La Presse Pontissalienne 159 - Janvier 2013
LA PAGE DU FRONTALIER
38 La Presse Pontissalienne n° 159 - Janvier 2013
ANNIVERSAIRE
14 000 adhérents L’Amicale des frontaliers fête ses 50 ans
À cette occasion, l’association édite un imposant ouvrage qui retrace toute son histoire, jalonnée de combats pour la défense des droits des travailleurs frontaliers. Souvenirs.
M ai 1968. En France, c’est la “chienlit” selon le fameux mot de De Gaul- le. Les jeunes qui cher- chent un emploi ont bien du mal à en trouver un dans ce contex- te houleux. Profitant de cette agita- tion côté français, des entreprises suisses n’ont pas hésité à venir recru- ter les jeunes directement sur leur lieu de vie. “Les entreprises s’installaient à l’hôtel de la Poste à Pontarlier et recrutaient des jeunes à tour de bras” rappelle Alain Marguet, le président de l’Amicale des frontaliers. Ils sont donc des dizaines à avoir démarré ain-
ler, de Frasne, Patrice Carrel et Daniel Vermot-Desroches de Villers-le-Lac, ou encore Henri Binétruy de Char- quemont et Pierre Dodane de Fonci- ne-le-Haut. Alain Marguet fait aussi partie de cette première génération de frontaliers, lui qui a passé tous les jours la frontière de 1969 à 2002, date où il a repris les rênes de l’Amicale. Tous ces “anciens” continuent aujour- d’hui à œuvrer pour la défense des mil- liers de frontaliers venus au fil du temps gonfler les effectifs des entre- prises suisses. Ils sont tous adminis- trateurs de l’Amicale et, malgré le fait que la plupart d’entre eux soient aujour- d’hui en retraite, ils poursuivent leur mission. C’est en décembre 1962 que l’Amicale était créée, sous l’impulsion de Roger Tochot. “Tant côté français que suisse, l’administration créait toujours des difficultés aux premiers frontaliers, qui étaient systématiquement fouillés à la douane. Il y avait aussi une forte pres- sion du patronat français pour que ces gens n’aillent pas travailler en Suis- se. D’où l’idée de créer une association qui défende les intérêts de ces tra-
Alain Mar- guet, prési- dent de l’Amicale depuis 2002, est entouré d’une partie de ses admi- nistrateurs.
si leur carrière en Suis- se dans les années soixante. Parmi eux, le PontissalienMichel Prin- ce qui a fait toute sa car- rière de l’autre côté de la frontière, notamment chez Dubied à Couvet. D’autres comme lui ont travaillé plusieurs décen- nies en Suisse, comme Pierre Clément de Pon- tarlier, Alain Geissbuh-
car “notre mutuelle garde ses adhé- rents jusqu’au bout, on ne les exclut pas une fois qu’ils sont en retraite. On n’a jamais laissé un frontalier au bord de la route ou à la charge de la socié- té” ajoute le président. Après avoir mené tant de combats, notamment en 1974 quand un amen- dement suisse prévoyait carrément d’interdire le travail frontalier, l’Amicale poursuit sa mission de défense. Son cheval de bataille aujourd’hui, c’est toujours la question de l’assurance- maladie des frontaliers. Le libre choix est toujours possible, mais jusqu’en 2014 seulement. Après cette date, la France a prévu de les réintégrer dans son système national, soi-disant pour renflouer les caisses de la Sécu grâce aux cotisations de tous les frontaliers, qui lui échappent pour le moment. “Le gouvernement prévoit de récupérer ain- si 480 millions d’euros. Mais c’est tota- lement faux car dans leur calcul il n’a pas compté toutes les prestations que la Sécu devra verser aux frontaliers malades. Cette mesure risque aussi d’aboutir à la suppression de 500 emplois dans le secteur des mutuelles. Nous continuons à nous battre pour convaincre le gouvernement de renon- cer. Nous avons géré pendant 50 ans sans creuser d’1 centime le trou de la Sécu. Qu’on nous laisse continuer ain- si” termine Alain Marguet. À 50 ans, l’Amicale est plus que jamais active et déterminée. J.-F.H.
vailleurs” rappelle Alain Marguet. Les débuts ne seront pas faciles. La première réunion au Café de la Place au Locle a réuni une cinquantaine de frontaliers qui ont élu le Mortuacien Roger Tochot à la tête de l’Amicale. Il restera président jusqu’à son décès en 2002. “Mais lors des premières réunions qui se sont tenues au Locle, puis aux Brenets, les frontaliers se sont fait virer par la police suisse qui n’acceptait pas
ce genre de réunions syndicales. La troisième réunion s’est tenue à Mor- teau, c’est là que l’Amicale a vraiment démarré” relate un des anciens. En 1963, les pionniers créaient l’assurance la Frontalière car à l’époque, les fron- taliers n’avaient pas le droit d’être affi- liés à la Sécurité sociale française. “Et aujourd’hui, on veut les obliger à s’affilier à la Sécu. C’est un comble !” commen- te Alain Marguet. À l’époque, ce n’était pas l’argent qui attirait ces jeunes, juste l’idée de trou- ver en emploi. “Je gagnais moins en Suisse chez Dubied que j’aurais gagné chez Nestlé à Pontarlier” confirme Pier- re Clément aujourd’hui retraité. Tous reconnaissent que les mentalités ont bien changé depuis cinquante ans. “C’est le lot de toute association où les jeunes s’impliquent moins” constate le président. Au fil des ans, l’Amicale a créé des bureaux tout au long de la frontière franco-suisse. C’est Alain Marguet qui donnera l’impulsion la plus forte puisque depuis 2002, dix nouveaux bureaux sont ouverts, portant à trei- ze le nombre total de relais, de l’Alsace au Genevois français. Le nombre d’adhérents est également allé cres- cendo pour atteindre aujourd’hui les 14 000. “Et on a gagné des “parts de marché” sur l’assurance” ajoute M. Marguet. La Frontalière assure aujour- d’hui 12 % de l’ensemble des fronta- liers travaillant en Suisse, de l’Alsace à Rhône-Alpes.Avec un vrai rôle social
“Sans creuser d’1 centime
le trou de la Sécu.”
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Zoom 50 ans de souvenirs Lʼ Amicale a édité un livre de plus de 200 pages à lʼoccasion de cet anniversaire, qui retra-
ce toute lʼhistoire de lʼassociation. Signé Daniel Paul, Pierre Clément et Jacques Marguet, cet ouvrage est le fruit de plus de deux ans de recherche durant lesquelles les admi- nistrateurs ont épluché toutes les archives et coupures de presse qui ont relaté la vie de lʼAmicale. Le livre est aussi un hommage au fon- dateur de lʼassociation, Roger Tochot, pour qui les frontaliers ont sans dou- te été sa seconde famille.
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