La Presse Bisontine 69 - Septembre 2006
L’ INTERVI EW DU MOIS
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Éditorial
P OLITIQUE
Le directeur général de l’institut Ipsos
Sévèrement critiqués après l’élection présidentiel- le de 2002, les sondages sont toujours omnipré- sents dans le paysage politique et médiatique fran- çais. Pour Éric Lecerf, directeur général de l’institut Ipsos, il ne faut pas jeter la pierre aux instituts, mais rester prudent face à leurs résultats. Éric Lecerf : “Les sondages sont indispensables mais restent imparfaits”
Vaudeville Il est arrivé parfois à la droite françai- se d'être qualifiée de “droite la plus bête du monde”. Ce titre peu glorieux faisant référence auxmésententes chro- niques qui lui ont valu, sur le plan natio- nal, d'essuyer plusieurs échecs dus à ses divisions. Besançon aurait-elle à son niveau la droite la plus bête de France? Depuis quelques mois, dans la pré-bataille des prochaines munici- pales, tout porte hélas à le croire. Résu- mons: le maire actuel, en 2001, ne fait que perpétuer une tradition qui fait de Besançon une des villes de plus de 100000 habitants les plus ancrées à gauche de tout l’Hexagone. Sans éclat, Jean-Louis Fousseret réunit autour de lui près de 54 % des électeurs. Pour la droite, cette énième tentative de déboulonner la gauche bisontine n’est pas la pire. Jean Rosselot, le candidat d’alors, réussit d’ailleurs un desmeilleurs scores de ces vingt dernières années. Cinq ans plus tard, où en est-on? La droite bisontine a-t-elle profité de cet- te période pour tenter de fragiliser un Jean-Louis Fousseret plutôt à la pei- ne durant la première partie de son mandat, a-t-elle pris le temps d’écha- fauder une stratégie de conquête, de préparer un plan de bataille ordonné, de lancer sur le devant de la scène celui ou celle qui doit être son prochain pou- lain, en ordre de bataille uni? Rien de tout cela, et même pire. À un peu plus d’un an des prochaines municipales, elle semble au contraire tout faire pour montrer un visage divisé ou toute volon- té d’unité - fût-elle de façade - a volé en éclat. Au début de l’été, l’ancien pré- sident de Région Jean-François Hum- bert déclare à la cantonade être le pro- chain candidat de la droite, sans aucune concertation préalable. Depuis, étran- ge silence radio! Ensuite, c’est au tour de Jean Rosselot de ramener sur le devant de la scène son imposante sil- houette de candidat à la candidature. Surprise: Françoise Branget, seule élue nationale bisontine, dit ne pas être au courant ! La droite n'a que quelques mois pour redresser la barre dans un navire qui prend l’eau sans même avoir encore pris la mer. Voudrait-elle dérou- ler un tapis rouge à un maire sortant ayant annoncé sa décision de ne plus se consacrer qu’à sa ville et son agglo- mération que la droite ne s’y serait pas prise autrement. Engluée dans cemau- vais vaudeville, la droite bisontine a pourtant des idées séduisantes à fai- re valoir pour l’avenir de cette ville. n Jean-François Hauser
Pour Éric Lecerf, directeur général de l’institut de sondage Ipsos, “la situation semble solide et durable pour Royal et Sarkozy mais elle va encore largement évoluer.”
L a Presse Bisontine: Lors de l’élection présidentielle de 2002, les instituts de son- dage avaient été très critiqués… Éric Lecerf: Les intentions de votes telles que présentées avant l’élection nemontraient pas Jean-Marie Le Pen au deuxième tour, c’est vrai. Mais les instituts de sondage ont mesuré une évolution. Ils n’ont
ce second tour, encore fallait- il passer le premier. Donc attention. En plus, en ce moment, les gens n’ont pas encore la liste précise des can- didats, n’ont même pas la date de l’élection en tête. Aujour- d’hui, ils jouent plus à “j’aime untel” ou “je n’aime pas untel.” Une campagne, c’est très long. La situation semble solide et durable pour Royal et Sarko- zy mais elle va encore large- ment évoluer. À droite, Sar- kozy est crédité en cemoment de 35%des intentions de vote, mais il risque d’y avoir une certaine dispersion des voix. Pour SégolèneRoyal, à gauche, sa posture actuelle relève plus du cadre des primaires au sein du P.S. Une fois que celles-ci seront terminées, que le par- ti socialiste aura désigné son candidat, on pourra alors voir comment elle se situe. Tout est très sensible, tous les scé- narios sont possibles. L.P.B.: Que représentent les son- dages politiques dans votre activi- té? E.L.: C’est très visible bien sûr, le public nous connaît surtout à travers cela. Mais dans notre chiffre d’affaires, la partie “opi- nion” ne représente que 7 % du chiffre d’affaires. Si la par- tie exclusivement politique, réalisée pour les partis et la presse, c’est peut-être 1 ou 2% de notre activité. Propos recueillis par S.D.
