La Presse Pontissalienne 186 - Avril 2015

La Presse Pontissalienne n° 186 - Avril 2015

7

Le village oublié Haut moyen-âge Unique en Franche-Comté sous Pontarlier La future zone d’activité des Gravilliers abrite un habitat et une nécropole mérovingienne. Cette découverte conforte l’antériorité de la sédentarisation de l’homme dans le Haut-Doubs.

L e sous-sol du Haut-Doubs n’en finit pas de nous surprendre. Il nous a d’abord livré dans la Chaux d’Arlier tout une série de tumuli de l’âge de bronze et du fer. Ces sépultures en forme de tertre témoi- gnent de la présence ou du passage de populations sans doute d’origine cel- te, bien avant les premiers défriche- ments médiévaux. En 1987, la décou- verte à Doubs de la nécropole mérovingienne de la Grande Oye a permis de mettre au jour près de 600 sépultures. En programmant la réalisation d’une zone d’activité à la sortie de Pontar- lier, sur la zone dite des Gravilliers, la C.C.L. était loin de se douter qu’elle allait tomber sur un os, voire des mil- liers d’os humains. La réalisation du diagnostic archéologique sur cette zone remonte à juin 2011. Là où les pros- pections pédestres laissaient entrevoir des indices d’occupation protohisto- rique de type tumuli, les sondages ont révélé un habitat et une nécropole

Grande Oye. Elle renferme 71 sépul- tures : 49 simples et 22 multiples. En tout, 700 tombes ont été identifiées sur une surface d’un hectare environ. Pour trouver des sites identiques, il faut se rendre en Alsace, en Cham- pagne ou plus près de nous en Suisse à Develier-Courtételle dans le canton du Jura près de Delémont. Le village mérovingien des Gravilliers ouvre des perspectives d’étude tant dans le domaine du funéraire que dans celui de l’habitat du haut moyen-âge où des lacunes très importantes sub- sistent. Mais la fouille d’un site d’une telle importance n’est pas gratuite. Il en coûterait près de 2 millions d’euros à la C.C.L. pour qu’il révèle tous ses secrets. Une option non retenue par les décideurs qui limiteront l’intervention au strict nécessaire de façon à pouvoir viabiliser une partie de la zone sans doute en évitant la nécropole. Nos ancêtres peuvent dor- mir tranquille.

9 m x 7 m. Le mobilier collecté reste d’une gran- de simplicité. Pas de bijoux, parures mais plutôt des tessons céramiques et des récipients en pierre ollaire, sou- vent utilisés pour les préparations culi-

mérovingienne. Un habitat de cette taille est pour l’instant unique en Franche-Comté. En marge de cet ensemble assez excep- tionnel, les archéologues ont aussi trou- vé des pièces lithiques : lamelles,micro- burins, nucleus datés du mésolithique moyen, soit entre 8 000 et 7 000 ans avant notre ère. Ce qui constitue les indices d’occupation humaine les plus anciennement connus pour le secteur de Pontarlier. La matière première de ces pièces provenait de gisements locaux. C’est l’ensemblemérovingien qui retient néanmoins l’attention. La zone ana- lysée couvre 21 hectares. Un tiers des sondages se sont révélés positifs. La zone habitat couvre près de 7 hectares. On y a identifié 368 structures, 272 poteaux et 34 fonds de cabanes. D’après l’alignement des poteaux, le site com- prendrait plusieurs dizaines de bâti- ments. La plus petite des cabanes mesu- rerait 2,5 m x 1,8 m. La plus grande :

naires. D’après les restes d’animaux, il semblerait que nos ancêtres consommaient beaucoup de bœuf. Une vingtaine de sépultures ont éga- lement été identifiées sans que l’on sache enco- re si elles étaient anté- rieures ou contempo- raines du seul et unique villagemérovingien trou- vé dans le Haut-Doubs. Située sur la partie nord de la zone des Gra- villiers, au bord de la rocade, la nécropole mérovingienne n’est pas sans rappeler celle de la

Nos a ncêtres consom- maient beaucoup de bœuf.

