La Presse Bisontine 47 - Septembre 2004

L’ÉVÉNEMENT

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R EGARD D ’ ENFANT Michel Marlin, habitant de Thise “On s’est dit, la guerre est finie” Il n’a pas combattu. Mais la guerre, l’Occupation, il l’a vécue alors qu’il était enfant. Quand on a 11 ans, le contexte de l’époque suffit à marquer la mémoire. 60 ans après, Michel Marlin se souvient.

M ichel Marlin avait 11 ans quand les soldats de la 3 ème division amé- ricaine libèrent Besançon début septembre 1944. Soixante ans après, il garde des souvenirs précis de ce fait d’arme des “boys” qui a mis fin à l’oc- cupation allemande. À l’époque, lui et ses parents occupaient un logement rue du Clos Munier. Informés des opérations qui se dérou- laient en Normandie, ils étaient persuadés que les libérateurs seraient des Anglais venus du front Ouest. Jusqu’à ce jour de sep- tembre “où nous avons appris que c’était les troupes américaines qui avaient débarqué en Provence le 15 août qui arrivaient sur Besançon. On a su cela par la postière de Quingey, qui a appelé le bureau de poste de

7 septembre, les tirs s’étaient calmés. Nous sommes sortis de la cave et nous avons vu les Allemands qui refluaient juste avant l’ar- rivée d’un drôle de véhicule qu’on ne connais- sait pas. C’était une jeep qui a riposté à des tirs allemands venus de la caserne Vauban avant d’être épaulée par un char U.S.” L’après-midi du 7 septembre, le quartier a retrouvé un calme relatif. “Il faisait beau, les Américains étaient installés rue du Clos Munier. Ce qui m’a frappé, ce sont les chaus- sures de ces hommes qui ne faisaient pas de bruit quand ils marchaient contrairement aux chaussures cloutées des soldats alle- mands. Les Américains avaient des rangers . Je me rappelle être sorti avec mon père. Il prenait des photos. On se disait que la guer- re était finie.”

Battant - le téléphone marchait encore -, en disant que les Améri- cains étaient là. Ce qu’on ne savait pas est que ces soldats avaient pris le pont d’Avanne intact. Depuis le Clos Munier, on voyait la nuit des balles traçantes tirées en direction des Tilleroyes et des explosions sur Châteaufarine” raconte Michel Marlin.

“Un soldat m’a plaqué au sol pour me protéger.”

Une joie un peu trop hâtive, quand la troupe de G.I.’s a essuyé un tir de mortier. “Un soldat américain qui venait de m’offrir un café au lait m’a empêché de courir en me plaquant au sol pour me protéger. Les tirs venaient probablement du côté de Montjoux. Rapidement, les

Américains ont envoyé une patrouille pour nettoyer le secteur.” Michel Marlin tient entre ses mains une photo mal cadrée, prises par son père juste au moment de cet assaut. On y voit une jeep dont les occupants ont la tête coupée. “Il a raté son cliché. Quand il a déclenché sa photo, il a eu peur de l’explo- sion, c’est certain.” À son domicile de Thise, Michel Marlin pho- tographe en retraite, garde un certain nombre de traces de cette époque qui a marqué sa

Dans la nuit du 6 au 7 septembre, comme à chaque alerte, l’enfant qu’il était, ses proches et d’autres civils se réfugient à la cave. “L’en- droit n’était pas très profond. Je me souviens que le sol était en terre battue et qu’il y avait au centre de la “pièce” un seau d’hygiène dont certains n’hésitaient pas à se servir.” C’est de cet endroit au confort plus que rudi- mentaire que Michel Marlin a vécu l’assaut américain sur Besançon. “Au petit matin du

Photographié par le père de Michel Marlin, voici le char américain stationné face à la caserne Vauban sur laquelle il vient de faire feu.

mémoire d’enfant. Une mémoire empreinte d’un profond respect pour cette 3 ème division américaine dont il s’occupe des vétérans en

visite à Besançon au moment des commé- morations. ! T.C.

Le maquis entre en lutte contre l’occupant Le Groupe de résistance Ognon-Doubs avait pour mission de mener des actes de résis- tance sur un territoire contenu entre ces deux rivières. Jean Bousset était un de ses membres. T ÉMOIGNAGE Membre du Groupe O.D.