choix effectués… E.L.: C’est vrai que la posture de l’institut de sondage est un peu particulière. Au sein de la primaire du P.S., le sonda- ge va jouer un rôle d’indica- teur. Cela se voit notamment autour du cas de Ségolène Royal, qui s’appuie sur le fait qu’au fil des enquêtes, elle a vu sa popularité ne pas s’ef- fondrer. La popularité se nour- rit du sondage bien sûr, mais une personnalité politique n’existe pas uniquement grâ- ce aux sondages. Si elle n’a
sement, pour obtenir des résul- tats plus justes. En général, nos mesures des votes de l’ex- trême droite sont assez justes. On sait que lorsqu’on deman- de, onmesure en général entre un tiers et la moitié des voix. L.P.B.: Quel rôle alors pour les son- dages? E.L.: C’est indispensable sur ce que dit l’opinion publique, sur son état, l’état des forces politiques en présence. Mais cela reste imparfait, d’autant plus que l’électorat est vola-
avec Ségolène Royal en ce moment. Il y a eu deux ou trois sondages récemment, dont les questions ne portaient même pas sur les intentions de vote mais plutôt sur le candidat que les gens préfèrent, ce qui est très éloigné des intentions de votes. Tous les journaux les ont repris un peu n’im- porte comment, en parlant
d’un duel entre Sarkozy et Royal, alors que ce n’était même pas le contexte de la question. Il y aune vraie pédagogie à faire, vis-à-vis des journalistes notamment. Ce qui implique peut-
cessé de montrer que la cote de Lio- nel Jospin s’éro- dait petit à petit. Quand vous observez les courbes du can- didat socialiste et de celui du Front national, vous voyez qu’elles se
“Il y a une vraie pédagogie à faire, vis-à-vis des journalistes.”
pas de contenu, d’analyse de l’opi- nion, cela ne dure pas très long- temps. Le sonda- ge est l’expression de l’opinion. Mais entre avoir un bon sondage et faire une bonne
til. Il faut en être conscient. Un sondage ne peut pas être une pré- diction. Aujour- d’hui, les son- dages sont très largement com- mentés. Et la ten- tation, c’est de
“Tout est très sensible, tous les scénarios sont possibles.”
être de ne pas se focaliser sur les chiffres, ils ont leurs limites. Mais en France, on aime cela. L.P.B.: L’électorat est-il plus vola- til? E.L.: Oui, et cela rend lamesu- re et l’anticipation d’autant plus compliquée pour nous. Il y a un phénomène de “zap- ping” électoral. Les gens n’ont plus de système de pensée organisé. L’offre de candidat est aussi plus large. Ils vont se dire “pourquoi ne pas voter écologiste cette fois puisque j’aime leur discours.” Les gens ne se sentent pas liés à un grand projet, comme ils pou- vaient se sentir auparavant appartenir à la famille gaul- liste, communiste, socialiste. Cela vient d’une certaine décré- dibilisation du politique. En même temps, cela montre qu’ils sont aussi plus prag- matiquesmoins dogmatiques. L.P.B. : LAvez-vous changé votre façon de prendre en compte le vote d’extrême droite ? E.L.: Le vote d’extrême droite est encore entouré de beau- coup de tabous. Naturelle- ment, lors de nos enquêtes, les gens ont du mal à se sou- venir pour qui ils ont voté, font des erreurs ou ne disent pas la vérité. On sait appli- quer des systèmes de redres-
rapprochent petit à petit. Oui, onn’a pas anticipé que le Front dépasserait le P.S., mais on a donné suffisamment d’élé- ments. Il est vrai qu’il y a peut- être eu de notre part un manque de prudence, comp- te tenu des éléments que nous avions. La méthodologie, on doit encore l’affiner, mais elle n’est pas à remettre en cau- se fondamentalement. Il y a aussi un autre élément. En 2002, pour la première fois, la loi permettait de publier des sondages jusqu’à l’avant- veille du scrutin.Auparavant, toute publication était inter- dite à moins d’une semaine de l’élection. Cela peut aussi avoir joué un rôle. L.P.B.: Vous considérez-vous com- me des boucs émissaires, alors? E.L.: Non. On a notre part de responsabilité. Mais ce qui n’est pas juste, c’est de consi- dérer que les instituts de son- dage font n’importe quoi. Ceux qui connaissent certainement le mieux leurs limites, ce sont les sondeurs eux-mêmes. Vous avez 5 % de l’électorat qui dit se décider au derniermoment, dans l’isoloir. Ce qui peut tout changer. Cela incite à être très prudent. L.P.B.: L’est-on vraiment devenu? E.L. : Prenez ce qui se passe
prestation au journal télévi- sé de 20 heures, il faut voir ce qui a le plus de poids. L.P.B.: Ségolène Royal contre Nico- las Sarkozy en 2007. Les sondages en ce moment ne parlent que de cela. Peuvent-ils aller jusqu’au bout selon vous? E.L. : Sur la durée, le phéno- mène est parti depuis assez longtemps. Mais revenons à 2002. Une des erreurs a été de trop annoncer le duel Jos- pin-Chirac au second tour et cela a joué sur la dispersion des voies de gauche. On en a fait oublier qu’avant de jouer
dire, “les jeux sont faits.” Mais regardez les précédentes élec- tions présidentielles, les intentions de vote six à huit mois avant le scrutin res- semblaient rarement à l’élec- tion finale. Nous ne sommes pas encore dans une phase de vraie intention de votes. Mais plus dans une phase de primaires, où il s’agit d’éli- miner des candidats poten- tiels. L.P.B.: Justement, dans cette pha- se de primaires, les instituts de sondage ont un pouvoir énorme. Puisque les tendances influent les
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