La Presse Bisontine 98 - Avril 2009

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 98 - Avril 2009

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PRISON DE BESANÇON : L’ÉTAT DES LIEUX

Dire que la prison est un monde à part est un doux euphémisme. Il faut au moins l’avoir côtoyée une fois pour pouvoir en parler débarrassé de tous les préjugés qui entourent le monde carcéral, par définition fermé et loin, très loin, du monde réel. La Presse Bisontine a justement souhaité pénétrer dans ce microcosme par la grande porte, rencontrer ceux qui font vivre la prison mais aussi ceux qui y sont malgré eux, les détenus, ainsi que tous ceux qui travaillent pour ce milieu carcéral dont on sait qu’il n’est pas le système de répression idéal, en attendant de trouver meilleure organisation. “Maison d’arrêt de Besançon, état des lieux”, c’est le dossier central de ce numéro de La Presse Bisontine. Une plongée sans concession dans un autre monde.

LA BUTTE 373 détenus Un taux de surpopulation de 150 % à Besançon La surpopulation carcérale touche de plein fouet la prison de Besançon. Les conditions de détention s’améliorent néanmoins progressivement même si les règles européennes en la matière ne pourront pas être atteintes.

C omme le constate dans un petit sourire Karine Lagier, la directrice de la prison de Besançon, “il n’y a pas de rats qui courent dans les couloirs.” La maison d’arrêt de Besan- çon n’est pas insalubre, elle mérite néanmoins de sérieux travaux de rénovation. Ici, pas de pla- ce individuelle pour tous les détenus : ils sont en ce moment 373 (chiffre au 11 mars) pour 285 cellules. Alors la plupart des cellules de 10 ou 11 m 2 contiennent deux lits, donc deux occupants. Le taux de surpopulation dépasse ici les 150 %. C’était pire encore il y a quelques mois : en décembre, le nombre de détenus était proche de 400. La réglementation voudrait que la maison d’arrêt n’héberge que des détenus dont le reliquat de peine est inférieur à un an, mais c’est loin d’être Repères La maison d’arrêt de Besançon en chiffres

le cas. Au-delà d’un an, les prisonniers devraient être affectés dans des centres de détention. Mais la “liste d’attente” dans ces centres de détention, également engorgés, s’allonge et par ricochet, celle des maisons d’arrêt comme Besançon aus- si. À l’intérieur des cellules à la Butte, inutile de décrire la promiscuité, le manque de lumière ou l’état général, qui s’améliore peu à peu, mais res- te plus que sommaire. Pas de frigo non plus. “Notre frigo, l’hiver, c’est les rebords de fenêtre” lâche ce détenu qui compare la situation bison- tine avec celle de Dijon où les cellules sont équi- pées de petits réfrigérateurs. De toute façon ici, la puissance du réseau électrique serait insuf- fisante pour supporter ce genre d’appareils. Le bâtiment d’origine qui abrite trois des quatre divisions de la prison date de 1885. Pas de douche non plus dans les cellules, contrai- rement encore une fois aux recommandations européennes. Juste un lavabo, eau chaude, eau froide. “Notre curseur pour tirer les conditions de détention vers le haut, ce sont toujours ces règles européennes, mais on fait évidemment dans la mesure des moyens qui nous sont alloués” ajou- te Karine Lagier, une directrice réputée pour sa fibre plutôt progressiste. Dans cette optique, un “quartier des entrants” a été organisé dans l’aile la plus moderne de la maison d’arrêt, construi- te en 1990, et trois surveillants, toujours les mêmes, pour gérer ce public des arrivants. “La question de la préparation de la sortie est aussi

La maison d’arrêt de Besançon est vétuste mais plutôt bien tenue.

détenu pour plusieurs années ou prévenu pour quelques semaines. Les projets d’amélioration des conditions de vie des détenus ne manquent pas à Besançon. Mais il faudra plus que la seule volonté d’une direc- trice pour faire avancer les choses. L’administration pénitentiaire est une lourde machine. La prison est décidément un monde à part. Le public accueilli à la maison d’arrêt de Besan- çon a bien évolué lui aussi : beaucoup de courtes peines, de jeunes délinquants, sans formation, des toxicomanes, des affaires demœurs, de stups… “Certains, je les vois pour la cinquième ou sixiè- me fois” commente un gardien. Comme le dit en souriant un autre surveillant de la prison, un brin nostalgique peut-être, “il n’y a plus de vrais bandits à la Butte.” J.-F.H.

une de mes priorités, avec la mise en place de bilans de compétences, le projet d’un point d’accès aux droits, un lieu qui permettrait aux détenus de rencontrer ponctuellement des professionnels

pour préparer leur sortie.” Le Doubs est un des derniers dépar- tements à ne pas disposer d’un tel outil dans ses prisons. “Je sou- haiterais aussi créer un quartier dédié aux sortants.” Depuis janvier 2009, les condam- nés (71 % de l’effectif) sont sépa- rés des prévenus. “Mon idée est d’aller plus loin encore dans la différenciation de la prise en char- ge.” Pour les parloirs par exemple, pas de différence entre les deux, c’est une demi-heure, que l’on soit

Les condamnés sont séparés des prévenus.

- Date de construction : 1885 - Division la plus récente : 1990

- Nombre de détenus au 11 mars : 373, dont 28 en placement sous surveillance électronique - Nombre de cellules : 285 - Nombre de personnels de surveillance : 91

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