J ean Bousset avait tout juste 18 ans quand au mois d’août 1944, com- me 200 autres jeunes, il s’engage dans la résistance pour former la compagnie O.D. (Ognon-Doubs), dont les forces seraient déployées dans la grande périphérie de Besan- çon. La mission de ce groupe divisé en 6 sections, instruit par des officiers et sous-offi- ciers, était de harceler l’en- nemi par des actions ponc- tuelles, et de bloquer ses mouvements. “Nous avons appris à manipuler les armes. Notre rôle a été d’attaquer les convois allemands sur la rou- te de Gray” raconte cet hom- me qui à l’époque a quitté son poste d’ajusteur-régleur à la S.N.C.F. pour se lancer dans la lutte contre l’occupant. Rassemblés sous la devise “Hauts les cœurs”, ces hommes étaient prêts à tout, jusqu’à donner leur vie pour soutenir le mouvement de la Libéra- tion qui a débuté en Norman- die le 6 juin 1 944 par le débar- quement. Ces maquisards dont la plupart d’entre eux étaient inexpérimentés au combat et mal équipés, avaient peu de

mies. “Quand on s’est rencon- tré, on s’est congratulé.” Jean Bousset garde deux sou- venirs important de cette époque. “Ce qui me reste est l’image de désespoir de parents lors de l’enterrement de leur jeune fils au cimetière Saint- Claude, tué alors qu’il était résistant. Ensuite, je me sou- viens d’avoir défilé dans les rues de la ville de Besançon après sa libération et d’avoir été applaudi.” C’est de ces morts, soldats de la liberté pri- vés de jeunesse, que Jean Bousset, qui estime n’avoir jamais fait d’exploit lors de son engagement, souhaite que l’on souvienne. Car aujour- d’hui, à 17 ans en France, on fait parfois la guerre, mais c’est assis devant son écran de télévision, la manette de la console de jeu entre les mains. Une autre époque dont cet aîné octogénaire attend un devoir de mémoire. Le 19 septembre prochain à Mazerolle aura lieu la dernière manifestation de l’amicale du groupe O.D. dont il ne reste que 11 membres actifs. Jean Bousset en est le président. ! T.C.

chance face à la puissance de feu des forces allemandes. Mais poussés par cette envie de retrouver la liberté, ils ont réussi “des coups. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Nous en avions ras- le-bol de cette occupation alle- mande. Tous nos faits et gestes étaient contrôlés. Il ne fallait rien dire de peur d’être dénon- cé par son voisin. Certains qui

re et non pas exécutés pour fait de résistance.” Jusqu’à la libération de Besan- çon, le Groupe O.D. a opéré entre le Doubs et l’Ognon. Plus de 150 soldats allemands ont été constitués prisonniers et cantonnés à Vaux-les-Prés. Jusqu’à ce jour de début sep- tembre “où une colonne alle- mande est entrée le village. Face à l’armement déployé par

l’ennemi, nous nous sommes repliés dans les bois.” Les 6,7 et 8 sep- tembre, la résis- tance est meurtrie. “17 de mes cama- rades sont arrêtés et fusillés. Cela a

en avaient mare du nazisme, rejoi- gnaient les F.F.I. Dans ce temps-là, on ne voyait pas le danger, même si on savait que si on était pris, c’était lamort.” Jean Bousset et ses

“On savait que si on était pris c’était la mort.”

compagnons étaient retran- chés dans les bois de Vaux-les- Prés et Mazerolle-le-Salin. “On vivait avec par jour un biscuit de guerre et deux paquets de cigarettes, une toile cirée et une couverture pour dormir. Ce n’était pas pour autant un maquis de pacotille, nous étions vêtus d’une tenue de soldat. Cette tenue a d’ailleurs sauvé la vie de certains maquisards arrêtés par les Allemands et traités en prisonniers de guer-

été très dur pour nous. Pen- dant trois jours nous avons été sous les mortiers et les balles allemandes. Notre chance a été de nous replier dans le bois où les Allemands ne pénétraient pas. Heureusement car le gros problème de notre groupe était l’armement. Nous avons atten- du des parachutages qui ne sont jamais venus.” Leur salut viendra des Américains pos- tés sur les hauteurs des Tille- royes pour tirer les forces enne-

Jean Bousset : “Ensuite, je me souviens avoir défilé dans les rues de la ville de Besançon après sa libération et d’avoir été applaudi.”

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