La Presse Pontissalienne 239 - Septembre 2019

ÉCONOMIE 38

La Presse Pontissalienne n°239 - Septembre 2019

INDUSTRIE Schrader Pacific Advanced Valves “On constate au bout d’un an que les actes s’associent aux paroles” Un an après le rachat par le groupe japonais Pacific Industries Co, comment les choses ont-elles évolué au sein de l’entreprise pontissalienne Schrader ? Éléments de réponse avec le directeur Damien Tournier.

“On a gardé notre degré de liberté”, apprécie Damien Tournier, le directeur de Schrader Pacific Advanced Valves.

L a Presse Pontissalienne : Le fonctionnement de l’entreprise a-t-il beaucoup changé un an après son rachat par le groupe japonais Pacific ? DamienTournier : Il n’y a eu aucune incidence, aucun impact à court terme. Les Japonais n’ont rien voulu changer. Ils ont maintenu le même directeur, la même équipe de direction pour assurer la continuité, et lever les inquié- tudes vis-à-vis du personnel et des clients. L.P.P. : Comment communiquez-vous avec eux ? D.T. : Un cadre japonais a été dépêché à Pontarlier pour faire le lien en permanence avec la maison-mère, le temps de se com- prendre. Il n’y a pas d’ingérence directe mais au contraire beau- coup d’écoute et d’échange. Le groupe Pacific était notre prin- cipal concurrent, nous voilà maintenant associés. Il connais- sait déjà très bien nos produits, nos process. Le handicap est d’avoir des cultures différentes dans le raisonnement. Le rap- prochement permet d’associer deux savoir-faire en cumulant

nos parts de marché respectives sur nos deux fabrications prin- cipales, à savoir les valves de roue et les valves de climatisa- tion. Pacific n’était pratiquement pas présent en Europe à l’excep- tion d’un bureau de vente en Belgique.Aujourd'hui, la volonté du groupe est claire et consiste à faire du développement en Europe. L.P.P. : Quelles sont les actions entre- prises pour tendre vers cet objectif ? D.T. : En premier lieu, améliorer l’outil de production pour qu’il reste compétitif sur le marché mondial. Il faut également se donner les moyens de la crois- sance. Cela passe par le renfor- cement des équipes commer- ciales et de développement. On va procéder à 23 recrutements dont 11 en bureau d’études. C’est l’objectif. 16 postes sont aujourd’hui pourvus. Le seul frein, c’est de trouver les candi- dats qui ne sont pas légion car on manque cruellement d’ingé- nieurs en France. On a deux défis à relever : les attirer chez Schrader puis les convaincre de venir jusqu’à Pontarlier.

L.P.P. : Une question d’attractivité du Haut-Doubs ? D.T. : Le cadre de vie n’est pas désagréable mais ici le logement est rare et cher. Si la personne veut rester sur Besançon se pose alors la question du transport. On doit aussi penser à l’em- bauche du conjoint. Certes il y a la Suisse, mais avec ses avan- tages et ses inconvénients. Comme on peine aussi à trouver du personnel qualifié, on a mis en place une école de formation interne. L.P.P. :Dans quel domaine et avec quels candidats ? D.T. : On a lancé un premier module axé sur l’usinage qui s’adresse aux salariés comme aux intérimaires. La première session regroupait six personnes qui venaient en formation deux jours par semaine pendant six mois. Le projet a été mené avec l’A.F.P.I. Tous les candidats ont décroché un diplôme reconnu sur le marché du travail. Une seconde session va démarrer en septembre pour former six conducteurs de ligne d’usinage,

dialogue est maintenu tout au long de l’année. J’anime des ses- sions d’information auprès du personnel chaque trimestre. Il n’y a rien à cacher. On encourage les salariés sur certaines actions. Je pense par exemple au système de cooptation en interne pour le recrutement. Un salarié peut nous soumettre la candidature d’une connaissance et si cela aboutit à une embauche, il sera récompensé. De la même façon, on sollicite aussi le personnel compétent : techniciens, ingé- nieurs, pour assurer la promotion de l’entreprise et de nos métiers quand on se déplace sur des forums d’emploi ou dans des écoles d’ingénieur. L.P.P. : Sur le plan de la production, comment évolue l’activité depuis un an ? D.T. : On est en baisse, mais cela n’a pas donné lieu à des mouve- ments d’arrêts ou transferts de production ni de réduction d’ef- fectifs. On est tributaire dumar- ché mondial de l’automobile sachant qu’on exporte 75 % de la production. On a subi l’évo- lution des normes anti-pollution, lamise au ban des véhicules die- sel…Les tensions économiques entre les États-Unis et la Chine n’arrangent rien. Le contexte n’est pas très favorable à l’in- dustrie automobile, on suit donc la tendance. Face à cette baisse de commandes, on ajuste l’effectif en diminuant le nombre d’inté- rimaires. Ce fléchissement n’a pas remis en cause les objectifs définis lors du rachat. On conti- nue à recruter pour se donner les moyens de concevoir de nou- veaux produits et de conquérir de nouveauxmarchés. Pour faire du développement commercial, il faut des équipes en consé- quence. Quand le diesel fléchit, on s’ouvre sur d’autres motori- sations comme l’électricité ou l’hydrogène car les valves des systèmes de climatisation ne sont pas les mêmes. À nous d’adapter notre savoir-faire. L.P.P. : Peut-on dire dans ce cas que le groupe Pacific apporte un nouvel élan ? D.T. : Oui tout à fait. Et cela se vérifie aussi au niveau de la poli- tique d’investissement. En un an, on n’a déposé pas moins de trois demandes de permis de

