La Presse Pontissalienne 140 - Juin 2011

18 DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 140 - Juin 2011

FORMATION École d’horlogerie Fougères : le gisement délocalisé de frontaliers L’école d’horlogerie de Fougères en Bretagne forme chaque année une douzaine d’horlogers rhabilleurs dont la moitié au moins ira travailler en Suisse.

À ceux qui s’étonnent ou semoquent de l’existence d’une école d’horlogerie au cœur de la Bre- tagne, Thierry Autret le responsable de cette formation rétorque : “Les Suisses ont bien une marine sans mer et en plus ils ont gagné la Coupe de l’America…” Trève de plaisanterie, cet- te école d’horlogerie gérée par la C.C.I. de Fougères a été mise en place en

passion. La moyenne d’âge avoisine la trentaine. L’école de Fougères forme en deux ans des horlogers rhabilleurs qui seront appelés à entretenir et répa- rer des montres de haute technicité. Chaque année, deux promotions de 12 à 13 élèves se côtoient. Au terme de leur cursus, les futurs horlogers passent deux diplômes : le Certificat de Qualification Professionnel de niveau III (Bac + 2) et le diplôme suisse du Wostep. Basé à Neuchâtel, le Wostep est un centre de formation qui fonctionne en partenariat péda- gogique avec 16 écoles d’horlogerie dans le monde dont celle de Fougères. Le taux de réussite à l’un ou l’autre examen frôle les 100 %. Tous les stagiaires de Fougères trou- vent un emploi dans l’année qui suit. La moitié en France dans les S.A.V. de boutiques ou chez des fabricants. L’autre

2002. Elle s’adresse à un public de demandeurs d’emploi et salariés en reconversion profes- sionnelle. Ingénieurs, universi- taires, artisans, la diver- sité est de mise comme dans les provenances géographiques. Quand on s’engage sur cette voie, c’est d’abord par

Tous les stagiaires trouvent un emploi.

Les deux promotions actuellement en formation à Fougère s’étaient réunies lors du passage des représentants de la manufacture Jaeger-LeCoultre le 18 mai dernier.

moitié, soit 5 à 6 personnes, part en Suisse. Ils exercent surtout dans les manufactures de la vallée de Joux ou à Genève. L’école reçoit d’ailleurs régu-

lièrement des représentants d’entreprises françaises et helvètes qui viennent recruter directement à la source. Les offres passent rarement au Pôle emploi. En général, la plupart des expa- triés en Suisse sont encore en poste

dans ce pays même s’ils changent par- fois d’employeur. “On ne tient pas à augmenter les effectifs car on veut pré- server un enseignement de qualité, un bon taux de placement. C’est un bon compromis financier et pédagogique” , conclut Thierry Autret. F.C.

PONTARLIER Conquis par l’expérience frontalière Échange rillettes contre comté Après son diplôme d’horloger obtenu à Fougères, Olivier Lecoq a opté pour le Val de Travers. Il vit à Pontarlier avec son épouse et ses deux garçons. Un projet de vie à la précision suisse.

RECRUTEMENT

Main-d’œuvre horlogère

La Jaeger fait ses courses en France La manufacture de la Vallée de Joux se déplace régulièrement dans les écoles d’horlogerie f rançaises comme celle de Fougères. “C’ est une collaboration qui dépasse la simple opération de recrutement. À Fougères, on peut parler d’une coopération à tous les niveaux. On sait que les personnes formées là-bas correspondent à nos critères de recrutement” , indique l’un des respon- sables du service ressources humaines. Deux à trois éléments de l’école bretonne rejoignent chaque année l’effectif de l’entreprise vaudoise. Mais le recrutement d’une manu- facture qui emploie plus de 1 000 collaborateurs est beaucoup plus lar-

P as de chômage, de stress, ni d’addiction particu- lière. Simplement l’envie de bouger, de changer d’air. Olivier et Isabelle Lecoq étaient partants pour le grand voyage. “On a même songé au Québec” , note ce Manceau qui était acheteur de matériel agricole dans la Sarthe. Isabelle était secré- taire. La famille vivait au Mans. Après un bilan de compé- tences, Olivier Lecoq passe avec brio les tests pour inté- grer la formation horlogère de Fougères. Pendant deux ans, il fera les navettes entre le site de formation et la capi- tale sarthoise. Un stage à Genève, l’autre à Besançon lui donnent un aperçu assez positif de ce pourrait être leur nouvelle vie. Tope-là ! Le précieux sésame en poche décroché en juin 2008, il met

ge. La Jaeger travaille avec plusieurs organismes de formation en France pour satisfaire ses besoins au niveau commercial et ingénierie. “On peut parler d’un partenariat global avec la France.Vu le potentiel d’activité et le chômage en Suisse, on doit forcément se tourner vers la France. Comme on a épuisé les ressources de la zone frontalière, automatiquement le champ de recherche s’élargit. D’autant plus qu’il n’y a plus d’obligation de vivre sur la bande frontalière.” La Jaeger apporte bien sûr son soutien aux personnes qu’elle recrute. Impossible de savoir quelle forme prend le processus d’accompagnement. C’est aussi secret qu’un compte bancaire suisse. F.C.

Aussi secret qu’un compte bancaire suisse.

Plus question de retourner au Mans pour Olivier, Isabelle et Victor, l’aîné de leurs deux fistons.

le cap sur le Haut-Doubs. “On est parti de Maîche en direc- tion de Morteau et Pontarlier pour savoir où s’installer.” Est- ce les effluves des distilleries, de Nestlé, le choix s’est porté dans la capitale du Haut-Doubs. Il ne restait plus qu’à trouver un emploi d’horloger en Suisse. Autant

dire une formalité. Olivier travaille dans le Val de Travers. “On a surmonté l’épreuve de l’hiver 2008-2009. Cela nous a même permis de nous rapprocher des voisins avec qui nous avons fait connaissance en “pellant” la neige tous ensemble.” Le Haut-Doubs et ses paysages ont envoûté la famille Lecoq qui va bientôt construire à La Cluse. “Quand on a vécu dans une ville de 220 000 habitants, on trouve la vie très tranquille à Pontarlier. Même les bouchons de la clu-

vé la parade en s’appuyant sur un centre de loisirs pri- vé pour enfants. Le mal du pays, on ne connaît pas chez les Lecoq. “Quand on repart du Mans, c’est par- fois difficile de laisser la famil- le. Mais aujourd’hui, on est content de revenir dans le Haut-Doubs. On a aussi déve- loppé les échanges inter-spé- cialités, du genre rillettes contre comté” , sourit Olivier très serein. Le Haut-Doubs, ce n’est pas tout à fait le Qué- bec, mais ça y ressemble un peu… F.C.

se sont à taille humaine quand on vient duMans. Les gens du Haut-Doubs sont assez accueillants. On a gagné en qualité de vie.” Olivier et Isabelle ont un peu galéré pour trouver un loge- ment et une solution pour la garde des enfants. “Les horaires d’accueil en M.J.C. ou au périscolaire ne corres- pondent pas aux horaires de bureau. C’est parfois un obs- tacle quand on cherche du travail” , observe Isabelle qui ne peut pas compter sur sa famille proche. Ils ont trou-

“On a gagné en

qualité de vie.”

Côté recrutement, la manufacture de la vallée de Joux vit sous

perfusion française.

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