La Presse Pontissalienne 191 - Septembre 2015
LE DOSSIER
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La Presse Pontissalienne n° 191 - Septembre 2015
Trois questions à… “Le frontalier est complètement fondu dans le paysage” Sociologue et enseignant à l’Université de Genève en relations internationales et sciences politiques, Cédric Dupont commente les résultats de cette enquête.
Enquête Le profil des frontaliers selon leur âge et nationalité
Selon Cédric Dupont, enseignant et sociologue en Suisse, “on observe une élévation progressive du niveau de formation des frontaliers.”
C’est à dire : La Suisse aura-t-elle encore besoin de toujours plus de frontaliers ? Cédric Dupont : Vu les perspectives de croissance et de développement de notre pays, ce sera sans doute le cas, en tout cas dans un futur proche. D’autant que dans les classements internationaux, concernant les indices d’innovation, il apparaît que c’est la Suisse qui est la mieux classée au monde et qui investit le plus dans la recherche et le développement. Tout cela fait que des dizaines de milliers d’emplois d’ingénieurs devraient encore s’ouvrir, notamment dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Même cho- se dans la santé où les besoins ne peuvent qu’augmenter. Je ne vois pas com- ment sans les travailleurs frontaliers le système de santé suisse pourrait fonc- tionner. Càd : Quels enseignements avez-vous tiré de cette enquête ? C.D. : Ce que j’ai trouvé intéressant est qu’elle venait contredire certaines idées véhiculées notamment par des journaux populaires, selon lesquelles par exemple le frontalier venait juste profiter de la Suisse. Or, c’est quelqu’un qui est inté- gré, qui a des relations sociales, une vie sur le territoire helvétique. Pour moi, le frontalier est quelqu’un qui est complètement fondu dans le paysage. On voit aussi que comme les emplois ne sont pas où sont les logements, le pro- blème colossal est devenu le trafic. Il faut bien se dire pourtant que les fron- taliers font partie de la réalité et qu’il faut tenir compte de cette réalité pour améliorer les infrastructures de transport. Càd : Autre surprise ? C.D. : Le fait que tous les niveaux de formation soient concernés par le travail frontalier et que de manière générale, on observe une élévation progressive du niveau de formation des frontaliers. Aujourd’hui dans le négoce ou le tra- ding, on voit arriver des frontaliers hyper pointus et hyper qualifiés. C’est un phénomène plutôt nouveau. Propos recueillis par J.-F.H.
années à venir” confirme Pierre Fort. D’où le besoin criant de logements sur la bande frontalière, la Haut-Doubs mor- tuacien ou pontissalien étant un des exemples les plus forts. La stabilité de l’emploi est un des autres enseignements de l’enquête. En effet, 92 % des frontaliers ont un C.D.I. et 57 % d’entre eux travaillent en Suisse depuis plus de dix ans. Par ailleurs, le marché du travail frontalier est ouvert à tous les niveaux de qualification. 32 % des frontaliers disposent d’un C.A.P. ou d’un B.E.P., 16 % d’un B.T.S. ou d’un D.U.T., 16 autres % d’une licence ou d’un Mas- ter 1 et 14 % d’un Bac + 5. “C’est sur les hauts niveaux de qualification que la Suisse manque cruellement de main- d’œuvre. Dans les années à venir, la Suis- se accusera un déficit de 100 000 ingé- nieurs. Une raison de plus de croire que ce besoin en main-d’œuvre frontalière ne va faire qu’augmenter” ajoute Cédric Dupont. La question des salaires et des habi- tudes en matière de change a également été abordée dans cette enquête. On y apprend notamment que 71 % des fron- taliers changent 60 % ou plus de leur salaire en euros. 37 % d’entre eux consul- tent le cours du change pour rapatrier leur salaire. Mais, petite surprise, beau-
coup de frontaliers gar- dent leur argent en Suis- se. “Bien sûr depuis le 15 janvier dernier, le cours du change s’est reposi- tionné au cœur de la vie des frontaliers. Depuis cet- te date, 20 % des fronta- liers font la queue pour aller changer leur salai- re en cash ” observe Cathe- rine Galvez, directrice générale de Crédit Agri- cole Financements Suis- se. “Le 15 janvier, les volumes de retraits
moitié des frontaliers ne paient pas plus cher” confirme un expert. Autre cliché envolé. L’intégration des frontaliers en Suisse a également fait l’objet d’un question- nement. Il apparaît que 96 % des fron- taliers, pour ne pas dire tous, se sentent bien intégrés dans leur entreprise suis- se. Ils se disent à 72 % “socialement inté- grés” en Suisse et déclarent à 64 % avoir des relations sociales en Suisse en dehors de leur entreprise. Le cliché du fronta- lier qui ne met les pieds en Suisse que pour son travail s’envole aussi. “Pour beaucoup d’entre eux, la frontière n’est même pas une frontière” commente Cédric Dupont. “Il y a longtemps en effet que la frontière, on l’a gommée” ajoute Michel Charrat. Une véritable identité trans- frontalière s’est constituée au fil du temps. On dit le frontalier dépensier et impré- voyant ? Faux. 86 % d’entre eux épar- gnent, et près d’un sur deux le fait en Suisse. Deux frontaliers sur trois épar- gnent moins de 500 euros par mois. En Franche-Comté, 8,5 % des travailleurs frontaliers déclarent même épargner plus de 2 000 euros par mois ! On croyait les frontaliers cigales, ils se révèlent fourmis. J.-F.H.
C.M.U. : la moitié des frontaliers ne paient pas plus cher.
d’argent ont été multipliés par dix” se souvient Pierre Fort. Ceci dit, ce n’est pas pour autant un fleuve tranquille que de vivre en zone euro avec un salai- re en franc suisse car si cette situation apporte des opportunités, on l’a vu en début d’année, elle peut aussi être une menace quand le mouvement s’inverse. L’autre sujet qui a fait récemment débat dans le monde des frontaliers est celui de l’assurance-maladie. Avant la sup- pression du libre choix, 8 frontaliers sur 10 déclaraient que le passage à la C.M.U. allait avoir un impact négatif sur leur budget. “Pour 60 % d’entre eux, ce n’a pas été une réalité” tempère l’étude. “La
commun, les solutions ne sont pas enco- re adéquates, notamment en Franche- Comté. “Les transports sont devenus la problématique essentielle. Les temps de parcours ont doublé en dix ans. On dit que les frontaliers ne prennent pas les transports en commun. C’est faux : dès qu’il y a un transport en commun effi- cace, ils s’en saisissent” confirme Michel Charrat. Cette augmentation du trafic
participe aussi, hélas, à l’augmentation constatée du sentiment anti-frontalier. Sur le plan du logement, l’étude a livré une information importante. 22 % seu- lement des frontaliers étaient déjà pro- priétaires avant de venir travailler en Suisse. 76 % le sont ensuite. “En effet, trois frontaliers sur quatre sont pro- priétaires et un locataire sur deux décla- re vouloir acheter son logement dans les
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