La Presse Bisontine 48 - Octobre 2004

LE DOSSI ER

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C.H.U. Histoire de greffe Une infirmière lancée dans une course contre la montre

Il faut aller très vite. Le temps joue contre la cellule de coordination hospitalière du C.H.U. de Besançon qui organise les prélèvements et les greffes d’organes.

P our Yvette Hudel, la course contre la montre commence à partir du moment où le patient est en état de mort encéphalique. C’est-à-dire que les der- niers examens cliniques ont démon- tré une absence d’activité cérébrale. Le cerveau est détruit et lamort immi- nente. “C’est la seule situation où l’on peut prélever des organes sur une per- sonne, car son cœur bat encore et tous les organes sont en vie” explique Yvet- te Hudel. Cadre infirmier au C.H.U. de Besan- çon, elle est chargée de la coordination

les mots pour espérer obtenir l’accord de la famille qui autorisera ensuite une équipe chirurgicale à opérer pour enlever un cœur, des reins, des pou- mons. “C’est notre rôle de la prendre en charge pour l’aider à cheminer dans le deuil et l’acceptation du don. C’est difficile, car c’est une situation très vio- lente à vivre car elle est inattendue.” À partir du moment où la mort encé- phalique est constatée, le dialogue est une des premières démarches entre- prises par Yvette Hudel. “Cette étape de l’entretien est toujours une épreuve pour moi.” pour prendre la décision est très court. Une réponse favorable audondéclenche un ensemble d’opérations qu’elle doit gérer une à une dans les meilleurs délais. Il s’agit demettre en place tou- te la logistique qui intervient dans le processus de prélèvement. Tout d’abord, un certain nombre d’examens para- cliniques et cliniques sont engagés pour évaluer la viabilité du greffon. “Ensuite, on entre en contact avec l’éta- blissement français des greffes pour définir qui peut recevoir le greffon sachant que l’on recherche toujours le L’infirmière n’insiste pas si ses interlocuteurs s’op- posent au prélèvement, à moins que le défunt ait attesté de son vivant qu’il était donneur. Mais dans tous les cas, le laps de temps

meilleur greffon pour le meilleur rece- veur” explique Yvette Hudel. La recherche est lancée à l’échelle natio- nale via un vaste fichier dont dispose l’établissement français des greffes. Quand le receveur est désigné, c’est une équipe de chirurgiens de l’hôpital demandeur qui se déplace à Besançon pour effectuer elle-même le prélève- ment sur le corps. Inversement, si le C.H.U. a l’opportunité d’un foie à gref- fer, un avion est mis à disposition de l’équipemédicale au départ de Tavaux ou de La Vèze, pour aller effectuer le prélèvement. “Nous sommes chargés d’organiser le bloc opératoire avant l’arrivée des chirurgiens. Quand on peut prélever plusieurs organes sur une personne, il y a autant d’équipes chi- rurgicales venues d’hôpitaux différents qu’il y a d’organes à prélever.” Jus- qu’au dernier moment, l’intervention peut capoter, si le cœur s’arrête avant l’extraction du greffon. Au total, entre l’instant où la mort encéphalique est constatée jusqu’à la fin du prélèvement, 18 à 24 heures se sont écoulées. Pendant ce laps de temps, l’infirmière coordinatrice aura assu- mé seule l’organisation de l’opération. “Pour terminer, nous sommes chargés de restituer le corps à la famille dans son intégrité. C’est de notre responsa- bilité de s’en assurer.” Au mois d’août, 6 prélèvements ont été réalisés à Besançon. Enmoyenne,

hospitalière pour les pré- lèvements et les greffes. L’urgence est unedes carac- téristiques de sa profes- sion.Mais ce n’est pas tout. “Je crois qu’on ne peut pas rester dans ce métier si on n’a pas la foi.”

“Le corps a l’apparence du vivant.”

Son travail n’est pas seulement médi- cal, il est aussi profondément humain. Comment expliquer à une famille que le malade qu’elle entoure ne vit plus que d’une façon artificielle dans le ser- vice de réanimation et qu’il est enco- re temps de prélever ses organes pour peut-être sauver une vie à l’autre bout de la France ? “Le corps a l’apparence du vivant, mais en fait, il est réelle- ment mort.” Pour la coordinatrice qui est épaulée de trois autres collègues à mi-temps, la difficulté est de trouver

“L’étape de l’entretien avec la famille est toujours une épreuve pour moi.”

La coordination hospitalière de Besan- çon se heurte en moyenne à 30 % de refus. Il reste encore à poursuivre un vaste chantier d’information auprès du grand public pour faire comprendre que le don peut sauver la vie. C’est aussi une desmissions d’YvetteHudel. ! T.C.

une soixantaine de personnes en état de mort encéphalique sont prises en charges au C.H.U., dont une vingtai- ne est prélevée. Selon la qualité des donneurs, entre 50 et 70 greffons sont explantés (sans compter la centaine de cornées). Des chiffres insuffisants, mais le problème est que la culture du don est balbutiante en France.

