La Presse Pontissalienne 141 - Juillet 2011
18 DOSSIER I
La Presse Pontissalienne n° 141 - Juillet 2011
CHAUX-NEUVE Hôtel-restaurant Les tribulations des aubergistes autodidactes En respectant certaines règles, on peut encore s’épanouir dans le tourisme. Exemple à l’auberge du Grand Gît tenue par Alain et Nelly Nicod.
S’ en sortir dans l’hôtelle- rie n’a rien d’un long fleu- ve tranquille, surtout quand on part de rien comme c’était le cas d’Alain et de Nelly Nicod. Ceux qui ont résisté à la fuite de main-d’œuvre en Suisse et aux mises aux normes se comp- tent presque sur les doigts de la main dans le Haut-Doubs. Alain Nicod a débuté dans le métier par la petite porte, à savoir comme moniteur de ski à l’Accueil Monta- gnard de Chapelle-des-Bois. C’était en 1974. “Au départ, j’y travaillais uniquement en hiver. Puis, je tou- chais un peu à tout. J’étais bûcheron, jardinier, maçon”, se souvient Alain Nicod. Ce sportif passe ensuite son brevet d’accompagnateur en moyen- ne montagne. Ce qui lui permet de conforter son poste dans le même
établissement où il travaille avec son épouse jusqu’en 1988. La soif d’autonomie les pousse à s’installer à Chaux-Neuve où ils vont construire l’auberge du Grand Gît. “On a fait beaucoup de travaux par nous-mêmes et grâce à la famille. On avait seulement 100 000 francs de mise de départ pour un investisse- ment de 2,8 millions de francs” L’hô- tel-restaurant ouvre 6 mois après le premier coup de pioche. Il fait vite le plein grâce aux clients de l’Ac- cueil montagnard restés fidèles. À défaut d’avoir pu trouver du terrain à LaMecque du ski de fond, le couple met tous les atouts de son côté avec cette auberge flambant neuve de 12 chambres qui reste à taille humaine. Alain Nicod, qui n’a pas froid aux yeux, se met au fourneau. L’expérience acquise dans l’anima-
tion à l’Accueil Montagnard fait des merveilles. “On com- mence le séjour en proposant aux clients de partager un repas en commun. Ils peuvent ensui- te se retrouver aux autres ani- mations proposées chaque soir : dégustation de vin du Jura, sor- tie nocturne, fondue dégustée dans une ancienne citerne amé- nagée.” L’esprit pension de famille embaume l’Auberge
du Grand Gît. Rien de mieux pour fidéliser des clients qui viennent ici parfois depuis 24 ans. “Autant dire des amis”, sourit Alain. La saison estivale se décline sur la même longueur d’onde. Les vacan- ciers optent plutôt pour le court séjour. L’animateur-hôtelier est au four et au moulin. Grâce à sa connaissance du massif du Jura, il soumet à ses
hôtes de multiples idées de sorties. “L’avantage dans notre région, c’est qu’on a tout ce qu’il faut en curio- sités naturelles, en sommets.” Le res- taurateur n’oublie pas qu’il a accom- pagné des randonneurs. Son auberge est équipée pour accueillir cette clien- tèle itinérante, qu’elle se déplace à pied, en vélo, voire en moto. “On fonctionne avec des agences spé-
cialisées comme Intraval, Jura-ran- do ou encore le C.D.T. du Doubs qui commercialise des produits motos ou randonnée d’hôtel en hôtel.” L’auberge de Chaux-Neuve a subi une baisse d’activité de l’ordre de 9 % au cours de l’hiver dernier. “Notamment pendant la semaine des Parisiens”, constate l’aubergiste sans pouvoir expliquer le phénomène. Pour en arriver là, la famille Nicod n’a pas ménagé son temps. “On a aussi connu des moments difficiles, des soucis de santé.” Mais le bilan reste positif. Alain Nicod n’avalera jamais l’arrivée de l’hôtel-bar-
restaurant Pays Nature installé à grands renforts de subventions. Lui qui n’a pratiquement jamais reçu la moindre aide publique. “Ils étaient 14 pour faire ce qu’on fait à deux. Pour moi, c’est du gaspillage de l’ar- gent public.”Autre gros souci, trou- ver et fidéliser du personnel toujours prêt à prendre un ticket sans retour pour la Suisse. L’heure de la retraite touristique a sonné. Alain et Nelly recherchent aujourd’hui le couple suffisamment motivé pour insuffler un nouvel élan au Grand Gît. F.C.
