La Presse Bisontine 48 - Octobre 2004
LE DOSSI ER
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T RAVAUX PUBLICS Jusqu’à 90 mètres de hauteur Bienvenue dans le petit paradis de Roger
Grutier depuis plus de 32 ans, Roger Pereira passe la plus clair de ses journées, seul, dominant le monde de plusieurs dizaines de mètres. Du haut de sa cabine, il savoure son bonheur.
C’ est en partie à Roger Pereira que les Bison- tins doivent lexisten- ce du complexe Marché- Beaux Arts, mais aussi du nouveau palais de justice, et plus loin en arrière, de lim- mense halle deMicropolis ou encore des dizaines dim- meubles de Planoise. À cha- cun de ces chantiers bisontins, Roger était présent. De sa cabine, il a soulevé des dizaines de tonnes de béton, des charpentes métal- liques ou des struc- tures en bois. Lil toujours aussi vif après 32 ans passés en lair. Roger Pereira est grutier depuis lâge de 16 ans et il ne changerait demétier pour rien au monde. Au début, jétais maçon, comme les autres, mais ça na pas duré plus de 15 jours. Jaimais les machines, la hauteurma atti- ré, jai tout de suite appris à manier les grues. Javais ça
manie avec la précision dun orfèvre, peut atteindre 12 tonnes. La peur, il ne connaît pas cemot. Jai déjà travaillé sur une grue à 90 mètres de hauteur, cétait dans la région lyonnaise pour la construc- tion dune tour. Ma mère me demande souvent quand je compte arrêter cemétier. Mais je me sens trop bien ! Conscient quil a une expé- rience et un savoir-faire qui se font rares, Roger pourrait très bien chercher du travail ailleurs, il en trouverait sans problème. Mais sa situation actuelle lui convient. Fidèle à sonmétier, il lest aussi avec son employeur chez qui il tra- vaille depuis 24 ans. À 49 ans, Roger compte bien encore grimper pendant des années les marches qui le mènent à son 7 ème ciel à lui, à 35, 45, voire 90 mètres de hauteur. Ce nest quune fois installé là-haut, bien calé dans son fauteuil, quil tutoie le bonheur. ! J.-F.H.
re Joffre où il participe à la construction de deux nou- velles casernes. Là encore, il jouit dune vue imprenable sur la capitale comtoise. Cest clair que pour faire ce métier, il faut aimer. Moi, je laime tranche-t-il. À cet endroit, Roger Pereira restera pour 18 mois environ. Pour le compte de son employeur, la société com- toise G.T.F.C., il a déjà par- couru bonnombre dendroits : région parisienne, Nevers, Lyon, Strasbourg et même lAllemagne. Il faut dire que les jeunes ne se bousculent pas au portillon de ce métier hors du commun. Il ne faut pas avoir peur de la solitude ni du vertige. Tous les matins à 7 h 30, il grimpe une à une lesmarches qui lemmènent vers son bureau à lui. Avec 90 tonnes de lest en béton au pied de la grue, lengin qui totalise un poids de 150 tonnes ne risque pas de dégringoler. La char- ge maximale, que Roger
dans la tête depuis le début. À lépoque, on apprenait sur le tas. Mon premier travail avec une grue a été la construc- tion dunemaison à Pirey. Au bout de deux semaines, onme confiait la plus grosse grue demon entreprise. Mon chan- tier suivant a été la construc- tiondun immeuble de 5 étages
vers le pont de la Gibelotte à Besançon. Depuis cette année 1972, il nest jamais redescendu - pour sa profes- sion -, sur le
“Pour faire ce métier, il faut aimer. Moi, je l’aime.”
plancher des vaches. Dans les années 70, les immeubles poussaient comme des cham- pignons à Planoise. Pendant 10 ans, je nai fait que ça. On ne démontait jamais la grue. Aussitôt un immeuble ter- miné quon en recommençait un autre. En cemoment, Roger est per- ché à une trentaine demètres au cur du quartier militai-
Roger Pereira travaille actuellement à l’édification de nouvelles casernes au quartier Joffre.
S.N.C.F.