C IRCULATION Un métier à risque Il est l’ange gardien de l’autoroute

Depuis six ans, Gino Zervini est employé à la S.A.P.R.R. où il exerce un métier de patrouilleur. Son rôle est de sillonner l’A 36 pour traquer tout ce qui pourrait nuire à la sécurité des automobilistes.

P our ses supérieurs, il est un peu l’œil du district. Pour les auto- mobilistes, c’est plutôt un ange gardien. À 43 ans, Gino Zervini est un des cinq patrouilleurs de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (S.A.P.R.R.), affecté au district de Besan- çon. Son terrain d’action est l’A 36. Depuis six ans, il assure la sécurité sur un tronçon de 50 kmentre Villars et Gendrey. Quotidiennement, seul au volant de son véhicule technique, il sillonne ce parcours, attentif à tout ce qui pourrait nuire à la sécurité “des clients.” Un pneu éclaté à éva- cuer de la chaussée, une panne à signaler, un accident, le patrouilleur est en veille constante. Il est toujours prêt à intervenir et à rendre compte de ce qui se passe sur le terrain au poste de contrôle qui infor- mera ensuite les automobilistes via la fré- quence radio 107.7. “Par exemple, lorsqu’il y a un accident, je sécurise la zone en atten- dant les secours pour éviter qu’un sur-acci- dent se produise faute d’avoir mis en place une signalisation suffisante en amont” explique-t-il. Tout est prévudans son camion pour avertir les automobilistes et les invi- ter à ralentir. Un panneau lumineux qui se déplie sur le toit de son véhicule, des phares clignotants ou encore des cônes, bref, tout le matériel nécessaire à sa mis- sion. À chaque fois, son intervention est métho- dique. Suivre les consignes de sécurité pour éviter de semettre en danger soi-même est une des premières règles que l’on apprend

travail de 8 heures, il ne se passe rien. Pas d’incident, l’autoroute est dégagée, un jour calme et sansmystères.Alors, lepatrouilleur est encore plus attentif aux autresmissions qui lui incombent. Il fait son petit tour sur les aires d’autoroutes qui se trouvent sur son parcours, vérifie les toilettes, contrôle les grillages qui bordent la voie ainsi que les accès de service. On se souvient qu’il y a quelques années, une bande de malfrats se livrait à des opérations de cambriolage à Besançon avant de prendre la fuite par l’autoroute sans passer par les péages, mais en fracturant les portails des accès de ser- vice.

avant de devenir patrouilleur. Normal, car sur l’autoroute, la durée de vie pour un pié- ton n’excède pas les 20 minutes. Gino Zer- vini sait que la combinaison orange dont il est vêtu ne l’écarte jamais du danger. “On doit toujours avoir à cela à l’esprit. Le plus dangereux dans ce métier est de tomber dans la routine. On est moins vigilant et c’est dans ces conditions que le risque de se faire shooter par une voiture est le plus grand.” Chaque année, l’actualité parle de ces hommes qui perdent la vie en service. Quand ce patrouilleur évoque son quoti- dien, on comprend qu’il faut une bonne dose de sérénité pour exercer cette profession.

À ses heures, Gino Zervini est aussi facteur puisqu’il est char- gé, comme l’ensemble de ses col- lègues, de convoyer le courrier interne à la S.A.P.R.R. d’un point àunautre. Le système est simple, rapide, efficace. Ce qui plaît à cet homme de la sécurité est aussi le contact qu’il a avec les usagers de l’A 36. S’il est toujours prêt à rendre service à une personne qui a crevé, il se permettra de

Par exemple, pour récupérer un pneu éclaté au milieu d’un flot de véhicules qui roulent à 130 km/h, Gino Zervini gare sa camionnette sur la bande d’ar- rêt d’urgence. Il descendet attend le bonmoment pour traverser la voie, saisir l’objet et revenir. “Il faut toujours marcher, ne pas paniquer et ne jamais courir au risque de trébucher. Ondoit juger d’une situation tout de suite et

“Le plus dangereux

dans ce métier est de tomber dans la routine.”

rappeler à une autre que sa panne d’es- sence lui coûtera 109 euros et ce n’est pas discutable. Le message est passé, le patrouilleur reprend la route. En ce moment, Gino Zervini travaille de jour, mais demain il sera de nuit. Il préfè- re l’ambiance nocturne d’une autoroute apaisée. ! T.C.

avoir le sang froid. C’est ça qui me plaît.” S’il ne parvient pas seul à dégager l’obs- tacle, alors il appelle les renforts et pose un balisage. Ce patrouilleur avoue avoir déjà eu quelques surprises. “Une fois, on m’a appelé pour dégager un bidon sur la voie, et quand je suis arrivé sur place il s’agissait d’une cuve de 4 000 litres.” Mais il arrive que pendant son temps de

Gino Zervini : “On doit juger d’une situation tout de suite et avoir le sang froid. C’est ça qui me plaît.”

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