construire pour faire le bâtiment abritant l’école de formation, transformer un quai de charge- ment et engager un remodelage du parking. On a aussi effectué des travaux de rénovation sur les toitures et le réseau élec- trique. L.P.P. :Des signes rassurants sur l’avenir du site pontissalien ? D.T. : Oui, c’est très positif. En 10 ans, on a connu cinq actionnaires différents et ils nous ont bien indiqué qu’ils comptaient bien être les derniers. Sans préjuger de l’avenir, on constate au bout d’un an que les actes s’associent aux paroles. On a enregistré une baisse d’activité de 5 à 6 % et malgré tout on a complété les effectifs en R &D tout en inves- tissant dans la modernisation de l’outil de production. C’est l’essence même d’une stratégie de développement. L.P.P. : Sans entrer dans des considé- rations trop techniques, à quoi res- semblera la valve de demain ? D.T. : De passive, elle deviendra plus active, c’est-à-dire avec des possibilités de pilotage. On tra- vaille là-dessus et on a pu res- sortir de vieux projets des tiroirs qui allaient dans ce sens. C’est l’intérêt d’être racheté par un groupe qui fabrique les mêmes produits que nous. On est plus en phase avec Pacific. Cela per- met aussi de prendre des enga- gements clients. L.P.P. : Quels sont les objectifs visés à travers cette stratégie de développe- ment ? D.T. : En 2019, on va réaliser un chiffre d’affaires qui variera entre 80 et 85 millions d’euros. D’ici cinq ans, le cap est fixé à 125 millions d’euros et pour pro- gresser jusqu’à 180millions d’eu- ros en 2029. C’est une ambition mais si on n’y arrive pas, il n’y aura pas non plus de sanction, de punition. On peut parler de challenge sans épée de Damo- clès. L.P.P. : Un challenge qui vous plaît ? D.T. : Tout à fait, car on a gardé notre degré de liberté. En contre- partie, il faut jouer carte sur table, nos dirigeants japonais aiment la réalité des choses mais détestent les surprises. n Propos recueillis par F.C.

dont deux femmes. On envisage aussi de renouveler l’expérience pour avoir davantage de conduc- teurs de machines semi-auto- matiques. On investit dans la formation avec l’espoir de garder ce personnel en sachant qu’il y a toujours des risques de départ. L.P.P. : Comment agit Schrader Pacific Advanced Valves pour fidéliser le per- sonnel ? D.T. : On concentre nos efforts pour améliorer la qualité de vie, c’est-à-dire les conditions de vie autour du travail. On a participé à la création d’une conciergerie, en fonction depuis avril. C’est un nouveau service qui demande un temps d’adaptation, d’appro- priation. Le prestataire qui s’en occupe est plutôt confiant. On a commencé avec des petits ser- vices comme l’approvisionne- ment en pain, la réception de colis, le repassage du linge, etc. On souhaite aussi travailler avec des partenaires locaux. Il y a tout un réseau à construire. L.P.P. : Seriez-vous intéressé par une crèche inter-entreprises ? D.T. : Oui, c’est une approche inté- ressante mais aussi assez com- plexe à mettre en place. Au niveau d’une entreprise comme la nôtre, on pourrait avoir besoin de quatre ou cinq places. La réflexion est en cours. La fidé- lisation passe aussi par le soutien financier apporté au comité d’en- treprise et au club plein air qui organise des activités sportives et ludiques à vélo, canoë, ski… L.P.P. :Les nouveaux sont bien accueillis chez Schrader Pacific ? D.T. : C’est un point très important et on y veille tout particulière- ment. Comme dans d’autres entreprises, on travaille avec un parcours d’intégration. Cela com- mence avant même que les gens arrivent, on leur apporte un cer- tain nombre d’éléments pour qu’ils puissent trouver un loge- ment, scolariser les enfants, les orienter vers les organismes adé- quats dont on a besoin quand on change de région. Ce parcours se poursuit en interne dans la prise de poste. On fait un point au bout de quelques semaines pour faire en sorte que les gens soient plus à l’aise avec leur envi- ronnement et qu’ils n’hésitent pas à poser des questions. Le

Pour répondre à ses besoins en main-d’œuvre qualifiée, l’entreprise a ouvert une école de formation où chacun stagiaire est accompagné d’un tuteur. La première session a permis de former 6 conducteurs de ligne d’usinage.

Conception d’une vanne de purge hydrogène.

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