La Presse Pontissalienne 166 - Août 2013

7 La Presse Pontissalienne n° 166 - Août 2013

“Le chef a toujours raison” Un agent de la ville a accepté de témoigner sous couvert d’anonymat. Selon lui, les difficultés relationnelles vont au-delà de simples problèmes de communication avec la hiérarchie. TÉMOIGNAGE Un agent parle

L e syndicat C.F.D.T. Interco a conseillé aux agents que nous avons contacté de ne pas donner leur avis sur les relations au tra- vail au sein de la mairie afin de leur éviter d’éventuelles sanctions. Un seul a accepté de raconter son quotidien à condition de respecter son anonymat et celui du service dans lequel il travaille. Ce qu’il décrit va au-delà de simples difficultés de communications avec la hiérarchie. “C’est infernal. Tous les jours, il y a des consignes qui tombent et qui contredisent celles de la veille. Vous pouvez toujours donner votre point de vue, pointer du doigt un dysfonc- tionnement, ça ne sert à rien, on n’est pas entendu. Le chef a toujours raison. Mais en cas de souci, on vous fait por- ter le chapeau. Parfois, on est proche du harcèlement. Ce n’est pas sain” déplore l’agent de maîtrise. Ce salarié estime recevoir des ordres de la part de cadres qui ne connais- sent pas toujours la réalité de son métier. Il déplore qu’ils ne s’appuient pas sur son expérience pour évoluer la structure. Forcément, ça coince. “À mon sens, il y a beaucoup de personnes que j’appelle des “petits chefs”, qui n’ont pas les compétences, mais qui ont du poids. Face à eux vous, n’avez le droit

que de vous taire. On nous demande d’être toujours plus polyvalents, et tout cela sans compensation de salaire.” C’est auprès du syndicat que cet agent a trouvé l’écoute qu’il attendait.

“Il est normal que des agents se sentent mal à l’aise” COMMENTAIRE Patrick Genre

L a Presse Pontissalienne : Que pen- sez-vous de l’initiative du syndicat C.F.D.T. Interco qui réalisé une enquê- te sur “la vie au travail” auprès des agents de la ville et de la C.C.L. ? Patrick Genre : Je n’ai pas de com- mentaire à faire. Cette enquête fait partie des missions d’un syndicat d’établir, à un moment donné, une sorte de cartographie du personnel.

Le maire de Pontarlier a pris connaissance de l’enquête réalisée par le syndicat C.F.D.T. Interco. Il en commente les conclusions.

Patrick Genre : “C’est un changement de culture qui peut prendre

plusieurs années.”

DÉPART

7 à 8 % des effectifs Ils quittent la fonction publique pour un travail en Suisse Une trentaine d’agents de la fonction publique territoriale de la ville et de la C.C.L. bénéficient, pour la plupart, d’une disponibilité pour convenances personnelles. Un régime particulier qui leur permet d’aller travailler dans des entreprises en France ou en Suisse, tout en gardant un statut de fonctionnaire.

pas, d’autres encore ressentent des difficultés avec leur hiérarchie ce qui n’est pas le cas de tous. Dans une organisation de cette taille, ces sentiments sont normaux. C’est le lot quotidien de tout groupe humain important. L.P.P. : La mairie et la C.C.L. sont-elles en train d’adopter le même fonctionnement que les entreprises privées ? P.G. : Je parle de rentabilité,d’efficience, de productivité. Nous n’avons plus le choix aujourd’hui que d’appliquer ces règles-là au regard de nos contraintes budgétaires. On se doit d’évoluer et faire en sorte de rendre un service public de qualité et en coûtant moins cher à la collectivité. Notre chiffre d’affaires provient prin- cipalement de la fiscalité. Je ne peux pas augmenter les impôts pour cou- vrir les dépenses de fonctionnement. Il est normal que des agents se sen- tent mal à l’aise.Tous les ans, je leur présente le budget pour qu’ils mesu- rent l’environnement économique dans lequel nous sommes. C’est un changement de culture qui peut prendre plusieurs années. Je note que les syndicats ont su évoluer dans leur approche. L.P.P. : Allez-vous tenir compte cependant des informations fournies par cette enquê- te dans la gestion des ressources humaines ? P.G. : L’enquête dégage des grandes lignes. Cela peut aider à la prise de décisions. Je précise que chaque année, le médecin du travail nous remet un rapport. En comparant les deux enquêtes, on s’aperçoit qu’il y a des éléments de comparaison. Propos recueillis par T.C.

