La Presse Pontissalienne 156 - Octobre 2012

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 156 - Octobre 2012

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ENVIRONNEMENT Il pousse un coup de gueule “L’épuration de la station de Pontarlier est critiquable” Parce qu’il en a marre de constater la dégradation de nos cours d’eau, Alexandre Cheval le garde fédéral dénonce sans langue de bois les sources de pollution sur le Haut-Doubs. Au pluriel dans le texte.

par le Conseil général. Toutes les stations sont plus oumoins confron- tées au problème récurrent de l’élimination des lin- gettes. En privilégiant l’assainissement col- lectif au détriment de l’assainissement indi- viduel, on a aussi déresponsabilisé les gens. On est beaucoup plus vigilant à ne pas mettre n’importe quoi quand il s’agit de sa propre fosse septique.

agriculteurs mais contre une politique agricole. Il y a quand même quelques avancées positives avec la révision des plans d’épandage ou l’augmentation des capacités de stockage des effluents. L.P.P. : Que souhaite le monde de la pêche face à ces menaces ? A.C. : Les pêcheurs réclament que cha- cun se responsabilise. Ils ne doivent pas non plus s’endormir devant la dégradation des milieux aquatiques. D’autant plus que les effectifs sont en chute libre. Le département comptait 40 000 à 45 000 pêcheurs dans les années quatre-vingt. Ils sont à peine 10 000 aujourd’hui. Les pêcheurs doi- vent être solidaires. Les sociétés de pêche sont les dernières sentinelles de l’état des rivières. Sans les pêcheurs, on est borgne. L.P.P. : Vous parlez de solidarité. On peut s’interroger quand on voit la multiplicité de sociétés ? A.C. : C’est vrai. Une partie des élus de la fédération se bat pour mettre en place une grande réciprocité pour pêcher sur tout le département. L.P.P. :Que vous inspire le projet d’enneigement artificiel de la station de Métabief ? A.C. : Cela ne va pas dans le sens de renforcer la santé des cours d’eau. Propos recueillis par F.C.

sa source ? A.C. : C’est encore acceptable, voire bon du côté de Mouthe. L’attrait du coré- gone reste d’actualité au lac Saint- Point même si on sait que la qualité de ses eaux s’est fortement dégradée depuis une quinzaine d’années. Lors des pêches au filet effectuées en août dernier, j’étais surpris de la rareté des gros géniteurs sur des espèces comme la perche.On en saura davantage quand seront publiées les conclusions de ce recensement piscicole. L.P.P. : La situation se dégrade donc à l’aval de Pontarlier ? A.C. : Dans le Saugeais, le lit du Doubs est entièrement tapissé par des algues qui se développent pour consommer les excès d’azote. On ne peut ignorer la part de responsabilité du monde agricole sur la question de l’azote tout comme des stations d’épuration sont aussi pointées du doigt pour expliquer la présence de phosphore. Le rapport azote-phosphore est très important. Il ne cesse d’augmenter depuis dix ans. La quantité d’invertébrés susceptibles de consommer ces algues tend à dimi- nuer. N’y a-t-il pas eu de grosses pol- lutions toxiques qui ont peut-être déci- mé ces populations d’invertébrés ? Toujours est-il que l’épuration de la station de Pontarlier est critiquable même si des efforts ont été consentis

L a Presse Pontissalienne : La situation est-elle à ce point préoccupante sur le Haut-Doubs ? Alexandre Cheval : On focalise l’attention sur la pollution de la Loue en oubliant parfois que cette rivière est aussi une résurgence du Doubs. À ce titre, le Haut-Doubs fait partie du bassin-ver- sant de la Loue. Allez voir dans quel état est le Doubs à l’aval de la station d’épuration de Pontarlier ! L’eau est claire mais le fond est beaucoup trop colmaté. L.P.P. : Comment expliquez-vous ce phéno- mène ? A.C. : Le manque d’eau estival met en évidence le problème de la gestion du barrage à Oye-et-Pallet et la question du remplacement de l’agent chargé de tourner les vannes. Il serait bon que le projet d’automatiser cet ouvrage aboutisse enfin. On observe déjà des dégâts considérables dans une riviè- re asséchée ne serait-ce qu’un quart d’heure. L.P.P. : Quel est le niveau d’eau à respecter ? A.C. : Une étude a été lancée en 2010 sur le sujet. Elle met en évidence les

dysfonctionnements d’un réseau d’adduction d’eau de plus en plus déme- suré. Il semblerait peut-être pertinent de revenir à des captages communaux. Jusqu’à quel niveau peut-on pomper de l’eau de consommation dans le Doubs sans compromettre la vie des milieux aquatiques ? On doit aussi se poser ces questions. L.P.P. : La dégradation des milieux halieutiques se répercute de quelle manière sur l’activité éco- nomique ?

“Sans les pêcheurs, on est borgne.”

On peut aussi pointer les aberrations de la directive-cadre sur l’eau. Com- me elle n’intègre pas la problématique azote, la Loue se retrouve en bon état écologique sur le papier. L.P.P. : Les agriculteurs ont quand même fait des efforts ? A.C. : Oui, mais ils dénigrent encore trop les problématiques agro-envi- ronnementales. On ne devrait plus voir ces composts en plein champ d’où s’écoulent des jus qui partent directe- ment dans les cours d’eau. Je suis déso- lé de le dire mais l’A.O.C. comté ne prend pas assez en compte les rejets dans son cahier des charges. Ce n’est pas une attaque frontale contre les

“Pour certains professionnels dans la Loue, c’est la c atastrophe.”

A.C. : Tout ce qui gra- vite autour du tou- risme pêche est péna- lisé. Actuellement pour certains profes- sionnels dans la Loue, c’est la catastrophe. On sait pourtant que cela représente un for- midable gisement d’emplois dans le Doubs. L.P.P. : Quel bilan de san- té peut-on dresser sur l’état du Doubs à partir de

Jusqu’à quel niveau peut-on pomper de l’eau de consommation dans le Doubs sans compro- mettre la vie des milieux aquatiques ?”,

s’interroge Alexandre Cheval,

le garde de la fédération de pêche sur le Haut-Doubs.

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