La Presse Pontissalienne 159 - Janvier 2013

La Presse Pontissalienne n° 159 - Janvier 2013

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LE MAIRE DE PONTARLIER Une position nuancée “Je n’aurai aucun problème pour célébrer des mariages gays” En tant qu’élu de la République, Patrick Genre appliquera la loi sans état d’âme. Ce qui ne l’empêche pas d’être person- nellement réservé sur la question du mariage homosexuel.

L a Presse Pontissalienne : Soutenez- vous l’idée du mariage “pour tous” ? Patrick Genre : Ce sujet interpelle la sphère personnelle, c’est pourquoi la réponse ne peut pas être aussi tranchée que cela. Je distingue la réponse de l’élu et celle de l’individu. La première chose est que je suis tout à fait favorable à ce que les personnes homosexuelles puissent avoir des droits reconnus et égaux aux autres. Mais ma réponse en tant qu’élu ne sera pas la même qu’en tant qu’individu. L.P.P. : Alors en tant que maire de Pon- tarlier ?

ce mariage. Le pro- blème dans ce débat, c’est qu’on est tout de suite catalogué d’homophobe dès lors qu’on semontre réticent à cette loi. L.P.P. : Qu’est-ce qui vous choque le plus dans ce projet ? P.G. : D’abord le fait de voir disparaître du code civil les termes de “père” et de “mère” pour être

P.G. : Je suis démocrate et respec- tueux de la loi. Par conséquent, je n’aurai aucun problème pour effec- tuer des mariages entre homo- sexuels si c’est autorisé par la loi. Un élu est un agent de l’État, il doit appliquer la loi, quelle qu’elle soit. Le mariage pour tous sera donc fait en mairie de Pontarlier. Cela dit, je peux comprendre que certains élus soient plus réticents car cette question touche la sphè- re personnelle. Ma réponse de citoyen est un peu plus mitigée. L.P.P. : Qu’en pensez-vous alors person- nellement ? P.G. : Je suis favorable pour que toutes les personnes aient les mêmes droits. Il y avait donc peut- être autre chose à faire qu’unemodi- fication dumariage qui reste àmon sens un pilier de notre société. Depuis son origine, le mariage est un lien entre un homme et une femme.Il y avait sans doute d’autres voies à suivre. Il existe le P.A.C.S. qu’on aurait pu faire facilement évoluer ou alors imaginer une union civile mais qui n’oblige pas à tou- cher au mariage. D’ailleurs je ne suis pas persuadé que tous les homosexuels soient favorables à

Le maire de Pontarlier estime qu’il n’est pas utile de modifier le mariage.

“On aurait pu faire facilement évoluer le P.A.C.S.”

remplacés par “parent 1” et “parent 2”. La procréation médicale assis- tée qui découlera de cette loi me pose aussi un gros problème, on touche là à des fondamentaux. Il aurait vraiment fallu qu’il y ait un large débat qui dépasse le cadre de l’Assemblée Nationale. L.P.P. : Défilerez-vous à Paris le 13 janvier contre le projet ? P.G. : Non. Cette question méritait autre chose qu’un affrontement des “pour” et des “anti”.

pour donner enfant, pas l’inverse”

ré toutes les conséquences juridiques du mariage homosexuel, notamment sur la présomption de paternité. Avec cette loi, la notion de père et de mère va dispa- raître du code civil. L.P.P. : Pourtant, aucun argument juridique n’existe pour refuser le mariage homosexuel ! A.G. : Le P.A.C.S. offre déjà un certain nombre de garanties et sur les 60 000 P.A.C.S. signés en France chaque année, on s’aperçoit qu’ils sont le fait de per- sonnes de sexes différents. L.P.P. : En contestant ce projet, n’engagez-vous pas un combat d’arrière-garde à l’image du maria- ge interracial qui était interdit aux États-Unis jus- qu’en 1967 ? A.G. : Ce n’est pas le même débat. Le pré- supposé de l’interdiction du mariage entre les races reposait sur le fait qu’une race était soi-disant supérieure à une autre. Là, on ne part pas du tout du présuppo- sé qu’un homosexuel serait inférieur à un autre, on interroge juste sur les consé- quences d’une loi qui rejoint l’essentiel de la vie sociale. Une loi qui va boule- verser en profondeur la société. Ce n’est pas du même ordre. L.P.P. : Si la loi passe, marierez-vous les couples homosexuels en tant que maire de Morteau ? A.G. : Je ne sais pas encore. Je prends les questions les unes après les autres. En tant qu’élu local, on n’est pas là pour être des hors-la-loi, mais j’ai toujours l’espoir de faire échec à cette loi. Je m’aperçois à l’Assemblée Nationale du grand pou- voir du législateur. Mais ce n’est pas par- ce qu’on peut légiférer sur tout que l’on doit légiférer sur tout. Le problème est aussi politique. Dans sa campagne, Fran- çois Hollande a cherché à rallier tous les communautarismes : pour les étrangers, il a promis le droit de vote, pour les homo- sexuels le mariage et aujourd’hui il se doit d’appliquer un programme électo- ral dont les gens n’ont pas encore mesu- ré toute la portée. Propos recueillis par J.-F.H.