RÉSEAU
1,6 million de visiteurs depuis 2002 Affluence record sur les routes du comté La filière comté répond à tous les critères d’une valorisation touristique structu- rée autour d’une spécialité régionale. Un sans-faute unique en France.
L e puzzle de l’A.O.C. comté s’est constitué sur plusieurs généra- tions. La filière a pris forme en s’appuyant sur les valeurs de la coopé- ration. L’idée d’organiser un réseau à vocation touristique et gastronomique autour d’un produit traditionnel n’est pas l’apanage de la filière comté. “On n’a rien inventé ”, admet Nicolas Bou- veret, l’animateur du réseau. Encore fallait-il s’engager dans cette mise en tourisme et la faire vivre. Les acteurs ont compris l’intérêt qu’ils pouvaient tirer de l’image du porte-drapeau des produits francs-comtois.Aucune région française dispose de 150 points de chu- te à proposer au public. D’où le projet de concevoir un programme de com- munication orienté vers les touristes.
Les routes du comté comprennent plu- sieurs sortes de lieux de rencontre : fermes, fruitières, sites d’affinage, magasins, restaurants, musées. Des offres associées complètent le dispo-
2001. “On enregistre entre 145 000 et 200 000 visiteurs annuels. En 9 ans, 1,6million de touristes ont été accueillis dans les fermes, fruitières et caves d’af- finage.” L’échange est fructueux pour chacun. Les producteurs apprécient cette façon de se redécouvrir à travers le regard des autres. Des visiteurs rapportent qu’ils ne mangeront plus jamais du comté comme avant. Ces visites valent toutes les campagnes promotionnelles. “On sort la version mobile du site des routes du comté pour les téléphones portables équipés de G.P.S.” , conclut l’animateur. A -t-on déjà entendu un organisa- teur se plaindre du succès dʼun événement ? On dirait presque oui en écoutant Jean-Louis Barthod commenter la dernière édition de la ran- donnée des fruitières. “On a accueilli 2 550 participants. Heureusement quʼils nʼétaient pas plus nombreux. Les 5 frui- tières en activité sur le territoire de la C.F.D. étaient mobilisées” , indique ce producteur qui préside aussi lʼassocia- tion des Amis du comté. La structure est chargée de la gestion du musée du comté à Poligny. Elle assu- re la promotion du produit sur une cin- quantaine de manifestations par an. Exemple lors des mercredis dʼaccueil organisés en été à la ferme de Cessay. Jean-Louis Barthod et Jean-François Marmier, alias Tasmanien, animent une
sitif : séjours théma- tiques, sorties floris- tiques, fêtes, A Nicolas Bouveret de répondre aux sollicitations, d’as- surer la promotion du réseau auprès des médias, des offices de tou- risme. Le concept a mis du temps avant de trouver sa vitesse de croisière. Un programme de revi- talisation a été initié en
L’auberge du Grand Gît, créée de toutes pièces par Alain Nicod et Nelly son épouse, fait probablement figure d’ex- ception dans l’histoire du Haut-Doubs touristique où l’offre hôtelière n’a cessé de décliner depuis 25 ans.
Se redécouvrir à travers le regard des autres.
Le bonheur est dans la fruitière Les agriculteurs de Frasne s’investissent sans compter dans les routes du comté. Enrichissant à tous points de vue.
séance dégustation devant une cen- taine de touristes et locaux. “On devait intervenir seulement un an ou deux ans mais personne ne veut quʼon arrête.” Les sociétaires de la coopérative de Frasne reçoivent aussi les vacanciers tous les jeudis matin en juillet et en août pour une visite de la fromagerie. Lʼani- mation attire 300 personnes. “On pour- rait faire mieux en se positionnant sur le marché des autocaristes. Cʼest une autre organisation. Mais on ne souhai- te pas aller dans cette direction.” Les producteurs de Frasne sont plu- tôt ouverts puisquʼils alternent ces visites avec la coopérative de Bouverans beau- coup moins bien placée. Les visites se répercutent en achats de comté, autres fromages et produits de laitiers. Lʼacti- vité de ces magasins est loin dʼêtre
Jean-Louis Barthod qui préside l’association des Amis du comté
joue un rôle actif dans la promotion du produit.
négligeable. Celui de Frasne emploie trois vendeuses et génère 550 000 euros de chiffre dʼaffaires.
Un lien indéfectible s’établit entre le tourisme consommateur et le producteur, fromager ou affineur.
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