140 conducteurs Floriane Racine n’a pas raté son train
Elle est la première bisontine de l’histoire à conduire un train. Depuis 5 ans, elle parcourt toute la région Est aux commandes de sa locomotive. Floriane est une sorte de pionnière.
train seule. Un souvenir impérissable. Cétait un T.E.R. Dole-Saint-Claude. La nuit tombait, il pleuvait. Le trajet durait deux heures, il ma paru interminable. On pense à tout ce quon a appris pendant tous ces mois de formation, on est paré à toutes les éventualités. Il y avait beau- coup dappréhension, beaucoup démotion aus- si. Ce baptême du fer réussi, Floriane a enchaî- né depuis, à raison de quatre à six jours de travail par semaine, tous les trajets que comp- te la région. T.E.R., grandes lignes, trains de marchandises, autorails électriques ou diesels, Floriane Racine maîtrise tout type de matériel. Après 5 années dexpérience, pas daccident majeur à déplorer dans la carrière de Floriane.
tins ont une ambassadrice de charme qui sillon- ne toute la région à la barre dautorails et de trains de marchandises. Comment Floriane Racine est-elle tombée dedans ? Je voulais conduire des trains, jai tout fait pour y parve- nir. Le fait que mon père soit cheminot a sans doute contribué à faire naître cette vocation raconte-t-elle. Armée dun D.U.T. déconomie et de gestion, Floriane a passé les 6 premières années de sa vie professionnelle dans le secteur privé. Bien assez pour elle, elle décide alors de tenter din- tégrer la S.N.C.F. On ne devient pas conduc- teur comme cela. Jai appris que du côté de Chambéry, ils cherchaient à engager des contrô-
C onductrice de train. Voilà encore 10 ans, ce vocable pouvait irriter loreille de nombre de cheminots S.N.C.F., peu enclins à voir leur profession fémini- sée de la sorte. Il faut avouer quapercevoir le joli minois de Floriane Racine sortir de la cabi-
ne du train à lapproche de la gare, étonne enco- re plus dun voyageur. Cest vous qui condui- sez le train ? entend-elle encore régulièrement. Il faudra sans doute sy habituer : la conduite de locomotive nest plus la chasse gardée de ces messieurs, quon se le dise. Les cheminots bison-
Quelques incidents. Une fois, jai percuté une vache à plus de 100 km/h, une autre fois une voiture à un pas- sage à niveau mais les occupants avaient heureusement quitté le véhi- cule. Sinon, rien à signaler Verra-t-on un jour Floriane aux com- mandes dun T.G.V. ? Actuellement en France, aucune femme na ce pri- vilège et pour cause, il faut en géné- ral au moins une douzaine dannées de conduite pour accéder à cette pro- motion. Aucune femme, en France,
leurs. Je me suis présentée, jai pas- sé les entretiens, tous les tests et après 6mois décole, jai été affectée àBourg- en-Bresse. Après deux ans et demi à contrôler les voyageurs, la Bisontine a contac- té tous les dépôts de la S.N.C.F. pour tenter daccéder à la formation de conducteur. Jai été évincée de plu- sieurs centres, avant même de pas- ser les tests. Il y a encore beaucoup de machisme à certains endroits commente-t-elle dans un sourire.
“Il y avait beaucoup d’appréhension,
beaucoup d’émotion aussi.”
na encore cette ancienneté. Nul doute que ce petit bout de femme de 36 ans au regard bleu profond se verra proposer le pos- te de conduite dun T.G.V. Jy compte bien un jour, mais ce nest pas le rêve absolu pour moi. Je préfère cent fois conduire seule, la nuit, un long train de marchandises répond-elle avec toujours autant de détermination. Celle-làmême qui la sans doute aidée à pénétrer un monde jusque-là réservé aux hommes. Floriane Raci- ne est sans doute en train douvrir la voie à dautres femmes qui nosent pas encore fran- chir le marchepied dune locomotive. ! J.-F.H.
Elle apprend un jour quune école se met en pla- ce au dépôt de Besançon. On ma dit quon me donnait ma chance, jai foncé. Les sélections sont impitoyables : 1 candidat sur 18 est rete- nu, pas plus. 12 élèves sont admis pour cette promotion bisontine, elle fera partie des lau- réats, devenant ainsi la première et seule fem- me, au milieu de ses 140 confrères conducteurs bisontins. Je crois quon mattendait au tour- nant, mais jai réussi lexamen final. Depuis, une deuxième femme a rejoint Floriane dans les rangs du dépôt bisontin. Octobre 1998, elle démarre alors une période de 12 mois de formation théorique et pratique. Le 15 octobre 1999, elle conduit son premier
Floriane Racine aux commandes d’un T.E.R. Ce qu’elle préfère ? Les trains de marchandises.
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