La Presse Pontissalienne 111 - Janvier 2009

Économie

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C HANTIER

Beaucoup de désillusions Ligne à grande vitesse, un mauvais wagon ? Pensant profiter du chantier de la ligne à grande vitesse (L.G.V.), des entreprises de travaux publics basées dans l’Aire urbaine Belfort-Montbéliard ont lourdement investi dans du matériel. Aujourd’hui, elles vendent à perte.

L es yeux plus gros le ventre. Pour beaucoup d’entreprises de travaux publics, le chantier de la ligne à grande vitesse (L.G.V.) devait être un immense gâteau. Au moins aussi gigantesque que ce tracé ferroviaire traver- sant la Franche-Comté, de Che- vroz (Doubs) à Petit-Croix (Ter- ritoire-de-Belfort). Il suffisait de le croquer.Aujourd’hui, entre les chiffres annoncés et la réa- lité du terrain, le fossé est énor- me si bien que l’optimisme qui régnait encore l’année derniè- re a viré au pessimisme. Lentement mais sûrement, les petites entreprises se sont aper- çues que le gâteau L.G.V. était dépourvu de cerise tout comme l’élargissement à deux fois trois voies de l’autoroute A 36 entre Belfort etMontbéliard. Pire, ces deux chantiers laissent un goût amer chez celles ayant lourde- ment investi dans dumatériel. C’est le cas dans l’Aire urbai- ne. Manque d’anticipation ou

précipitation de leur part ? Un peu des deux. “Il y a un an enco- re, il était plus profitable d’acheter une machine que la louer” résume Régis Valentin, directeur de la firme Kiloutou à Taillecourt, dans l’agglomération montbéliar- daise. La crise aidant, les données du problème ont changé. Après

matériel alors qu’il y a un an ou deux, il me fallait des mois pour trouver une pelleteuse” , calcule PatrickRobert, vice-pré- sident de la fédération du B.T.P. duTerritoire-de-Belfort et direc- teur de centre la société Colas, laquelle intervient sur la L.G.V. Est-ce l’heure des affaires pour qui veut acheter une balayeu- se ou une pelleteuse ? “Peut-

Aujourd’hui, la plupart des grandes œuvres sont terminées.

cés au départ. Un partenariat avec l’A.N.P.E. et la Maison de l’emploi et de la formation (M.I.F.E.) a étémis sur pied pour dénicher des can- didats. Bien qu’en diminution, des offres sont à pourvoir sur le site internet de l’A.N.P.E. (www.anpe.fr ou www.lgvrhinrhone.com). Seul problème :lamain-d’œuvre qua- lifiée se fait désirer obligeant Réseau Ferré de France (R.F.F.) -maître d’ouvrage - à faire appel à des travailleurs venus des pays de l’Est, Pologne notam- ment. ÀMontbéliard, les grands chan- tiers ont fait des heureux. C’est le cas de la société J.B. Forma- tion, basée àVoujeaucourt. Spé- cialisée dans la formation aux engins de manutention et de travaux publics, elle a formé

Après le gâteau : place à une période de vache maigre même si beaucoup espèrent que la création du site médian - hôpi- tal qui regroupera les unités de Belfort et Montbéliard à Tré- venans (90) - et le développe- ment du site Techn’hom à Bel- fort lisseront “l’effet crise.” Entrés dans leur phase termi- nale en ce qui concerne le génie civil, les chantiers L.G.V. et A 36 réduisent fortement la voi- lure. Le cas de ces sociétés vendant dumatériel à perte reste néan- moins marginal puisque seu- lement 2 % des entreprises locales sont intervenues, les 98 % des travaux restant étant réalisés par des sociétés annexes. Ces travaux ont tout de même du bon : 500 emplois locaux ont été créés…contre 1 000 annon-

“300 à 400 personnes sur la L.G.V.” raconte Jean-Jacques Boichot son représentant. La location y trouve son comp- te : “Les locations d’appareils de chauffage de béton (30 rien que pour la L.G.V. sur le tronçon C) et d’éclairage ont augmenté de moitié. C’est une activité refu- ge” concède Régis Valentin, de la société Kiloutou. Malheureusement, de produc- tif, le chantier “est devenu contre- productif” estimePatrickRobert, vice-président du B.T.P. “La L.G.V. est grande consomma- trice de produits extraits de car- rières. Résultat : les prix mon- tent localement pour nos entreprises.” Certains ont su prendre le bon wagon de la ligne à grande vites- se. D’autres non…

être” , convient Patrick Robert, “mais encore faut-il en avoir l’utilité.” Force est de constater que les mises en chantier ont diminué tant et si bien que le Nord Franche-Comté, déjà

avoir acheté trois camions-bennes sur une durée de trois ans, une entreprise deT.P. basée à Montbéliard - qui veut garder l’anonymat - se retrou- ve face à un dilemme : baisse d’activité et

“Le Chantier est devenu contre- productif.”

