas de grossir, le mode d’attribution des Mesures Agro- environnemen- tales et clima- tiques dont le montant varie en

La pression de pâturage augmente sur l’ensemble des espaces.

“On mesure la hauteur d’herbe chaque année”, explique Jean-Yves Vansteelant, à gauche, le technicien agricole du Parc du Haut-Jura ici en com- pagnie de Michel Raguin qui préside le groupement pastoral des Longevilles-Mont d’Or.

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