L a Presse Pontissalienne : Êtes-vous pour ou contre ce projet de loi ? Annie Genevard : Je respecte profondément les homosexuels mais je suis clairement opposée à ce projet de loi. D’ailleurs, le gouvernement n’emploie plus le terme de “mariage pour tous” car il s’est aperçu que c’était une aberration sémantique. Ce qui est en cause dans ce projet de loi n’est pas la question de l’homosexualité qui est une réalité humaine que je n’ai pas à juger. Ce projet de loi est une vraie réforme de société et de civilisation. C’est de ce chan- gement en profondeur de la société et de la civilisation que je ne veux pas. L.P.P. : Pour quelle raison ? A.G. : Parce que déjà ce projet est bâti sur une dissimulation de la vérité. On parle du mariage mais ce projet comporte deux volets, l’autre étant l’adoption. L’un ne va pas sans l’autre. Car le mariage ouvre, de fait, le droit à l’adoption. C’est pour- quoi il est infondé de dire qu’on est pour le mariage gay et contre l’adoption. Les deux sont indissociables. Ma position résulte des longues semaines de réflexion et d’auditions qui ont eu lieu à l’Assemblée Nationale où on a entendu des pédopsy- chiatres, des philosophes, des juristes, des religieux… Ce qui a fini de me convaincre, c’est la position de l’enfant. Quand un enfant est adopté, quelle que soit la situation, ce n’est pas toujours vécu dans la facilité. À cette difficulté-là s’ajoute une autre : l’enfant est forcément le fruit d’un homme et d’une femme et avec l’adoption on substitue à une famil- le génétique une autre famille de natu- re à troubler la représentation psychique que l’enfant peut se faire de la famille. Bien sûr que deux homosexuels peuvent

Propos recueillis par J.-F.H.

aimer un enfant autant voire plus que deux parents de sexe différent, mais du point de vue de l’enfant, les choses sont loin d’être aussi simples. La représenta- tion psychique de la famille sera très compliquée. Le droit à l’enfant n’est pas le droit de l’enfant, il ne faut pas confondre. L’adoption est là pour donner une famil- le à un enfant, pas l’inverse. Dans cette affaire, on fait de l’enfant un objet alors qu’il doit être un sujet. L.P.P. : C’est donc l’adoption qui vous gêne ? A.G. : Il est clair que la plupart des pays du monde vont se fermer à l’adoption française. Au-delà de cela, faut-il faire une loi pour légaliser une pratique réel- le qui ne concerne que quelques enfants ? On s’apprête à réformer en profondeur le code civil en modifiant 176 occurrences de ce code, pour un tout petit nombre de personnes. Et derrière l’adoption, il y a la procréation médicalement assistée, puis la gestation pour autrui que les hommes pourront ensuite légitimement revendiquer. Un couple d’homosexuels français a désiré avoir un enfant. Ils se sont tournés vers un pays qui leur offrait la gestation pour autrui. Les deux hommes ont choisi une porteuse d’ovule sur cata- logue et une mère porteuse différente. Chacun d’eux a ainsi pu avoir un enfant. Ces deux enfants auront un père biolo- gique, un père social et deux mères bio- logiques, soit quatre personnes qui sont intervenues dans leur filiation. On abou- tira à des scénarios tout simplement effrayants, c’est pourquoi il faut vrai- ment mesurer les conséquences d’une telle loi pour l’enfant. Comment va-t-on expliquer cela à un enfant qui cherche- ra sa filiation ? On n’a pas encore mesu-

Réaction Liliane Lucchesi : “Pour une égalité des droits” L’élue d’opposition, Liliane Lucchesi (P.S.) soutient le projet de mariage pour tous.

La Presse Pontissalienne : Êtes-vous pour ou contre le mariage pour tous ? Liliane Lucchesi (Parti socialiste) : Je suis totalement pour. Attention, je parle bien du mariage civil. Ce qui regarde les religions, regar- de les religions. Proposer le maria- ge pour tous est une question de justice dont la République est garante, sinon, c’est traiter les homosexuels comme les métèques de notre civilisation. Pourquoi un couple homosexuel serait-il moins crédible qu’un couple hétéro- sexuel ? Le mariage pour tous est une égalité des droits. L.P.P. : Mais quid de la construction de l’enfant ? L.L. : L’homosexualité est une sexualité autre mais normale, c’est un choix. Le mariage pour tous permettra de lutter contre l’homophobie. Pour les 300 000 enfants qui grandissent déjà avec

des parents homosexuels, ce serait un moyen de ne plus les stigma- tiser. Avoir un enfant est un pro- jet de couple et il peut être aus- si heureux dans un couple gay qu’hétérosexuel. Pourquoi la P.M.A. serait-elle acceptée pour des couples et pas d’autres ? Là encore, c’est une question d’égalité. Recueilli par E.Ch. Pour Liliane Lucchesi, les questions de filiation ne sont pas un problème.

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