plombé par la crise du secteur automobile, fait grisemine. “Un retrait de 6 % de l’activité en 2009 est à prévoir” , annonce la fédération du B.T.P. qui attend des annonces gouvernemen- tales en matière de T.V.A., de délais de paiement et de prêts à taux 0.

location qui s’envole. Résultat : elle vend deux de ses camions qui restent ponctuellement à quai. Une autre, à Ronchamp, vend deux balayeuses destinées jadis ànettoyer les routes d’accès à la L.G.V., le génie civil étant terminé. “En un jour, je peux trouver du

“Nous sommes face à une crise vertigineuse” C OMMENTAIRE Comment rebondir ? Gilbert Jacquot, président de la Fédération Régionale des Travaux Publics alerte les collectivités sur le rôle qu’elles ont à jouer pour sortir les T.P. de la crise en relançant la commande publique.

L a Presse Pontissalienne : Les Travaux Publics ont-ils déjà tra- versé une telle crise ? Gilbert Jacquot : Actuellement, ce qui nous manque, c’est de la visibilité. On sort d’une année électorale, une période où les investissements sont toujours moindres. Or, en septembre, alors que nous attendions une reprise, nous avons glissé dans une crise d’abord financière puis économique.Nous sommes dans une situation que nous n’avons jamais connue et nous ne savons pas quand tout cela va s’arrêter. L.P.P. : Les collectivités tiennent la clé de vos problèmes. Il faudrait qu’elles relancent la commande publique ? G.J. : Les appels d’offres sont divisés par trois ou quatre. Nos carnets de commandes fondent et il n’y a pas de signe de repri- se. La crise est très brutale.Va- t-elle durer ou non ? Nous n’en savons rien. C’est la raison pour laquelle la Fédération Régio- nale desTravaux Publics inter- pelle les élus locaux.EnFranche- Comté, les chantiers pour les collectivités représentent près de lamoitié du chiffre d’affaires des entreprises de T.P. Si elles

ne pas l’investissement, il y aura des conséquences sur l’emploi.Nous sommes dans un secteur qui a beaucoup recruté ces dernières années. Si les communes, com- munautés de communes, Conseils généraux choisissent de ne pas entreprendre, nous allons fragiliser tout un dispo- sitif que nous avons créé ensemble par favoriser relancent

L’annonce qui a été faite d’accélérer le remboursement de la T.V.A. aux collectivités va dans le bon sens à condition que ce gain serve l’investissement. L.P.P. : Toutefois, il n’y a plus de grands chantiers dans la région. Cette réa- lité s’ajoute à une évolution défavo- rable de la conjoncture. Comment pouvez-vous réagir ?

L.P.P. : Vous êtes engagé dans une bataille pour l’emploi ? G.J. : Chaquemois gagné, ce sont des emplois sauvés. Les collec- tivités doivent le comprendre. Cependant, leur position est elle aussi défendable. Avec la dégradation de la conjoncture, elles redoutent que les dépenses sociales s’accroissent. C’est pré- cisément maintenant qu’il faut investir pour inverser la ten- dance. Je rappelle qu’en Franche-Comté, les T.P. emploient 6 000 personnes (dont 2 600 dans le Doubs) dans 340 entreprises. L.P.P. : Le moral des entrepreneurs est au plus bas en cette fin d’année ? G.J. : Il n’est pas bon. Les entre- preneurs sont passés d’une situation confortable il faut le reconnaître, à une situation dif- ficile. Le secteur des travaux publics en Franche-Comté sur- fait sur le haut de la vague, et d’un coup il se retrouve face à une crise vertigineuse. En quelquesmois, le carnet de com- mande des entreprises est pas- sé de 5 mois à 2,5 mois. Propos recueillis par T.C.

l’insertion de per- sonnes en difficul- té dans nos socié- tés. En cas de récession, nous pérenniserons en priorité l’emploi de

G.J. : En Franche- Comté, les grands chantiers arrivent à terme. La mise en trois voies de l’autorouteA 36 se termine ainsi que

“Les collectivités ne doivent pas s’en réjouir.”

personnes qualifiées compé- tentes et malheureusement pas celui des personnes en inser- tion. Les entreprises commen- cent à avoir des problèmes de carnet de commande et les col- lectivités ne doivent pas s’en réjouir. L.P.P. : Que pensez-vous du plan de relance annoncé par Nicolas Sarko- zy ? G.J. : Le plan de relance est très positif, car l’État a pris conscien- ce qu’il fallait relancer lamachi- ne par l’investissement.

la construction de la ligne L.G.V. Pour nous, c’est un problème. C’est pourquoi la F.R.T.P. s’est lancée dans le recensement de tous les projets que peuvent avoir les collectivités enFranche- Comté. On pense qu’il y en a entre 200 et 500 dans la région et 10 000 en France. L’idée est de voir avec elles dans quelle mesure elles peuvent engager les travaux. Si elles sont sur la réserve, nous voulons essayer de savoir pourquoi avant de leur proposer un accompagnement pour lancer le projet.

Gilbert Jacquot : “Chaque mois gagné, ce sont des emplois sauvés.”

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