La Presse Bisontine 48 - Octobre 2004

LE DOSSI ER

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L A V ÈZE Sécurité civile “Dans ce métier, il faut se blinder”

Hervé Labous dirige la base d’hélicoptères de la sécurité civile à La Vèze. Pilote de l’hélicoptère rouge et jaune, il passe le plus clair de son temps à sillonner le ciel pour des missions parfois périlleuses.

L a Presse Bisontine : La base d’hé- licoptères de la sécurité civile est entrée en fonction il y a tout juste un an. Est-ce qu’elle fonctionne à plein régime ? Hervé Labous : La base est opération- nelle depuis le 27 septembre 2003. Si on dresse un bilan de l’année 2004, à ce jour (le 15 septembre), nous avons déjà effectué 415 sorties. Sur ces 415 sorties, 261 missions étaient des secours à personnes, 8 missions de recherche, 28 missions de recon- naissance, prévention et coordina- tion des secours. Le reste, 109 mis- sions, c’était de l’entraînement de nos partenaires et des vols tech- niques. Sur les 261 missions de secours, 62 % ont été effectuées sur les lieux mêmes de la détresse (domicile des per- sonnes, route, montagne…). 38 % sont donc des prises en charge secon- daires, c’est-à-dire dans un hôpital périphérique pour un transfert au C.H.U. de Besançon ou à Lyon, Stras- bourg ou Paris pour les cas les plus graves. Après un an de fonctionnement, la base de La Vèze est déjà à un bon rythme de croisière. L.P.B. : Que recouvre le terme de “sécuri- té civile” ? H.L. : C’est une des directions du ministère de l’Intérieur. La sécuri- té civile comprend notamment la direction des pompiers, le groupe-

ment des moyens aériens avec la base avion de Marignane (avec tous les avions bombardiers d’eau : cana- dairs, trakkers…) et donc le grou- pement des hélicoptères de la sécu- rité civile avec 22 bases en France. La Vèze est une de ces 22 bases. Tout le personnel attaché à la sécurité civile dépend donc du ministère de l’Intérieur. Pour ma part, je suis capitaine de police. L.P.B. : Quelles sont vos différentes mis- sions depuis la base de La Vèze ? H.L. : Elles sont très diverses. Il y a d’abord le secours d’urgence et le sauvetage, c’est-à-dire l’évacuation des personnes en détresse, le trans- port d’équipes de secours et de maté- riel spécialisé, la recherche, la sur- veillance. Il peut s’agir aussi de lutte

L.P.B. Avant de diriger la base de La Vèze, quelles ont été vos autres fonctions ? H.L. : J’ai passé 3 ans comme chef de base à Granville (Manche), 8 ans chef de base au Havre et deux ans et demi pilote à Strasbourg. L.P.B. : Comment fonctionne la base de La Vèze ? H.L. : Nous sommes 7 personnes : 3 pilotes, un instructeur-pilote et 3 mécaniciens sauveteurs secouristes (M.S.S.). Le service de chacune de ces personnes varie entre 1 et 7 jours d’alerte maximum. La base est ouver- te 365 jours par an, sans exception. Il y a une présence effective à la base de 8 h 30 le matin jusqu’au coucher du soleil. Pendant cette période diur- ne, nous sommes en mesure de décol- ler sans délai, quasi-immédiatement.

La nuit, nous sommes d’as- treinte à domicile à tour de rôle et susceptibles d’in- tervenir partout sur le ter- ritoire franc-comtois en une heure maximum. À chaque intervention, il y a dans l’hélicoptère un pilo- te et un M.S.S. Au besoin, on complète avec une équi-

contre les feux de forêt, de transports sanitaires, ou encore des missions de poli- ce : sécurité des grands rassemblements comme un Technival ou le Tour de France… Nous effectuons aussi des missions de recherche dans un cadre judiciaire, du contrôle et

“Nous sommes en mesure de décoller sans délai.”