La nécropole mérovingienne contenait 700 sépultures. Unique en Franche-Comté. (Photo D.R.).

Les tumuli de la plaine de l’Arlier ont livré de très belles pièces comme ce disque ajouré en bronze, typique des parures féminines celtes de l’Arc Jurassien. Auteur musée municipal Pontarlier. Cette fibule à décor de fili- granes en or montre que nos ancêtres mérovin- giens du Jura montraient déjà de réelles apti- tudes au travail de précision (photo musée municipal Pontarlier).

À la rencontre de nos ancêtres Culture L’espace muséographique La fouille des tumuli de la Chaux d’Arlier a connu son heure de gloire dans les années 60-70. Ce patrimoine occupe une place de

d’une manœuvre des artilleurs du camp des Pareuses. D’autres seront aussimis à jour sur le chan- tier de la ligne ferroviaire entre Frasne et Vallorbe. Mais il faudra attendre jusqu’en 1960 pour que soient entrepris de véritables inventaires par une équipe de bénévoles dirigée par Pierre Bichet et Jean-PierreMil- lotte, directeur des antiquités pré- historiques de Franche-Comté. “La fouille de ces tertres a fait l’objet d’une publication en 1991 et la première salle du musée consacrée à ce patrimoine proto-

historique a ouvert en 2001” , indique Lau- rène Mansuy, la conservatrice des lieux. Ces tumuli abritent des sépultures de populations de l’âge du bronze et du fer. L’origine de ce peu- plement remontedonc vers 1100avant notre ère et ses pratiques perdureront jusqu’au V ème siècle avant J.-C.

choix dans l’espace archéologique du musée de Pontarlier où l’on découvre aussi la nécropole mérovingienne de la Grande Oye à Doubs.

“Une fraction

L emuséemunicipaldePon- tarlier ne rayonne pas uniquement pour ses col- lections liées à l’absinthe. On vient de loin pour découvrir l’histoire et les pièces trouvées

dans le sous-sol de la Chaux d’Arlier. L’écriture de ce chapitre préhistorique remonte au début du XX ème siècle. L’un des fameux tertres jusque-là si bien conser- vé semble avoir été éventré lors

du monde celtique.”

La Chaux d’Arlier correspond alors à une “fraction du monde celtique.” Ces tumuli de taille variable sont réservés à des per- sonnes de haut rang comme le démontre la valeur des pièces : armes, parures, bijoux retrouvés auprès des sépultures. La carto- graphie des tumuli montre éga- lement une opposition entre une implantation concentrée sur la plaine d’Arlier et le désert des terres plus élevées. Bien sûr, la proximité de l’axe de communi- cation qui traverse la montagne jurassienne en direction de la Suisse n’est pas étrangère à la présence de ces tertres. “Faute d’avoir trouvé des traces d’habitat, certains émettent l’hypothèse de grands passages pour justifier ces

Une partie des collections archéologiques est liée à la découverte de la nécropole mérovingienne de la Grande Oye à Doubs (photo musée municipal Pontarlier).

raire avec près de 600 tombes mises à jour, de la seconde moitié du VI ème siècle jusque vers 700.” Ces collections servent de sup- port à différentes animations à destination des scolaires ou dans le cadre d’ateliers pour enfants prêts à s’initier à l’archéologie. Les collections mérovingiennes de la Grande Oye seront mises à l’honneur pendant les Journées nationales de l’Archéologie qui se tiendront du 19 au 21 juin.

enterrements. Mais la construc- tionde ces tumuli prenddu temps et suppose aussi la pratique d’un culte, la possibilité de pouvoir s’y recueillir assez régulièrement” , souligne Laurène Mansuy. Une partie de l’espace muséo- graphique s’attache à présenter dans le détail la nécropole méro- vingienne de la Grande Oye à Doubs. “Il s’agissait d’une fouille d’archéologie préventive. On res- te aussi dans le domaine funé-

Made with FlippingBook - Online catalogs