La Presse Pontissalienne 177 - Juillet 2014

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 177 - Juillet 2014

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TOURISME

La Franche-Comté manque de notoriété “Le massif du Jura talonne les Vosges et le Massif Central”

L a Presse Pontissalienne : Le comité régio- nal du Tourisme (C.R.T.) de Franche-Com- té dispose d’un budget de 3,5 millions euros financé à 78 % par la Région. Ce budget sert au fonctionnement, à la communication, aux formations. Malgré ces moyens importants, force est de constater qu’il peine à trouver sa place. Admettez-vous cette critique ? Jean-Jacques Micoud : C’est votre constat, pas le mien. L’idée, c’est d’être efficace. Il faut (re)formater notre mode de pensée dans le tourisme. Aujourd’hui, il faut revoir par exemple les campagnes d’affichage avec du “4 par 3” ou les déplacements sur les salons. Ce genre de campagne, c’est terminé, même si dans certains cas, cela reste pertinent. Notre job, c’est le marketing. L’argent est cher et on ne peut plus se permettre d’arroser. On peut communiquer partout, mais il faut mieux concentrer les moyens et travailler sur des thématiques.Avec la marque “Mon- tagnes du Jura” par exemple, nous avons gagné 10 points de notoriété…Du coup, on talonne en terme de notoriété les Vosges et le Massif Central alors que l’on en était loin il y a peu. L.P.P. :Vous n’avez pas répondu sur le travail de vos équipes au C.R.T. et la lisibilité des actions menées qui semblent parfois floues… J.-J.M. : C’est un métier de l’ombre mais qui est essentiel. Dans nos équipes, des per- sonnes travaillent sur l’ingénierie pour développer par exemple l’accueil vélo, d’autres créent le catalogue de formation, d’autres la labellisation, etc. C’est difficile de mesurer les retombées mais c’est essen- tiel. L.P.P. : On a l’impression que les offices de touris- me, les Comité départementaux et le C.R.T. se font concurrence. L’empilement des structures est-il un frein à la réussite ? J.-J.M. : Ni les comités départementaux, ni les offices de Tourisme ni le C.R.T. ne se prennent les pieds dans le même tapis. Nous faisons les mêmes choses mais nous n’avons pas les mêmes cibles. Nous com- muniquons par exemple en Allemagne, au Pays-Bas, en Suisse, ce que ne font pas les C.D.T. Pour la communication en région parisienne, nous le faisons de manière concertée. Là est notre valeur ajoutée. L’observation (études, retombées écono- miques) est le fait du C.R.T. Les offices de tourisme ont, eux, l’accueil physique dont nous ne disposons pas. Chacun a son rôle, qui est rappelé par la loi de 1992. L.P.P. : Comment faire pour convaincre le touriste de venir en Franche-Comté qui pointe seulement à la 20ème destination touristique (sur 22 régions) en France ? Sur les réseaux sociaux ? J.-J.M. : Par exemple. Lorsque j’ai débuté mon job il y a 25 ans, on disait une per- sonne satisfaite du séjour, ce sont 10 per- sonnes qui en entendent parler. Une mécon- tente, ce sont 20 qui sont au courant. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, c’est peu lisibles, défis à relever, le directeur n’élude aucune question. Il revient sur les retombées du label “Montagnes du Jura”. Directeur du comité régional du tourisme depuis un an, Jean-Jacques Micoud a la - lourde - tâche de développer le tourisme franc-comtois qui ne représente qu’1,5 % des voyages des Français. Empilement des structures, campagnes de communications

Jean-Jacques Micoud, directeur du comité régional du tourisme en Franche-Comté.

100 000 voire 200 000. Tout va plus vite. Nous avons créé un club des ambassadeurs de personnes qui aiment la Franche-Com- té, qui en parlent sur leur blog. Elles le font gratuitement. Cela marche très bien. Les commentaires des blogueurs et des inter- nautes sont très importants : c’est un avis de consommateurs. Il y a des filtres égale- ment par pays. Un Allemand peut lire les commentaires d’un touriste allemand. Nous travaillons d’ailleurs sur une norme A.F.N.O.R. afin de montrer que ces com- mentaires sont réels. L.P.P. : Comment expliquer que notre région a connu une baisse de ses nuitées en 2013 (- 2,2 % après - 0,6 % en 2012), alors qu’à l’inverse en France, la fréquentation a progressé de 0,8 % sur un an ? J.-J.M. : Le printemps 2013 a été pourri et le tourisme reste totalement dépendant de la météo. La conjoncture économique ne nous a pas aidés. Nous travaillons d’ailleurs avecMétéo France pour connaître les impacts de la météo sur le tourisme. Le frein de notre région est son manque d’image et de notoriété. Il faut rassurer pour faire venir. Une fois que les touristes sont venus, ils reviennent. L.P.P. : Après un an, vous avez pris vos marques. Quels sont vos objectifs ? J.-J.M. : Le C.R.T. dispose d’une nouvelle politique depuis le vote du nouveau sché- ma régional qui s’étale sur une période de 5 ans. Un schéma comporte toujours 3 volets. Ils concernent la structuration de l’offre (aide à l’hébergement), un volet organisa- tionnel, la mise en tourisme (promotion, commercialisation). L.P.P. : De ces trois volets, lequel est le plus bancal en Franche-Comté ? J.-J.M. : Il est difficile de se comparer à un autre territoire. Nous sommes bons dans l’offre, la mise en tourisme. Sur les hébergements, il reste du travail à faire sur la quantité et la qualité avec des dis- positifs d’aide de la Région pour les cam- pings. L.P.P. : A-t-on pris du retard ? J.-J.M. : Oui. Il y a une évolution des com- portements des touristes. A nous de faire évoluer notre offre avec par exemple les yourtes, les bulles (il n’y en a quasiment pas en Franche-Comté), les cabanes sur l’eau. La demande des touristes s’exprime

