La Presse Bisontine 81 - Octobre 2007

La Presse Bisontine n°81 - Octobre 2007

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COMMENTAIRE Loi de 1998 sur l’expulsion Bernard Vanhoutte : “Seuls les cas désespérés finissent devant la justice” Le président de l’antenne départementale de l’Union Nationale de la Propriété Immobilière admet que l’expulsion du locataire pour défaut de paiement de loyer est le dernier recours utilisé par le propriétaire.

L a Presse Bisontine : Constatez-vous à l’U.N.P.I. une augmentation du nombre de locataires qui ne paient pas leur loyer au risque de mettre dans l’embarras le propriétaire ? Bernard Vanhoutte : Nous n’avons pas de statistiques précises. Mais à mon sens, le phénomène n’est pas nou- veau. Par contre, ce qui est plus d’actualité, ce sont les gens qui déci- dent d’investir dans un bien immo- bilier en vue de le louer, et dont le financement est couvert à 100 % par les loyers qu’ils vont percevoir. Quand le locataire ne paie pas, l’amortissement mensuel est tel que le propriétaire se retrouve au bord de l’asphyxie. L.P.B. : Lorsqu’un propriétaire se trouve face à un locataire qui ne veut pas payer

son loyer, c’est le parcours du combattant pour tenter de l’expulser. La procédure qui dure plusieurs mois semble s’être durcie depuis 1998, pourquoi ? B.V. : Je rappelle qu’au XIX ème siècle, le bailleur avait beaucoup de droits. L’idée de la loi sur l’exclusion est d’éviter qu’un locataire se retrou- ve à la rue du jour au lendemain. Le problème vient du fait que c’est le bailleur qui supporte financiè- rement la lenteur de la procédure qui s’est durcie en effet depuis 1998. Souvent, le jugement d’expulsion est rendu, mais la difficulté est de faire exécuter ce jugement. Heu- reusement, je dirais que l’on par- vient à récupérer 80 % des loyers impayés par la discussion avec le locataire en question. Seuls les cas désespérés finissent devant la jus-

Bernard Vanhoutte : “On parvient à récupérer 80 % des loyers impayés par la discussion.”

aboutir à des violences et à des troubles de la voie publique. C’est très rare. Si le propriétaire décide à un moment donné de faire sa jus- tice seul, c’est aussi le signe d’une tension psychologique. C’est un dérapage et une action très ineffi- cace, car même si le locataire est expulsé de force par son bailleur, il sera réinstallé dans le logement. Propos recueillis par T.C.

tice. L’expulsion est l’ultime solu- tion. Quand on en arrive là, c’est que toutes les autres possibilités ont été étudiées. L.P.B. : Face à la lourdeur de la procédu- re, il arrive que certains propriétaires fas- sent leur justice seuls ? B.V. : C’est évident que la nature de la procédure peut tenter le pro- priétaire de passer outre. Cela peut

LÉGISLATION Loi de 1998 La procédure est longue et difficile Les propriétaires qui cherchent à expulser un locataire qui n’honore pas son loyer doivent s’armer de courage avant d’obtenir gain de cause.

L a loi prévoit que du 31 octobre au 16 mars, il est interdit d’expulser un locataire.Endehorsdecettepério- de, tout est possible à condition que le tribunal d’instanceait déci- dé d’une procédure d’expulsion. Mais il arrive que des proprié- taires ulcérés ne s’embarrassent pas de la législation, allant jus- qu’à faire justice eux-mêmes. Récemment enHaute-Saône, un propriétaireaprofitéde l’absence de ses locataires pour vider l’ap- partement qu’ils occupaient et changer la serrure. Mauvaise surprise. Lemode opératoire est expéditif, brutal mais illégal. D’autresusentdeméthodesmoins radicales en coupant l’eau ou le chauffage. Pasmieux. “Il y aune loi, il faut la respecter” rappelle MathieuSertout, vice-président de la F.N.A.I.M. C’est vrai, la procédure d’expul- sion est longue et découragean- te pour le bailleur qui s’y enga- ge en espérant obtenir le départ deseslocatairesmauvaispayeurs. Tout d’abord, le bail est caduc si l’intéressén’honorepas ses loyers. Mais cela ne règle pas tout. Le

propriétaire doit faire constater par unhuissier le défaut de paie- ment du locataire qui dispose alors de deux mois pour régula- riser sa situation. S’il ne réagit pas à ce premier avertissement, le bailleur peut encore saisir la justice en se tournant vers le tri- bunal d’instance, ce qui allonge la procédure de deux mois sup- plémentaires. Le jugement d’expulsion peut tomber, leplus difficile est depar- venir à le faire exécuter. C’est à la préfecture d’intervenir ender- nier lieu, puisque c’est elle qui fera usage de la force publique pour expulser le locataire. Si le logeur déplore l’attentisme de l’État, il pourra enfindéposer un recours à son encontre au Tri- bunal Administratif et deman- der une indemnisation. À ce sta- deultime, l’État finit par exécuter le jugement. Ouf ! Une année s’est peut-être écoulée depuis le début de la démarche. Riend’étonnant que dans ce gen- re d’affaires le chemin de l’ar- rangement à l’amiable et de la conciliation soit privilégié à celui de la procédure. Car la loi pro-

tège le locataire pour éviter que celui-ci ne se retrouve à la rue manu militari . Le problème est que la dureté de la législation amène parfois les propriétaires à se prémunir d’un certainnombredegarantiesavant de choisir leur locataire pour être certain de sa solvabilité. Ils demandentlesrelevésdebanques par exemple, “dans les grandes villes,descautionsbancaireséqui- valentes à un an de loyer sont réclamées” poursuitMathieuSer- tout. Les cautions qui dépassent les deuxmois de loyer, sont aus- si illégales. Pour se prémunir et éviter les ennuis, lespropriétaires peuvent enfin souscrire à une assurance qui couvrira les loyers impayés comme le conseillent certaines agences immobilières àleursadhérentsquileurconfient un bien en gestion. Le revers à la lourdeur de la pro- cédure est que ça ne favorise pas les personnes qui malgré toute leur bonne foi cherchent un loge- mentmaisquin’ontpasdegaran- ties à mettre dans la balance.

T.C.

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