Cela ne me heurte pas. Il y a un bémol cependant, propre à ce genre d’exercice, c’est la façon dont les questions sont formulées qui peut orienter les réponses. Si dans cette enquête des choses sont positives et d’autres négatives, elle ne reflète pas ce que pense tout le personnel, puisque tout le monde n’a pas été interrogé. L.P.P. : 98 % des agents disent que les rela- tions avec l’encadrement sont difficiles. C’est très important. Êtes-vous surpris ? P.G. : Oui et non car je ne sais pas dans quelle disposition était le per- sonnel qui a répondu. Je vous l’ai dit, je me méfie des questions sur les relations au travail. À l’inverse, le syndicat n’a pas interrogé la hié- rarchie pour savoir ce qu’elle pen- sait des agents. Peut-être qu’à 90 %, elle aurait manifesté un mécon- tentement. Il faut donc être pru- dent. Ce qui est juste, c’est qu’il y a une évolution très forte dans la fonction publique. Les chefs de ser- vice sont là pour faire appliquer la politique demandée. Les agents doi- vent faire preuve de capacité d’adaptation, de polyvalence, de mobilité, je peux comprendre que cela puisse poser des problèmes. Il peut y avoir des éléments d’incompréhension. L.P.P. : Ces tensions sont-elles normales ? P.G. : La communauté de communes du Larmont et la mairie qui parta- gent des services mutualisés comp- tent 450 salariés. C’est une entre- prise dans la laquelle des gens se sentent bien, d’autres moins, cer- tains ont des ambitions, d’autres

L a sécurité de l’emploi ne suffit plus à retenir les fonctionnaires. La ville de Pontarlier et la com- munauté de communes de Lar- mont sont confrontées au départ de collaborateurs qui quittent leur fonc- tion pour aller travailler en Suisse. “Le niveau de rémunération, moins de 1 200 euros par mois pour certains agents, et la difficulté d’obtenir aujour- d’hui une promotion, sont deux fac- teurs qui encouragent le personnel à quitter la fonction publique territoria- le pour tenter sa chance en Suisse” remarque Le syndicat C.F.D.T. Inter- co. Mais à la différence des salariés du privé, les fonctionnaires ne sont pas contraints de démissionner pour aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Ils peuvent demander une “disponibi- lité pour convenances personnelles” dont la durée maximale est de dix ans. Ce régime leur permet d’être embau- chés dans une entreprise, en France ou en Suisse, sans perdre le statut de fonctionnaire. Pendant cette période, la mairie qui les employait ne les rému-

nère plus. En revanche, elle doit réin- tégrer ses ex-collaborateurs s’ils déci- dent de revenir à leurs anciennes amours : la fonction publique. Ces départs sont gérables pour une collectivité quand ils sont rares. Mais cela devient vite un casse-tête lors- qu’ils sont anormalement nombreux comme c’est le cas à la ville de Pon- tarlier et à la C.C.L. qui partagent le

qui a décidé de réagir. “Je commence à refuser les disponibilités pour conve- nances personnelles, car ces départs déstabilisent les services. Désormais, je considère que le fonctionnaire qui veut partir dans le privé doit assumer son choix et démissionner de la fonc- tion publique.” La collectivité fait enco- re preuve de compréhension vis-à-vis de ceux qui s’en vont pour créer leur entreprise car ils prennent un risque. L’ambiguïté du système pour la muni- cipalité (comme pour la C.C.L.) est qu’elle doit remplacer l’agent en ques- tion le temps de sa disponibilité. “Qui dit départ, dit recrutement d’un C.D.D. qui sera titularisé dans le temps. Le risque que l’on prend en procédant ain- si est de se retrouver un jour à n’avoir qu’un poste pour deux personnes” obser- ve Patrick Genre. Le cas s’est déjà pro- duit. C’est justement pour gérer le sur- nombre, que la ville de Pontarlier a dû imaginer un pôle de remplacement qui lui permet de réintégrer ses ex-agents. Ce pôle compte actuellement trois per- sonnes.

même service des res- sources humaines. “Actuellement, une tren- taine d’agents sont en disponibilité, dont la plupart le sont pour convenances person- nelles. Cela représente 7 à 8 % des effectifs, et le phénomène s’accélère ! Beaucoup vont en Suisse. On fait face au même problè- me que les entreprises françaises de la bande frontalière” déplore le maire, Patrick Genre,

Les disponibilités refusées par le maire.

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