sous forme des 3 R : R comme rupture avec le travail, R comme retrouvailles, R com- me ressourcement. L.P.P. : La Franche-Comté a-t-elle les moyens de les offrir ? J.-J.M. : Elle a parfaitement sa place. Les 3 R, ils étaient vrais il y a soixante ans mais maintenant le touriste part moins souvent, moins longtemps, moins loin. Arrêtons de nous flageller et de complexer. L.P.P. : Mais comment attirer de nouveaux touristes qui ne savent pas placer notre région sur une car- te ? J.-J.M. : En tant que metteur en tourisme, il faut mettre en place ses 3 R pour arri- ver aux 3 E qui sont le E d’émotion, le E d’économie, le E d’équilibre et enfin un qua- trième avec le E d’environnement. Chaque territoire a les ingrédients mais le point d’équilibre, c’est les hommes. Notre accueil est lié à notre histoire et une région qui n’est pas économiquement développée n’est touristiquement pas développée. Le tou- risme crée du lien social, il est contribu- teur du cadre de vie, il offre des retom- bées… En Franche-Comté, le tourisme n’était pas une priorité. Pour comparaison, l’activité touristique représente ici la moi- tié de l’activité du département du Morbi- han. Il y a néanmoins une prise de conscien- ce. Il y a également des destinations de niche : on le voit avec la chapelle de Ron- champ qui attire de plus en plus de cars chinois.

L.P.P. : Pour autant, la communication de notre région à l’extérieur a semblé coûteuse, parfois désastreuse, notamment avec l’Originale Franche-Comté. J.-J.M. : Cette communication est arrivée pour le lancement de la L.G.V. Elle nous a ouvert des portes dans les médias alle- mands par exemple et a généré 2 100 articles dans la presse, dont la moitié enAllemagne, une de nos cibles. Nous sommes dans un marché, une guerre commerciale. Il faut communiquer pour “piquer” des clients potentiels qui sont souvent proches de chez nous. L.P.P. :Vous faites donc concurrence à la Bourgogne, une région avec laquelle vous devrez bientôt fusion- ner. Qu’en est-il d’un futur regroupement avec le C.R.T. bourguignon ? J.-J.M. : Je rencontre fin juin mon homo- logue. Nous collaborons déjà dans une action commune menée aux Pays-Bas avec la Bour- gogne, la Lorraine, Champagne-Ardennes. Avec une seule ou deux régions, on ne dépla- cera pas la Citadelle de Besançon. S’il faut mutualiser les moyens, nous le ferons. “L’homo-touristicus” se moque de savoir s’il est dans tel ou tel département. Mon job, c’est le faire venir et revenir. L.P.P. : Parlez-nous du Haut-Doubs. Encore une fois, il semble que le label “Montagne du Jura” brouille le message. Que rapporte-t-il ? J.-J.M. : Il n’y a aucune ambiguïté. Lorsque l’on va en Île-de-France, en Allemagne, en Belgique, on communique sur des angles d’attaque comme la première fois à la mon- tagne, la découverte. Dans la ventilation de notre budget, seulement 35 % vont à l’hiver, le reste à l’été. L.P.P. : Que manque-t-il à nos montagnes pour atti- rer davantage ? J.-J.M. : C’est la qualité et la quantité de l’hébergement. Il est plus facile de louer 12 mois à un frontalier. La grande question du tourisme, c’est la poule et l’œuf. La pou- le étant l’activité et l’œuf l’hébergement. Il faut trouver un équilibre. L.P.P. : Un mot sur le château de Joux ? J.-J.M. : C’est un écrin magnifique qu’il faut faire vivre avec des expositions perma- nentes. Pour cela, il faut des moyens. C’est toute la difficulté. Ce secteur du Haut- Doubs a des atouts, notamment sur le plan du tourisme sportif. Propos recueillis par E.Ch.

Bio express Après avoir dirigé successivement le C.D.T. (comité départemental du tourisme) de l’Ain (1998-2004) puis du Morbihan qui est le 5ème département le plus visité de France (2004-2013), Jean- Jacques Micoud est directeur du C.R.T. de Franche-Comté (Comité régional du tourisme) depuis le 24 juin 2013. Il succède à Gilles Da Costa, directeur par intérim, suite au départ de Jean-Paul Garnier en août 2012.

Chiffres-clés 3,5 millions de voyages en Franche-Comté, soit 1,5 % des voyages des Français (20ème région) Jusquʼà 17 300 emplois salariés liés au tourisme (13 700 en moyenne sur lʼannée), soit 5,5 du P.I.B. régional 3,5 % de lʼemploi salarié total en Franche-Comté (15ème rang) 670 millions dʼeuros dépensés par les touristes (en 2009). 36,50 euros de dépense en moyenne. Une durée moyenne de voyages de 4,4 jours. 256 000 lits tou- ristiques. 200 lieux touristiques sont répertoriés. Le plus visité : La Cita- delle (244 525 visiteurs en 2012), 151 480 pour le Dinozoo, 115 269 pour la Saline royale. Plus de 81 000 lits dans les hébergements marchands, dont 43 % dans les campings, 20 % dans les meublés de tourisme et 18 % en hôtellerie.

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