Hervé Labous, ancien militaire, est capitaine de police, chef de base et pilote de l’hélicoptère de la sécurité civile.

le décollage, nous rentrons les don- nées dans le système de navigation. Ensuite, le pilote automatique diri- ge seul l’appareil à l’endroit précis, nous indique instantanément l’heu- re d’arrivée, le temps de parcours, se cale sur les vents, la météo et règle l’altitude de vol tout seul. Ce nouvel E.C. 145 est un bijou de tech- nologie. Il remplace progressivement dans toutes les bases les “Alouet- te 3”. Fin 2005, toutes les bases fran- çaises seront équipées d’E.C. 145. L.P.B. : Comment devient-on pilote de la sécurité civile ? H.L. : Pour intégrer la formation, il faut avoir moins de 40 ans, 12 ans de métier de pilote ininterrompus,

tion ? H.L. : Nous sommes un moyen natio- nal prépositionné. C’est-à-dire qu’au quotidien, nous travaillons par délé- gation dans notre région d’implan- tation (les 4 départements francs- comtois) mais nous sommes susceptibles d’intervenir partout en France. Il y a quelques mois, nous avons fait par exemple un sauveta- ge dans la Loire, pour une inonda- tion à Roanne. Nous pouvons inter- venir sur des événements comme les incendies dans le Sud ou la marée noire du Prestige par exemple. En Franche-Comté, en une demi-heu- re maximum, nous sommes sur le point le plus éloigné de la région, tout au Sud du Jura.

pe spécialisée selon le domaine d’in- tervention (une personne du S.A.M.U. qu’on embarque à l’hôpital, un sapeur- pompier, un gendarme du groupe- ment de montagne des Rousses, un démineur, etc.). L.P.B. : Quelle est votre zone d’interven-

de la régulation routière et enfin, des missions de mise en condition du personnel et du matériel, c’est- à-dire de l’entraînement. Ça nous arrive parfois aussi de faire du trans- port de V.I.P. (hommes politiques…). C’est très varié.

2 500 heures de vol dont 200 de nuit. La plupart des pilotes sont d’anciens militaires formés dans l’Armée. À peine 2 % de nos pilotes sont issus du privé. Car ces formations coûtent cher.

“Le coût d’un hélicoptère s’élève à 5,3 millions d’euros.”

L.P.B. : C’est impressionnant… H.L. : Oui, mais nous serions encore plus per- formants si nous avions une équipe médicale à la base. Pour aller à Pon- tarlier par exemple, nous ne serions pas obligés de passer par le C.H.U. de

L.P.B. : Y a-t-il de l’appréhen-

sion à chacune de vos sorties ? H.L. : Il n’y a pas d’appréhension car on connaît notre métier et la machi- ne. En revanche, il y a plus d’adré- naline lorsque les conditions de la mission sont particulières, soit à cause de la météo soit quand on se retrouve sur un secours très dur à supporter sur le plan psychologique. Car on arrive toujours sur les lieux mêmes des accidents. Et on ne s’ha- bitue jamais à la détresse et à la souffrance. Parfois, quand on peut éviter de voir, on ne regarde pas. Dans ce métier, il faut se blinder, se protéger. L.P.B. : La routine n’existe pas dans votre métier ! H.L. : Jamais. L’intérêt, c’est que quand on arrive le matin, on ne sait pas quand on devra partir et quand on part, on ne sait jamais quand on revient. ! Propos recueillis par J.-F.H.

Besançon, nous gagnerions un 1/4 d’heure. À terme, c’est le but à atteindre pour rendre à la popula- tion franc-comtoise le service pour lequel tout citoyen paye ses impôts. De nos interventions, rien n’est fac- turé, c’est l’État qui paye le fonc- tionnement du service. L.P.B. : Un service qui coûte cher ? H.L. : Le fonctionnement de la base ne coûte pas cher en soi. C’est sur- tout le matériel. Le coût d’un héli- coptère comme le nôtre s’élève à 5,3 millions d’euros. L.P.B. C’est du matériel dernier cri ! H.L. : En effet, l’hélicoptère est un E.C. 145, de la firme franco-alle- mande Eurocopter. À l’intérieur, son instrumentation est digne d’un avion de ligne, d’un Airbus. L.P.B. : C’est-à-dire ? H.L. : À chaque départ, le service de coordination des pompiers nous don- ne les coordonnées précises du lieu d’intervention. En même temps que

Devant l’impressionnant E.C. 145, Hervé Labous (à droite) et Marck Duchatel, responsable mécanicien de la base de La Vèze.

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